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Enfin l’on remarque que les couches de la terre sont quelquefois brisées & interrompues dans leur cours ; il paroît naturel d’attribuer ces interruptions aux ébranlemens causés par les tremblemens de terre, par les affaissemens de certains terreins, occasionnés par les excavations qu’ont faites les eaux souterraines. (—)

Terre, révolutions de la, (Hist. nat. Minéralogie.) pour peu que l’on jette les yeux sur notre globe, on trouve des preuves convaincantes qu’il a dû éprouver autrefois, & qu’il éprouve encore de tems à autres, des changemens très-considérables. Les physiciens ont donné le nom de révolutions aux évenemens naturels par lesquels la terre est altérée en tout, ou dans quelques-unes de ses parties. L’histoire nous a transmis la mémoire d’un grand nombre de ces révolutions ; mais il y en a un plus grand nombre encore qui est demeuré dans la nuit des tems, & dont nous ne sommes assurés que par les débris & les ravages dont nous voyons des traces dans presque toutes les parties du globe que nous habitons : c’est ainsi que Moïse nous a transmis dans la Genèse, le souvenir du déluge universel ; l’histoire profane nous a parlé des déluges de Deucalion & d’Ogygès ; mais aucuns monumens historiques ne nous ont appris l’époque de plusieurs autres révolutions très-marquées, qui ont considérablement alteré la surface de la terre.

Ces révolutions de la terre sont de deux especes, il y en a qui se sont fait sentir à la masse totale de notre globe, & l’on peut les appeller générales ; d’autres n’operent des changemens que dans de certains lieux, nous les appellerons locales ; quelques-uns de ces changemens sont opérés par des causes qui agissent sans cesse ; d’autres sont opérés par des causes momentanées.

Tous les physiciens conviennent aujourd’hui que la terre s’est applattie par ses pôles, & qu’elle s’est par conséquent étendue vers l’équateur. On a lieu de présumer pareillement que l’axe de la terre a changé d’inclinaison & de centre de gravité ; il est aisé de sentir que des changemens de cette nature, ont du faire une impression très-forte sur la masse totale de notre globe ; ils ont du changer totalement le climat de certains pays, en présentant au soleil des points de la terre différemment de ce qu’ils étoient auparavant ; ils ont dû submerger les parties de la terre qui étoient continent, & en mettre à sec d’autres qui servoient de bassin ou de lit à la met ; & ces changemens si considérables ont pu influer sur les productions de la nature, c’est-à-dire, faire disparoître de dessus la terre certaines especes d’êtres, & donner naissance à des êtres nouveaux : telles sont les révolutions les plus générales, que nous présumons avoir été éprouvées par la terre.

Il en est d’autres qui sans avoir entierement changé la face de la terre, n’ont pas laissé de produire sur elle des altérations très-considérables ; de ce nombre sont sur-tout les tremblemens de terre ; par leurs moyens nous voyons que les montagnes sont fendues, & quelquefois englouties dans le sein de la terre ; des lacs, des mers viennent prendre la place du continent ; les rivieres sont forcées de changer leur cours ; des terreins immenses sont abîmés & disparoissent ; des îles & des terres nouvelles sortent du fond des eaux. Voyez Tremblemens de terre.

Une expérience journaliere & funeste nous apprend que les vents déchaînés, poussent souvent avec violence les eaux des mers, sur des portions du continent qu’elles inondent, & d’où ensuite elles ne peuvent plus se retirer. Ces mêmes causes arrachent quelquefois des parties considérables de la terre ferme, & en font des îles : c’est ainsi que l’on est en droit de présumer que la Sicile a été autrefois arrachée de l’Italie ; la Grande-Bretagne a été séparée du continent

de la France ; les îles de l’Archipel du continent de l’Asie, &c.

Ces effets ont été quelquefois produits par plusieurs causes combinées ; les feux souterreins & les tremblemens de terre ont souvent frayé la route aux eaux des mers, qui elles-mêmes ont été mises dans un mouvement impétueux par les vens, & alors les ravages ont été plus terribles.

Des causes moins violentes operent encore des altérations très-frappantes à la surface de notre globe ; les eaux des pluies détrempent & détachent peu-à-peu les terres & les pierres des montagnes, & s’en servent pour combler les vallées ; les rivieres entraînent sans cesse un limon très-abondant, qui au bout de quelques siecles forme des terres aux endroits qui auparavant étoient entierement couverts par les eaux ; c’est ainsi que l’on peut conjecturer que les eaux du Rhin ont formé peu-à-peu le terrein de la Hollande. C’est ainsi que les eaux du Rhône ont vraissemblablement produit l’île de la Camargue. Les eaux du Nil ont formé à l’embouchure de ce fleuve le Delta, &c. Les eaux de la Seine ont produit les mêmes effets en Normandie.

La force de l’air & des vents suffisent pour transporter des montagnes entieres de sable, & par-là d’un pays fertile en font un desert avide & affreux ; nous avons un exemple dans les déserts de la Lybie & de l’Arabie.

Les volcans en vomissant de leurs flancs des amas immenses de cendres, de sable, de pierres calcinées de lave, alterent totalement la face des terreins qui les environnent, & portent la destruction dans tous les lieux qui en sont proches. Voyez Volcan.

Nous voyons toutes ces causes, souvent réunies, agir perpétuellement sur notre globe ; il n’est donc point surprenant que la terre ne nous offre presque à chaque pas qu’un vaste amas de débris & de ruines. La nature est occupée à détruire d’un côté pour aller produire de nouveaux corps d’un autre. Les eaux travaillent continuellement à abaisser les hauteurs & à hausser les profondeurs. Celles qui sont renfermées dans le sein de la terre la minent peu-à-peu, & y font des excavations qui détruisent peu-à-peu ses fondemens. Les feux souterreins brisent & détruisent d’autres endroits ; concluons donc que la terre a été & est encore exposée à des révolutions continuelles, qui contribuent sans cesse, soit promptement, soit peu-à-peu, à lui faire changer de face. Voyez les articles Fossiles, Tremblement de terre, Volcans, Limon, Terre, couches de la terre, &c. (—)

Terre, (Chimie & Physique.) c’est un corps solide qui sert de base à tous les autres corps de la nature. En effet, toutes les expériences & les analyses de la chimie, lorsqu’elles sont poussées jusqu’où elles peuvent aller, nous donnent une terre ; c’est-là ce qui a fait regarder la terre comme un principe élémentaire des corps ; mais c’est une erreur que de la regarder comme un élement, ou comme un corps parfaitement simple ; toutes les terres que nous pouvons appercevoir par nos sens, sont dans un état de combinaison & de mixtion, & quelquefois d’aggrégation, & même de surcomposition. Ce sont les différentes combinaisons de la terre, ses différentes élaborations & atténuations, qui leur donnent des propriétés si variées, & quelquefois si opposées.

Le célebre Becher regarde tous les corps de la nature comme composés de trois terres, dont les différentes combinaisons & proportions produisent des êtres si variés. La premiere terre est celle qu’il appelle vitrescible ; elle se trouve dans les sels, dans les cailloux, dans les métaux, & c’est à elle qu’est dûe la propriété de se vitrifier par l’action du feu.

La seconde terre de Becher est celle qu’il nomme sulfureuse ou inflammable, & que Stahl a depuis nom-