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sons, ils inondent pour-ainsi-dire des pays tout entiers ; nous avons un exemple de ces inondations de sable en France, sur les côtes de Bretagne ; l’histoire de l’Académie, année 1722, en fait mention dans les termes suivans.

« Aux environs de Saint-Paul-de-Léon, en basse Bretagne, il y a sur la mer un canton, qui avant l’an 1666 étoit habité & ne l’est plus, à cause d’un sable qui le couvre jusqu’à une hauteur de plus de vingt piés, & qui d’année en année s’avance & gagne du terrein. A compter de l’époque marquée il a gagné plus de six lieues, & il n’est plus qu’à une demi-lieue de Saint-Paul ; de sorte que, selon les apparences ; il faudra abandonner cette ville. Dans le pays submergé on voit encore quelques pointes de clochers & quelques cheminées qui sortent de cette mer de sable ; les habitans des villages enterrés ont eu du-moins le loisir de quitter leurs maisons pour aller mendier.

« C’est le vent d’est ou du nord qui avance cette calamité ; il éleve ce sable qui est très-fin, & le porte en si grande quantité & avec tant de vîtesse, que M. Deslandes, à qui l’Académie doit cette observation, dit qu’en se promenant dans ce pays-là pendant que le vent charrioit, il étoit obligé de secouer de tems-en-tems son chapeau & son habit, parce qu’il les sentoit appesantis : de-plus, quand ce vent est violent, il jette ce sable par-dessus un petit bras de mer jusque dans Roscof, petit port assez fréquenté par les vaisseaux étrangers ; le sable s’éleve dans les rues de cette bourgade jusqu’à deux piés, & on l’enleve par charretées : on peut remarquer en passant qu’il y a dans ce sable beaucoup de parties ferrugineuses, qui se reconnoissent au couteau aimanté.

« L’endroit de la côte qui fournit tout ce sable, est une plage qui s’étend depuis Saint-Paul jusque vers Plonescat, c’est-à-dire un peu plus de quatorze lieues, & qui est presque au niveau de la mer lorsqu’elle est pleine : la disposition des lieux est telle, qu’il n’y a que le vent d’est ou de nord-est qui ait la direction nécessaire pour porter le sable dans les terres. Il est aisé de concevoir comment le sable porté & accumulé par le vent en un endroit, est repris ensuite par le même vent & porté plus loin, & qu’ainsi le sable peut avancer en submergeant le pays, tant que la miniere qui le fournit en fournira de nouveau ; car sans cela le sable en avançant diminueroit toujours de hauteur, & cesseroit de faire du ravage. Or il n’est que trop possible que la mer jette ou dépose long-tems de nouveau sable dans cette plage, d’où le vent l’enleve ; il est vrai qu’il faut qu’il soit toujours aussi fin pour être aisément enlevé.

« Le désastre est nouveau, parce que la plage qui fournit le sable n’en avoit pas encore une assez grande quantité pour s’élever au-dessus de la surface de la mer, ou peut-être parce que la mer n’a abandonné cet endroit, & ne l’a laissé à découvert, que depuis un tems ; elle a eu quelque mouvement sur cette côte, elle vient présentement dans le flux, une demi-lieue en-deçà de certaines roches qu’elle ne passoit pas autrefois.

« Ce malheureux canton, inondé d’une façon singuliere, justifie ce que les anciens & les modernes rapportent des tempêtes de sable excitées en Afrique, qui ont fait périr des villes, & même des armées ».

Non-seulement donc il y a des causes générales, dont les effets sont périodiques & reglés, par lesquels la mer prend successivement la place de la terre, & abandonne la sienne ; mais il y a une grande quantité de causes particulieres qui contribuent à ces changemens, & qui produisent des bouleversemens, des

inondations, des affaissemens ; & la surface de la terre, qui est ce que nous connoissons de plus solide, est sujette, comme tout le reste de la nature, à des vicissitudes perpétuelles. Hist. nat. gen. & part. t. I. Voyez Terre, Mer, Montagne, Figure de la terre, &c.

TERRASSE, s. f. (Art milit.) c’étoit dans les sieges des anciens, un épaulement environnant sur le bord du fossé, tout semblable à nos tranchées, où les archers & les frondeurs tiroient à couvert & sans cesse contre les défenses de la ville, pendant qu’on insultoit de toutes parts. Les terrasses servoient aussi de contrevallation pour brider, & resserrer de plus près ceux de la place. On appelloit aussi terrasse, un cavalier élevé fort haut pour dominer les murs d’une ville.

On commençoit la terrasse sur le bord du fossé, ou du-moins fort près, & elle formoit un quarré long. On la formoit à la faveur des mantelets, qu’on élevoit fort haut, derriere lesquels les soldats travailloient à couvert des machines des assiégés. Les terrasses qu’Alexandre fit élever aux sieges du roc de Coriénez & d’Aorne, & celle de Massada, dont Josephe donne la description, sont fameuses dans l’histoire.

Terrasse se prend aussi pour le comblement du fossé des places assiegées ; mais on ne doit pas confondre ces sortes de terrasses, avec les cavaliers ou terrasses élevées sur le bord du fossé pour dominer les murailles, & voir ce qui se passoit sur le parapet. Les traducteurs & les commentateurs tombent souvent dans cette erreur. Il est aisé de distinguer les terrasses considerées comme comblement, & les terrasses considerées comme cavaliers ; car lorsqu’on s’apperçoit qu’il y a de beliers sur la terrasse, il ne faut pas douter que l’auteur ne veuille parler du comblement de fossé ; s’il paroit que ces beliers sont sur un cavalier, il faut décider que l’historien est un ignorant qui ne sait ce que c’est que la guerre. Polybe, commenté par Folard, tom. II. (D. J.)

Terrasse, (Jardin.) ouvrage de terre élevé & revêtu d’une forte muraille, pour raccorder l’inégalité du terrein. La maçonnerie n’est pas cependant toujours nécessaire pour faire une terrasse. Quand la terre est forte, on se contente de faire des taluds & des glacis, qu’on coupe à chaque extrémité. On laisse une pente douce sur la terrasse, pour l’écoulement des eaux, d’environ un pouce & demi par toise, selon la grandeur de la terrasse ; & cette pente se prend toujours sur sa longueur. On orne les terrasses d’arbrisseaux, d’ifs & de charmilles à hauteur d’appui, avec des vases, des caisses & des pots de fleurs, posés sur des dés de pierre. Les figures & les fontaines contribuent encore beaucoup à leur décoration. Malgré ces ornemens, les terrasses n’embélissent pas beaucoup un jardin ; aussi en doit-on faire le moins qu’on peut, & les éloigner toujours les unes des autres. Voyez des modeles de terrasse dans la théorie & la pratique du jardinage.

On appelle contre-terrasse, une terrasse élevée au-dessus d’une autre, pour quelque raccordement de terrein, ou élévation de parterre. (D. J.)

Terrasse. (Joaillerie.) ce terme se dit en style d’ouvriers lapidaires, de quelques parties dans une pierre précieuse qui ne peuvent souffrir le poliment.

Terrasse, (Peint.) on appelle terrasse en Peinture, un espace de terre qu’on place d’ordinaire sur le devant du tableau. Les terrasses doivent être spacieuses & bien ouvertes ; on peut y représenter quelque verdure, ou même des cailloutages qui s’y trouvent comme par accident. (D. J.)

Terrasse, (Sculpt.) c’est le dessus de la plinthe en pente sur le devant, où on pose une figure, une statue, un grouppe, &c. (D. J.)