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tes ensemble, comme sont 6 & 28. En ce sens le nombre ternaire est plutôt un nombre défaillant que parfait : lorsque Plutarque dit encore que le nombre ternaire est le commencement de multitude, il parle à la mode des Grecs, qui ont trois nombres dans leur déclinaisons, le singulier, le duel & le pluriel, & ne se servent du dernier que lorsqu’il s’agit de plusieurs choses, c’est-à-dire trois au-moins. Enfin quand cet auteur ajoute que le ternaire comprend en soi les premieres différences des nombres, il faut entendre par ces premieres différences, le pair & l’impair, parce que ce sont effectivement les premieres différences remarquées entre les nombres.

On dit pour prouver la perfection du nombre ternaire dans l’opinion des Payens, qu’ils attribuoient à leurs dieux un triple pouvoir, témoin les tria virginis ora Dianæ, le trident de Neptune, le cerbere à trois têtes, les trois parques, les trois furies, le trois graces, &c. Enfin le nombre de trois étoit employé dans les lustrations & les cérémonies les plus religieuses ; d’où vient que Virgile, Ænéid. liv. II. v. 188. dit :

Ter circùm accensos, cincti fulgentibus armis
Decurrere rogos.

(D. J.)

TERNATE, (Géog. mod.) île de la mer des Indes, la principale des Moluques, sous la ligne, à un demi-degré de latitude septentrionale, à 2 lieues de Tidor. Elle en a six de circuit. Le pays est montagneux. L’air y est chaud & sec, & les volcans y font de grands desordres. La mer fournit beaucoup de poisson ; les orangers, citronniers, cocotiers & amandiers, viennent en abondance à Ternate. Il y a dans cette île un roi particulier, qui fait son séjour à Malayo, capitale. Ses sujets sont mahométans, paresseux, sobres, ignorans, sans ambition, & sans vanité. Tous leurs meubles consistent en une hache, un arc, des flêches, quelques nattes & quelques pots. Leur principale nourriture est de pain de sagou, ou de maïs.

Les Hollandois ont débusqué les Portugais de cette île, & le roi de Ternate s’est soumis à la compagnie des Indes orientales, en arrachant tous les girofliers de son pays ; la compagnie pour le dédommager de cette perte, lui donne chaque année environ dix-huit mille rixdallers en especes, ou en valeur par d’autres effets.

On ne connoît guere de volcan plus terrible que celui de l’île de Ternate. La montagne, qui est roide & difficile à monter, est couverte au pié de bois épais ; mais son sommet qui s’éleve jusqu’aux nues, est pelé & escarpé par le feu. Le soupirail est un grand trou qui descend en ligne spirale, & devient par degré de plus petit en plus petit, comme l’intérieur d’un amphithéâtre. Dans le printems & en automne, vers les équinoxes, quand il regne un certain vent, & sur-tout le vent du nord, cette montagne vomit avec grand bruit des flammes mêlées d’une fumée noire & de cendres brûlantes ; & toutes les campagnes des environs se trouvent couvertes de cendres. Les habitans y vont dans certain tems de l’année pour y recueillir du soufre, quoique la montagne soit si escarpée en plusieurs endroits, qu’on ne peut y monter qu’avec des cordes attachées à des crochets de fer. (D. J.)

TERNATÉE, ternatea, s. f. (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleurs légumineuses, dont l’étendart cache presque les aîles & la feuille inférieure, ainsi que le pistil. Ce pistil devient une gousse, qui s’ouvre dans sa longueur en deux cosses, lesquelles renferment des graines assez rondes. Il faut ajouter aux caracteres de ce genre les feuilles rangées comme par paires sur une côte terminée par une seule feuille. Tournefort, mém. de l’acad. roy. des Sciences, année 1706. Voyez Plante.

TERNE ou TERNI, adj. (Gram.) opposé à l’éclatant ; qui a perdu son lustre, son poli, son éclat ; cette glace est terne ; cet or est terne.

Ternes, au jeu de Trictrac, c’est un doublet qui arrive, quand les deux dés amenent chacun trois.

TERNEUVIER, s. m. (terme de navigation.) bâtiment de mer destiné & équipé pour aller en Terreneuve faire le commerce & la pêche des morues. Les vaisseaux françois terneuviers sont ordinairement à deux ponts, du port de cent à cent cinquante tonneaux, & montés de vingt à vingt-cinq hommes d’équipage, compris le capitaine & les mousses. Les Hollandois les nomment terneeu-vaarder. (D. J.)

TERNI, (Géog. mod.) en latin Interamna, Interamnia, Interamnium, ville d’Italie, dans l’état de l’église, au duché de Spolete. Elle est dans une île formée par la riviere de Nera, à vingt lieues de Rome. Elle a été autrefois considérable, & se gouvernoit en république. Elle n’a de nos jours qu’environ dix mille habitans divisés en six quartiers, qui contiennent plusieurs monasteres & confrairies de pénitens. La cathédrale est belle ; son évêché ne releve que du saint siege. Les environs de Terni sont admirables par leur fertilité en pâturages, en fruits, en légumes, en volaille, en gibier, en huile & en vins exquis. Au-dessus de la ville, à deux milles ou environ, est la belle & grande cascade nommée dans le pays cascata delle marmore ; c’est la chute de la riviere Velino, qui se précipite toute entiere dans la plaine de Terni, pour aller se joindre à la Nera. Long. 30. 18. latit. 42. 34.

Pighius a découvert par une inscription qui est dans la cathédrale de Terni, que cette ville fut bâtie 544 ans avant le consulat de C. Domitius Ænobarbus & de M. Camillus Scribonius, qui furent consuls de Rome l’an 624. Elle se vante d’être la patrie de Corneille Tacite, & ce n’est pas une petite gloire ; car c’est un des plus célebres historiens, & l’un des plus grands hommes de son tems. Il s’éleva par son mérite aux premieres charges de l’empire. De procurateur dans la Gaule belgique sous Titus, il devint préteur sous Domitien, & consul sous l’empire de Nerva. Mais toutes ces dignités ne lui donnent qu’une très-petite gloire, si on la compare à celle qu’il s’est procurée par les travaux de sa plume.

Ses annales & son histoire sont des morceaux admirables, & l’un des plus grands efforts de l’esprit humain, soit que l’on y considere la singularité du style, soit que l’on s’attache à la beauté des pensées, & à cet heureux pinceau avec lequel il a su peindre les déguisemens des politiques, & le foible des passions. Ce n’est pas qu’on ne puisse reprendre en lui trop de finesse dans la recherche des motifs secrets des actions des hommes, & trop d’art à les tourner sans cesse vers le criminel.

Tacite, dit très-bien l’auteur des Mélanges des poésies, d’éloquence & d’érudition, étoit un habile politique, & encore un plus judicieux écrivain ; il a tiré des conséquences fort justes sur les événemens des regnes dont il a fait l’histoire, & il en fait des maximes pour bien gouverner un état. Mais s’il a donné quelquefois aux actions & aux mouvemens de la république, leurs vrais principes, s’il en a bien démêlé les causes, il faut avouer qu’il a souvent suppléé par trop de délicatesse & de pénétration à celles qui n’en avoient pas. Il a choisi les actions les plus susceptibles des finesses de l’art : les regnes auxquels il s’est principalement attaché dans son histoire, semblent le prouver.

Dans celui de Tibere, qui est sans contestation son chef-d’œuvre, & où il a le mieux réussi, il y trouvoit une espece de gouvernement accommodé au caractere de son génie. Il aimoit à démêler les intrigues du cabinet, à en assigner les causes, à donner