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les mêmes expériences sur d’autres huiles essentielles ; savoir, celles de cédra, de genievre & de lavande ; cette derniere demande seulement un acide un peu plus fort.

Mais l’huile de girofle, quoique de même espece que les deux autres, a offert une singularité remarquable, & qui fait une exception à la regle que nous avons donnée, de prendre toujours par préférence l’acide le plus fort, pour assurer le succès de l’opération : mêlée avec de l’esprit de nitre trop fort, l’effervescence est si vive, qu’il se fait une espece d’explosion, & que l’huile est jettée hors du vaisseau. M. Rouelle n’a pu réussir à l’enflammer, qu’en employant le plus foible & le moins concentré des trois esprits de nitre dont il s’est servi dans ses expériences.

Quant aux huiles par expression, les unes comme les huiles de lin, de noix, d’œillet & de chenevis, s’enflamment comme les huiles essentielles, par l’acide nitreux seul, pourvu qu’on le mêle avec elles en plus grande proportion, & qu’il soit récent, & très-concentré. D’autres huiles par expression, telles que celles d’olive, d’amande douce, de fêne & de navette, ne s’enflamment point par l’acide nitreux seul, quelque concentré qu’il puisse être, & en quelque dose qu’on le mêle avec elle ; il faut pour qu’elles s’enflamment, ajouter l’acide vitriolique à celui du nitre. Ainsi par le moyen de l’acide nitreux, & de l’acide vitriolique, on peut enflammer presque toutes les huiles.

Un artiste pourroit imaginer des vaisseaux & des especes de grenades qui puissent contenir ces feux liquides, comme disoit Glauber, & les mettre en usage dans les opérations militaires. Mais quand on viendroit à-bout de disposer à son gré d’un élément aussi terrible que le feu, quel avantage en résulteroit-il ? Pourroit-il demeurer secret ? Les hommes n’ont trouvé malheureusement que trop de moyens de se détruire. Mémoires de l’acad. des Sciences, année 1747. (D. J.)

TÉRÉBINTHE, s. m. terebinthus, genre de plante dont la fleur n’a point de pétales : elle est composée de plusieurs étamines garnies de sommets ; les embryons naissent sur des individus qui ne donnent point de fleurs, & deviennent dans la suite une coque qui n’a qu’une ou deux capsules, & qui renferme une semence oblongue. Ajoutez aux caracteres de ce genre que les feuilles naissent par paires le long d’une côte terminée par une seule feuille. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Je crois qu’entre les sept especes de térébinthe que compte Tournefort, il faut nous arrêter à la description de celui de Chio, dont on tire la meilleure térébenthine de la Grece moderne. Voyez Térébenthine.

Ces arbres résineux naissent dans cette île, sans culture, sur les bords des vignes & le long des grands chemins ; leur tronc est aussi haut que celui du lentisque, aussi branchu, touffu & couvert d’une écorce gersée, grisâtre, mêlée de brun. Ses feuilles naissent sur une côte, longue d’environ quatre pouces, rougeâtre, arrondie sur le dos, sillonnée de l’autre côté, & terminée par une feuille ; au lieu que les autres sont disposées par paires : toutes ces feuilles ont un pouce & demi ou deux pouces de long, sur un pouce de largeur vers le milieu, pointues par les deux bouts, relevées sur le dos d’un filet considérable, subdivisé en menus vaisseaux jusque sur les bords ; elles sont fermes, d’un vert luisant un peu foncé, & d’un goût aromatique mêlé de stipticité. Il en est du térébinthe comme du lentisque, c’est-à-dire que les piés qui fleurissent ne portent point de fruit, & que ceux qui portent des fruits, ordinairement ne fleurissent pas. Les fleurs naissent à l’extrémité

des branches sur la fin d’Avril, avant que les feuilles paroissent.

Ces fleurs sont entassées en grappes branchues, & longues d’environ quatre pouces ; chaque fleur est à cinq étamines qui n’ont pas une ligne de long, chargées de sommets cannelés, vert-jaunâtres ou rougeâtres, pleins d’une poussiere de même couleur ; toutes les fleurs sont disposées par bouquets sur leurs grappes ; & chaque bouquet est accompagné de quelque petite feuille velue, blanchâtre, pointue, longue de trois ou quatre lignes.

Les fruits naissent sur des piés différens, rarement sur le même que les feuilles : ils commencent par des embryons entassés aussi en grappes, de trois ou quatre pouces de longueur, & s’élevent du centre d’un calice à cinq feuilles verdâtres, pointues, qui à peine ont une ligne de long : chaque embryon est luisant, lisse, vert, ovale, pointu, terminé par trois crêtes couleur d’écarlate ; il devient ensuite une coque assez ferme, longue de trois ou quatre lignes, ovale, couverte d’une peau orangée ou purpurine, un peu charnue, stiptique, aigrelette, résineuse, la coque renferme un noyau blanc, enveloppé d’une peau roussâtre. Le bois du térébinthe est blanc.

Comme cet arbre étoit commun dans la Judée, qu’il donne beaucoup d’ombre, & qu’il étend ses branches fort au loin, l’Ecriture l’emploie dans ses riches comparaisons. Ainsi dans l’Eccles. xxiv. 22. la Sagesse éternelle, à cause de sa protection également grande & puissante, se compare à un térébinthe. De même, Isaïe vj. 13. voulant peindre la corruption générale de la nation juive, compare ce peuple à un térébinthe dont les branches mortes s’étendent de toutes parts. C’est sous un térébinthe, qui étoit derriere Sichem, que Jacob enfouit les statues des faux dieux, que ses gens avoient apportées de la Mésopotamie, afin qu’elles ne devinssent pas par la suite une occasion de scandale, Genes. xxxv. 4.

Enfin rien n’est si fameux dans l’histoire ecclésiastique, que le térébinthe sous lequel l’on a imaginé qu’Abraham reçut les trois anges ; aussi n’a-t-on pas manqué de débiter bien des fables contradictoires sur la position & la durée de ce prétendu térébinthe. Josephe le place à dix stades d’Hébron, Sozomène à quinze stades, & S. Jerôme à deux milles. Eusebe assure qu’on le voyoit encore de son tems, & qu’on lui portoit une singuliere vénération. Les térébinthes subsistent-ils un si grand nombre de siecles, je le demande aux Botanistes ? Mais de plus, l’arbre sous lequel Abraham reçut les hôtes célestes, étoit-ce bien un térébinthe ? La preuve en seroit d’autant plus difficile, que l’Ecriture ne nomme point cet arbre ; elle dit seulement qu’Abraham pria les anges de se reposer sous l’arbre : requiescite sub arbore. Genes. xviij. 4. (D. J.)

Térébinthe, therebinthus, petit arbre qui se trouve dans les pays méridionaux de l’Europe, dans l’Afrique septentrionale & dans les Indes. On peut avec quelques soins, lui former une tige droite, & lui faire prendre 15 ou 20 piés de hauteur. Son écorce est rousse sur les jeunes branches, & cendrée sur le vieux bois. Ses racines sont fortes & profondes. Sa feuille est composée de plusieurs follioles de médiocre grandeur, au nombre de cinq, de sept ou neuf, & quelquefois jusqu’à treize, qui sont attachées par couples sur un filet commun, terminé par une seule folliole : elles sont d’un verd brillant & foncé en-dessus, mais blanchâtre & mat en-dessous. Cet arbre donne au mois de Mai de grosses grappes de fleurs mousseuses & rougeâtres, qui sortent du bout des branches en même tems que les feuilles commencent à paroître. Les fruits qui succedent sont des coques résineuses & oblongues, de la grosseur d’un pois : elles sont rougeâtres au commencement,