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rousel, & qui faisoient les premiers défis par les cartels que publioient les hérauts ; c’étoit eux qui composoient la premiere quadrille ; les autres chevaliers étoient les assaillans. Les tenans furent ainsi nommés, parce qu’ils soutenoient les armes à la main les propositions qu’ils avoient avancées. (D. J.)

Tenant, terme de Blason, ce mot se dit de ce qui soutient les écus ou les armoiries, & est le plus souvent synonyme avec support. La différence que quelques-uns y mettent, c’est de dire que les tenans sont seuls, & que les supports sont doubles, & mis des deux côtés de l’écu ; ou bien les supports sont des figures d’animaux, & les tenans des figures humaines. Il y en a de plusieurs figures, de même que les supports, comme les anges, les pucelles, les religieux, les sauvages, les mores, les lions, les léopards, licornes, aigles, griffons, &c.

Les armes de Naples, par exemple, sont d’azur semé de fleurs-de-lis d’or au lambel de gueule en chef, & il a pour tenans deux syrenes ou femmes marines au naturel.

Les premiers tenans ont été des troncs ou des branches d’arbres, auxquels les écussons étoient attachés avec des courroies & des boucles. Depuis on a représenté les chevaliers tenans eux-même leur écu attaché à leur cou, ou sur lequel ils s’appuyoient, comme on voit Philippe de Valois sur les deniers d’or battus en 1336.

L’origine de ces tenans vient de ce que dans les anciens tournois les chevaliers faisoient porter leur écu par des valets déguisés en ours, lions, monstres, &c. par des mores, des sauvages ou des dieux fabuleux de l’antiquité, lesquels tenoient aussi, & gardoient les écus que les chevaliers étoient obligés d’employer pendant quelque-tems, pour ouvrir les pas d’armes, afin que ceux qui les vouloient combattre les allassent toucher. Il y a eu aussi des tenans qui ont été tirés des corps des devises & des animaux du blason, comme le porc-épi de Louis XII. la salamandre de François I. &c. P. Menetrier. (D. J.)

Tenans et aboutissans, (Jurisprud.) sont les confins d’un héritage, ceux auxquels il tient & aboutit dans les contrats de vente ou de louage, dans les aveux & reconnoissances, on doit exprimer les tenans & aboutissans, & sur-tout dans les demandes en désistement ou en déclaration d’hypotheque, & autres semblables, afin que l’on puisse connoître d’une maniere certaine de quel héritage il s’agit. Voyez Aveu, Confins, Déclaration, Limites, Reconnoissance. (A)

TÉNARE, s. m. (Mythologie.) comme à moitié de la hauteur de ce promontoire de la Laconie, il se trouvoit un abîme ou prodigieuse caverne dont l’entrée étoit très-obscure, tenariæ fauces, il n’en fallut pas davantage aux poëtes pour en faire le soupirail des enfers, où Pluton donne des lois, rex ferreus orci, stigii dominator averni. Là, disent-ils,

Là regne en un morne silence
Ce tyran aux séveres traits,
Près de la beauté dont l’absence
Causa tant de pleurs à Cérès ;
La douleur, la faim, le carnage,
Le desespoir, l’aveugle rage
Sont ses ministres odieux,
Que pour plaire au roi du Ténare
Se disputent l’honneur barbare
De mieux peupler les sombres lieux.

Orphée, si nous en croyons les mêmes poëtes, pénétra par le soupirail du promontoire de Laconie dans les profondes demeures du tartare, & enchanta tous les habitans par les accords de sa lyre,

C’est par-là qu’un mortel, forçant les rives sombres
Au superbe tyran qui regne sur les ombres

Fit respecter sa voix ;
Heureux, si trop épris d’une beauté rendue,
Par un excès d’amour il ne l’eût point perdue
Une seconde fois.

Hécatée de Milet a eu une idée fort raisonnable, quand il dit que cette caverne du ténare, servoit apparamment de repaire à un gros serpent, que l’on appelloit le chien des enfers, parce que quiconque en étoit mordu, perdoit la vie ; mais Hercule trouva le moyen de le tuer & de le faire voir à Eurysthée. (D. J.)

Ténare, (Géog. anc.) Tænaria, promontoire au midi du Péloponnèse, entre le golfe de Messénie & celui de Laconie, avec une ville de même nom. Ptolomée, l. III. c. xvj. appelle le promontoire Tænaria, & la ville Tænarium.

Le promontoire Tænarum, dit Pausanias, Lacon. cap. xxv. avance considérablement dans la mer, & au bout de quarante stades, on trouve la ville de Caenopolis, dont l’ancien nom étoit Tænarum.

Il y avoit outre cela un célebre temple de Neptune sur le promontoire Taenarum : Fanum Neptuni est Tenari, dit Cornélius Népos, quod violare nefas dicunt Græci. Strabon ajoute que ce temple étoit dans un bois sacré ; Pausanias nous apprend que ce temple étoit en forme de caverne, & qu’au-devant on voyoit la statue de Neptune. Ces deux derniers auteurs rapportent la fable qui vouloit que ce fût par-là qu’Hercule fût descendu aux enfers.

Le promontoire est nommé aujourd’hui le Cap de Matapan, & la ville Tænarium pourroit bien être le port des Cailles, Porto-Caglie.

On tiroit autrefois du mont Ténare du crystal de roche, & d’autres pierres dures ; les Grecs disent que les veines en sont encore fécondes, & que les habitans ne les négligent, que pour ne pas attirer les Turcs chez eux. (D. J.)

TENARIEN, marbre, Tænarium marbor, (Hist. nat.) nom d’un marbre dont il est parlé dans les ouvrages des anciens ; il y en avoit de deux especes très-différentes, l’un étoit noir, très-dur, & prenant un très-beau poli, il se tiroit du promontoire de Tænare dans le territoire de Lacédémone. L’autre qui étoit plus estimé & plus rare étoit d’un verd tirant sur le jaune ; quelquefois ce dernier étoit appellé marmor herbosum ou xanthon.

TÉNARIES, (Antiq. greques.) ταιναρια, fête en l’honneur de Neptune surnommé Ténarien, de Ténare, promontoire en Laconie, où il avoit un temple. Potter. Archæol. græc. t. I. p. 432. (D. J.)

TENARIUS ; (Mythol.) surnom de Neptune, à cause du temple en forme de grotte que ce dieu avoit sur le promontoire de Ténare.

TENBY, (Géog. mod.) ville à marché d’Angleterre, en Pembrock-Shire, sur la côte, au nord de la pointe de Ludsol. Elle est jolie, & renommée pour l’abondance de poisson qu’on y prend.

TENCHE, voyez Tanche.

TENÇONS ou TENSONS, s. m. pl. (Lang franç.) c’est ainsi qu’on appelloit des questions galantes sur l’amour, que les anciens poëtes françois mirent en vogue, & qui donnerent lieu à l’établissement d’une cour, qu’on nomma la cour d’amour. Là des gens d’esprit terminoient par leur décision, les disputes que les tençons avoient fait naître, & les arrêts de ce tribunal étoient irréfragables. La Picardie tenoit aussi, à l’imitation de la cour d’amour de Provence, ses plaids & gieux sous l’ormel, qui avoient la même origine & le même but. Martial d’Auvergne nous a donné un recueil de ces jugemens galans, ou du-moins faits à leur imitation, sous le titre d’arresta amorum ; j’en ai parlé ailleurs. On trouve plusieurs exemples de tensons dans les poësies de Thibaut, comte de Champagne, & roi de Navarre. (D. J.)