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change en un vent froid du nord, lorsqu’il vient à tomber de la neige ou de la grêle, & de même de voir un vent nord & froid régner le matin, dégénérer en sud sur le soir, lorsque la terre est échauffée par la chaleur du soleil, & retourner ensuite au nord ou à l’est, lorsque le froid du soir arrive. Voyez Vent. Chambers. (O)

Tems. Effets du tems sur les plantes. La plûpart des plantes épanouissent leurs fleurs & leurs duvets au soleil, & les resserent sur le soir ou pendant la pluie, principalement lorsqu’elles commencent à fleurir, & que leurs graines sont encore tendres & sensibles. Ce fait est assez visible dans les duvets du dent-de-lion & dans les autres, mais sur-tout dans les fleurs de la pimprenelle, dont l’épanouissement & le resserrement, suivant Gerard, servent aux gens de la campagne à prédire le tems qu’il doit faire le jour suivant, l’épanouissement promettant le beau tems pour le lendemain, & le resserrement annonçant le vilain tems. Ger. herb. lib. II.

Est & alia (arbor in Tylis) similis, foliosior tamen, roseique floris ; quem noctu comprimens, aperire incipit solis exortu, meridie expandit. Incolæ dormire eum dicunt. Plin. Nat. herb. lib. XII. cap. ij.

La tige du trefle, suivant que l’a remarqué milord Bacon, s’enfle à la pluie & s’éleve, ce qui peut être aussi remarqué, quoique moins sensiblement, dans les tiges des autres plantes. Suivant le même auteur, on trouve dans les chaumes une petite fleur rouge qui indique une belle journée, lorsqu’elle s’épanouit du matin.

On conçoit aisément que les changemens qui arrivent dans le tems influent sur les plantes, lorsqu’on imagine qu’elles ne sont autre chose qu’un nombre infini de trachées ou vaisseaux à air, par le moyen desquels elles ont une communication immédiate avec l’air, & partagent son humidité, sa chaleur, &c. ces trachées sont visibles dans la feuille de vigne, dans celle de la scabieuse, &c. Voyez. Plante, Végétaux, &c.

Il suit de-là que tout bois, même le plus dur & le plus compact, s’enfle dans les tems humides, les vapeurs s’insinuant aisément dans ses pores sur-tout lorsque c’est un bois léger & sec. C’est de cette remarque qu’on a tiré ce moyen si singulier, de fendre des roches avec du bois. Voyez Bois.

Voici la méthode qu’on suit dans les carrieres : on taille d’abord une roche en forme de cylindre ; ensuite on divise ce cylindre en plusieurs autres, en faisant des trous de distance en distance dans sa longueur & à différens endroits de son contour. Et l’on remplit ces trous de pieces de bois de saule séché au four. Lorsqu’il survient après un tems humide, ces pieces de bois imbibées de l’humidité de l’air se gonflent, & par l’effet du coin elles fendent la roche en plusieurs pieces.

Tems, (Philos. & Mor.) la philosophie & la morale fournissent une infinité de réflexions sur la durée du tems, la rapidité de sa course, & l’emploi qu’on en doit faire ; mais ces réflexions acquierent encore plus de force, d’éclat, d’agrément & de coloris, quand elles sont revêtues des charmes de la poésie ; c’est ce qu’a fait voir M. Thomas, dans une ode qui a remporté le prix de l’académie Françoise en 1762. Sa beauté nous engage à la transcrire ici toute entiere, pour être un monument durable à la gloire de l’auteur. L’Encyclopédie doit être parée des guirlandes du parnasse, & de tous les fruits des beaux génies qui ont sommeillé sur le sommet du sacré vallon. Voici l’ode dont il s’agit.

Le compas d’Uranie a mesuré l’espace.
O tems, être inconnu que l’ame seule embrasse,
Invincible torrent des siecles & des jours,
Tandis que ton pouvoir m’entraîne dans la tombe,
J’ose, avant que j’y tombe,
M’arrêter un moment pour contempler ton cours.

Qui me dévoilera l’instant qui t’a vû naître ?
Quel œil peut remonter aux sources de ton être ?
Sans doute ton berceau touche à l’éternité.
Quand rien n’étoit encore, enseveli dans l’ombre
De cet abîme sombre,
Ton germe y reposoit, mais sans activité.

Du cahos tout-à-coup les portes s’ébranlerent ;
Des soleils allumés les feux étincelerent,
Tu naquis ; l’éternel te prescrivit ta loi.
Il dit au mouvement, du
tems sois la mesure.
Il dit à la nature,
Le tems sera pour vous, l’éternité pour moi.

Dieu, telle est ton essence : oui, l’océan des âges
Roule au-dessous de toi sur tes frêles ouvrages,
Mais il n’approche pas de ton trône immortel.
Des millions de jours qui l’un l’autre s’effacent,
Des siecles qui s’entassent
Sont comme le néant aux yeux de l’Eternel.

Mais moi, sur cet amas de fange & de poussiere
Envain contre le
tems, je cherche une barriere ;
Son vol impétueux me presse & me poursuit ;
Je n’occupe qu’un point de la vaste étendue ;
Et mon ame éperdue
Sous mes pas chancelans, voit ce point qui s’enfuit.

De la destruction tout m’offre des images.
Mon œil épouvanté ne voit que des ravages ;
Ici de vieux tombeaux que la mousse a couverts ;
Là des murs abattus, des colonnes brisées,
Des villes embrasées,
Par-tout les pas du
tems empreints sur l’univers.

Cieux, terres, élémens, tout est sous sa puissance :
Mais tandis que sa main, dans la nuit du silence,
Du fragile univers sappe les fondemens ;
Sur des aîles de feu loin du monde élancée,
Mon active pensée
Plane sur les débris entassés par le
tems.

Siecles qui n’êtes plus, & vous qui devez naître ;
J’ose vous appeller ; hâtez-vous de paroître :
Au moment où je suis, venez vous réunir.
Je parcours tous les points de l’immense durée,
D’une marche assurée ;
J’enchaîne le présent, je vis dans l’avenir.

Le soleil épuisé dans sa brûlante course
De ses feux par degrés verra tarir la source ;
Et des mondes vieillis les ressorts s’useront.
Ainsi que les rochers qui du haut des montagnes
Roulent dans les campagnes,
Les astres l’un sur l’autre un jour s’écrouleront.

Là de l’éternité commencera l’empire ;
Et dans cet océan, où tout va se détruire,
Le
tems s’engloutira comme un foible ruisseau.
Mais mon ame immortelle aux siecles échappée
Ne sera point frappée,
Et des mondes brisés foulera le tombeau.

Des vastes mers, grand Dieu, tu fixas les limites ?
C’est ainsi que des
tems les bornes sont prescrites.
Quel sera ce moment de l’éternelle nuit ?
Toi seul tu le connois ; tu lui diras d’éclore ;
Mais l’univers l’ignore ;
Ce n’est qu’en périssant qu’il en doit être instruit.

Quand l’airain frémissant autour de vos demeures ;
Mortels, vous avertit de la fuite des heures,
Que ce signal terrible épouvante vos sens.
A ce bruit tout-à-coup mon ame se reveille,
Elle prête l’oreille,
Et croit de la mort même entendre les accens.