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resserrement qui ne permet pas aux parties grossieres de s’échapper ; l’eau seule a des parties assez subtiles pour passer par les couloirs.

Ce sont-là les phénomenes que présente ordinairement la passion hystérique, cette maladie si variée dans ses jeux, qu’on peut la comparer au pouvoir qu’avoit Prothée de se changer en toutes sortes de formes.

Passons aux phénomenes sympathiques qui accompagnent la grossesse. Le vomissement dépend plutôt des vaisseaux que des nerfs ; car s’il dépendoit des nerfs, il seroit plus violent. Quand le fœtus croît, le sang qui ne peut se décharger par la matrice, est obligé de se porter en plus grande quantité dans le ventricule, & y cause le vomissement. Les femmes enceintes sentent de la douleur aux cuisses lorsqu’elles se mettent à genoux ; cela vient de ce que le cordon que forment les vaisseaux & le nerf crural sont extrèmement tendus dans cette situation. Il y en a qui tomberoient en foiblesse, si elles restoient quelque tems à genoux ; comme l’abdomen est alors fort pressé, le diaphragme ne peut pas descendre, & par conséquent la respiration ne peut se faire qu’avec peine. La vessie, le rectum & la matrice reçoivent des nerfs des mêmes troncs ; on ne sera donc pas surpris que ces parties partagent réciproquement leurs maladies. Enfin dans l’amour, l’utérus partage aussi les impressions des parties du corps qui en sont les plus éloignées. L’on sait les effets que produisent dans cet organe de la génération, les baisers des amans sur les levres, par une suite de la communication des nerfs de la cinquieme paire. Cette cinquieme paire distribuant ses ramifications aux deux levres, à l’œil, à la langue, & par l’inoculation d’un de ses nerfs, au cœur, aux visceres, à la matrice, toutes ces parties sont agitées ; & le léger contact de quelques mamelons veloutés d’un corps spongieux, couvert d’une pellicule très-fine, cause tout cet embrâsement.

Remarques. Je finis par un fait particulier rapporté dans l’hist. de l’acad. des Scienc. En 1734, M. Hunauld fit à l’académie la démonstration d’un rameau de nerf assez considérable, qui partant du plexus gangliforme semilunaire de M. Vieussens, remonte du bas-ventre à la poitrine, & va se perdre à l’oreillette droite, & à la base du cœur, où il se distribue. Comme les nerfs qui portent le sentiment dans la machine, font que des parties assez éloignées sont en commerce de sensations, on comprendra par ce nouveau nerf, le commerce qui se rencontre quelquefois entre les visceres du bas-ventre & le cœur.

Il faut pourtant avouer que si ces sortes de communications servent à un commerce réciproque de mouvemens, il y une communication plus cachée & primitive, qu’il faut chercher dans l’origine des nerfs. Des faits incontestables nous la démontrent, & nous la rendent assez sensible pour que nous puissions la reconnoître. Cette communication est telle, qu’un nerf étant irrité, celui qui lui répond dans le cerveau entre en mouvement. Est-ce à une cause de cette espece que l’on pourroit rapporter le premier mouvement machinal, je veux dire, le mouvement du cœur ?

Tels sont les détails physiologiques de M. Senac sur cette matiere. Willis y a mêlé sans cesse ses fausses hypothèses, mais il nous manque toujours un ouvrage complet sur un sujet si curieux ; cette besogne savante exigeroit tout ensemble un ramas d’observations bien avérées touchant les mouvemens sympathiques des diverses parties du corps humain, beaucoup de génie, de lumieres & de connoissances de la Nevrologie. (Le chevalier de Jaucourt.)

Sympathie, (Peint.) les Peintres se servent de ce terme pour signifier l’union & comme l’amitié

qui est entre certaines couleurs ; le goût & la pratique apprennent aux artistes à connoître cette union. (D. J.)

SYMPATHIQUE, remede, (Médec.) c’est ainsi qu’on nomma par excellence, sur la fin du seizieme siecle, l’eau & la poudre de sympathie du chevalier Digby. Voyez Poudre de sympathie.

L’ouvrage que cet anglois mit au jour pour justifier la possibilité naturelle des cures sympathiques, & ensuite la fameuse imposture de Jacques Aymar par sa baguette devinatoire, furent cause que dans le dernier siecle, quelques personnes renouvellerent le système ridicule des sympathies ; mais ce n’est que dans la bouche des Poëtes, comme, par exemple, dans celle de l’auteur du Pastor fido, atto I. scena j. qu’un pareil système peut se faire écouter des amans.

Mira d’intorno, Silvio,
Quantò il mondo hà di vago, e di gentile :
Opera è d’amore : amante è il cielo, amante
La terra, amante il mare
, &c.


(D. J.)

SYMPHONIA, s. f. (Hist. nat. Botan.) nom donné par quelques botanistes à l’amaranthe de trois couleurs, que Tournefort appelle amaranthus, folio variegato. Cette amaranthe est fort cultivée par les Fleuristes à cause de sa grande beauté ; ils l’appellent tricolor. Voyez Tricolor. (D. J.)

SYMPHONIE, s. f. mot formé du grec syn, avec, & phoné, voix, signifie dans la musique ancienne, cette union de voix ou de sons qui forme un concert. C’est un sentiment reçu que les Grecs ne connoissoient pas l’harmonie, dans le sens que nous donnons aujourd’hui à ce mot. Ainsi leur symphonie ne formoit pas des accords ; mais elle résultoit du concours de plusieurs voix ou instrumens chantans & jouans la même partie. Cela se faisoit de deux manieres : ou tout concertoit à l’unisson, & alors la symphonie s’appelloit plus particulierement homophonie, ὁμοφωνία ; ou la moitié des parties étoit à l’octave, ou même à la double octave de l’autre, & cela se nommoit antiphonie, ἀντιφωνία. On trouve la preuve de tout cela dans les problèmes d’Aristote.

Aujourd’hui le mot de symphonie s’entend de toute musique instrumentale, tant des pieces qui ne sont destinées que pour les instrumens, comme les sonates & concerto, que de celles où les instrumens se trouvent mêlés avec les voix, comme dans nos opéra & dans plusieurs autres sortes de musiques. On distingue la musique vocale en musique sans symphonie, qui n’a d’autres accompagnemens que la basse continue, & musique avec symphonie, qui a au moins un dessus d’instrumens, violons, flûtes ou hautbois. On dit d’une piece qu’elle est grande symphonie, quand outre la basse & les dessus, elle a encore deux autres parties instrumentales ; savoir, taille & quinte de violon. La musique de la chapelle du roi, celle de plusieurs églises, & celle de nos opéra, sont presque toujours en grande symphonie.

A cet excellent article, je ne joindrai que quelques-unes des réflexions de M. l’abbé du Bos, après avoir indiqué le sens du mot symphonie chez les anciens. Ils attachoient trois significations principales à ce mot symphonie, σύμφωνον, qui veut dire consonnance.

1°. Ils désignoient par-là les rapports entre certains sons qui se succédoient les uns aux autres dans ce qu’on appelle mélodie, chant simple, modulation ; ainsi l’intervalle de la quarte, celui de la quinte, & celui de l’octave avec leur répétition, se nommoient symphoniques. Il n’en étoit pas de même des autres intervalles, quoique reçus dans le chant simple ou la mélodie, tels que le ton, la tierce, la sixte, &c. Ils ne formoient point, selon les anciens, une véritable