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premier cas, leur suppression n’est pas, à beaucoup près, aussi grave ; elle n’est cependant pas toujours exempte de danger ; mais la suppression des excrétions critiques cause mille ravages, & souvent entraîne une mort prochaine. Elle peut être occasionnée par les passions d’ame, & sur-tout par la frayeur subite, par le froid, & sur-tout par des remedes contraires, c’est-à-dire, des astringens trop forts donnés inconsidérément, ou des remedes qui procurent une excrétion opposée : enfin les écoulemens de la troisieme espece, qui méritent par le danger pressant attaché à leur suppression une attention particuliere, sont ceux que la nature établit ou entretient lorsqu’ils sont formés par accident, pour guérir ou prévenir des maladies fâcheuses, pour dépurer le sang, &c. & que l’art, dans les mêmes vues, imite quelquefois ; de ce nombre sont les crevasses qui se font aux jambes des hydropiques, les ulceres familiers aux vieillards & aux personnes cacochymes, les vieux ulceres, les fistules anciennes, les larmoyemens devenus habituels, la teigne, la croute de lait, le fluement des oreilles dans les enfans, les crachats purulens, les cauteres, les setons, &c. Il est inconcevable avec quelle rapidité les symptomes les plus fâcheux, avant-coureurs d’une mort prochaine, succedent à la suppression de la plûpart de ces écoulemens : outre le grand nombre de faits attestés par différens auteurs que je pourrois alléguer en preuve de cette vérité, & qu’on pourra trouver dans les recueils ordinaires d’observations, je n’en rapporterai qu’un seul qui s’est passé sous mes yeux.

Un vieillard cacochyme avoit depuis quelques années un ulcere à la jambe, qu’il n’avoit jamais pu venir à-bout de faire fermer ; après avoir consulté différentes personnes qui, soit par prudence, soit par ignorance, avoient laissé son ulcere dans le même état ; il s’adressa à moi, me priant de le débarrasser d’un mal aussi incommode & desagréable. Je vis le danger qu’il y auroit à se rendre à ses desirs ; cependant pour l’empêcher d’aller chercher ailleurs des secours d’autant plus dangereux qu’ils seroient plus efficaces, je lui promis de le guérir, & demandai pour cela beaucoup de tems ; cependant je l’amusai par des remedes indifférens, qui laisserent continuer l’écoulement avantageux de l’ulcere ; enfin ennuyé & rebuté de ce peu de succès, il a recours à un chirurgien, qui n’étant pas assez éclairé pour sentir les conséquences de ce qu’il faisoit, n’oublia rien pour cicatricer l’ulcere, & il n’y réussit que trop bien ; mais à l’instant que la cicatrice fut parfaitement fermée, le malade tombe comme apoplectique, presque sans pouls & sans connoissance, & avec beaucoup de difficulté de respirer ; ayant été appellé, & arrivant au bout de quelques heures, je trouve le malade au râle, déja le froid de la mort occupoit les parties extérieures ; je n’eus pas de peine à deviner la cause de ce terrible état, & pour m’en assurer, j’examine la jambe, que je trouvai bien cicatrisée ; je fais à l’instant appliquer à l’endroit de l’ulcere un cautere actuel & un large vésicatoire derriere le dos, mais ce fut inutilement ; le malade en parut ranimé pendant quelques momens, mais il retomba bientôt dans l’agonie, qui fut très-courte. Je fis ouvrir le cadavre, & je trouvai les poumons délabrés & remplis d’une grande quantité de pus ; tous les autres visceres me parurent à-peu près dans l’état naturel.

La méthode la plus appropriée & la plus sûre qu’on doit suivre dans le traitement des maladies occasionnées par la suppression de quelque écoulement, est de le rétablir lorsque cela est possible. Les secours qui peuvent remplir cette indication sont différens suivant les especes d’écoulemens ; ils sont exposés à

leurs articles particuliers. Voyez Urine, Sueur, Transpiration, Regles, Crachats, Diarrhée, & Diurétiques, Sudorifiques, Emménagogues, Béchiques, Purgatifs, &c. Pour rappeller les écoulemens attachés aux éruptions cutanées, il faut faire reparoître ces éruptions par le moyen des bains un peu chauds, & sur-tout en faisant coucher le malade avec d’autres personnes attaquées de la même maladie. Voyez Peau, maladies de la. Lorsque ces écoulemens viennent de quelque ulcere, d’une fistule, d’un cautere, &c. qu’on a fait inconsidérément cicatriser, le seul moyen de s’opposer aux accidens survenus, est de r’ouvrir ces ulceres par le fer ou les caustiques, ou même, quand le mal est pressant, par le feu ; & si l’on ne peut pas le faire dans l’endroit même de l’ulcere, il faut appliquer les cauteres dans d’autres parties du corps ; on peut en soutenir & presser les effets par les vésicatoires ; mais le succès dépend sur-tout de la promptitude avec laquelle on administre ces secours : le moindre retardement est souvent funeste, & la perte de quelques heures est irréparable. (m)

Suppression, feu de, (Chimie.) feu qu’on met dessous & dessus un vaisseau qui contient les ingrédiens sur lesquels il s’agit d’opérer, ensorte que la matiere contenue dans le vaisseau reçoive une chaleur égale dessus & dessous. (D. J.)

SUPPRIMER, v. act. (Gram.) retrancher, anéantir, abolir, éteindre. On supprime un droit, une charge, une piece, une clause, une condition.

SUPPURATIF, s. m. & adj. terme de Chirurgie concernant la matiere médicale externe, médicament qui facilite & procure la formation du pus dans une partie. Voyez Pus. Pour bien connoître les propriétés & la maniere d’agir des remedes suppuratifs, il faut savoir précisément en quoi consiste l’action de la nature qui produit le pus. Voyez Suppuration.

Nous répéterons ici ce que nous avons dit au mot Sarcotique sur la vertu des remedes : elle varie suivant les cas où on les applique, de sorte que le même médicament, qui est suppuratif dans une circonstance, procure la résolution dans une autre, & vice versâ. Quand les humeurs qui forment l’engorgement ne sont pas suppurables, & que les vaisseaux ont ou trop, ou trop peu d’action, pour convertir les humeurs en pus, les remedes qui sont réputés les plus favorables à la suppuration, seroient appliqués vainement. La génération du pus ne peut donc être produite par aucun médicament qui ait spécifiquement la vertu suppurante ; ainsi l’on doit admettre pour suppuratifs tout remede qui est capable dans certains cas déterminés de favoriser les symptomes nécessaires dans ces mêmes cas pour la formation du pus.

Quand l’inflammation d’une partie est considérable, les remedes émolliens, humectans & anodyns calment l’érétisme des vaisseaux, rendent leur oscillation plus libre, & peuvent en conséquence procurer la suppuration. Ainsi dans ce cas le cataplasme de mie de pain & de lait avec le safran paroît souvent suppuratif, ainsi que le cataplasme fait avec les pulpes émollientes. Quand on croit que la suppuration aura lieu, ce qu’on connoît aux signes qui annoncent qu’elle se fera, on ajoute des remedes gras & onctueux au cataplasme émollient, tels que l’onguent d’althæa, de l’onguent de la mer, du basilicum, ou onguent suppuratif, ou simplement de l’axonge ou graisse de porc.

Si la tumeur est circonscrite, & qu’il faille pour obtenir la suppuration conserver la chaleur de la partie, & même augmenter un peu l’action des vaisseaux, les compositions emplastiques, en bouchant les pores & stimulant les fibres, produiront l’effet