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évitant de mêler les métaux & les grandeurs. Quelque grande que soit la tentation, quand on ne veut point gâter son cabinet, il est bon d’avoir le courage d’y résister.

Après tout, les savans ont aujourd’hui la facilité d’étudier les plus nombreuses suites dans les catalogues détaillés de médailles qui sont entre les mains de tout le monde. Ces ouvrages, en rendant publiques d’immenses collections, multiplient en quelque sorte les cabinets, les exposent à plus de regards, & mettent les Antiquaires en état de comparer ensemble un plus grand nombre de ces monumens, & de les éclaircir l’un par l’autre. La lecture de tous les catalogues est non-seulement utile par les objets qu’elle offre à la curiosité, mais elle a encore l’avantage d’indiquer ce qui manque aux plus riches cabinets. Enfin elle nous procure quelquefois la connoissance des médailles rares, que leurs possesseurs se déterminent à publier, soit par vanité, soit par un sentiment plus noble. C’est par ce dernier motif que se conduisit M. de Valois en publiant en 1746 les médailles curieuses de la suite qu’il avoit formée, & qu’il accompagna de remarques historiques. Toutes ces choses concourent à étendre la connoissance de l’art numismatique. (Le chevalier de Jaucourt.)

SUIVABLE, adj. (Manuf. en laine.) un fil suivable est un fil filé égal, & qui ne barre point l’étoffe.

SUIVANT, adj. & subst. (Gram.) celui qui suit, qui accompagne. Le jour suivant ; un marchand suivant la cour ; un suivant d’Apollon.

SUIVANTE, s. f. (Littérat.) c’est dans la comédie un rôle subalterne de femme. La suivante est attachée au service d’une autre femme ; c’est la confidente de cette femme ; c’est elle qui la conseille bien ou mal, qui la révolte contre ses parens, ou qui la soumet à leurs volontés ; qui conduit son intrigue, qui parle à l’amant, qui ménage l’entrevûe, &c. en un mot, qui lui rend à-peu-près les mêmes services que l’amant reçoit de son valet, avec lequel la suivante est toujours en assez bonne intelligence. La suivante est communément rusée, intéressée, fine, à-moins qu’il ne plaise au poëte d’en disposer autrement, & de placer de l’honnêteté, du courage, du bon esprit & de la vertu même dans ce rôle.

SUIVER, (Marine.) voyez Espalmer.

SUIVRE, v. act. (Gram.) marcher sur les pas d’un autre. Les jeunes animaux suivent leur mere. Suivez ce chemin, c’est le plus sûr & le plus court : il faut le suivre, & voir ce qu’il devient. Quand il parut, tout son monde le suivoit ; je l’ai suivi dans tous ses tours & retours. On suit une affaire, un bon exemple, un beau modele, le parti des armes, une femme, un ministre, un discours, un prédicateur, la bonne doctrine, son génie, &c.

Suivre, terme de Chasse, le limier suit les voies d’une bête qui va d’assûrance ; quand elle fuit, on dit qu’il la chasse.

SUIZE, la, (Géog. mod.) petite riviere de France en Champagne. Elle a sa source dans l’élection de Langres, & vient se joindre à la Marne un peu au-dessus de Chaumont. (D. J.)

SUKOTYRO ou SUCOTARIO, s. m. (Zoolog.) nom que les Chinois donnent à un très-gros animal remarquable par ses cornes, & qui paroît être le taureau carnivore des anciens.

Cet animal est de la grandeur d’un grand bœuf ; il a le museau approchant de celui d’un cochon ; deux oreilles longues & rudes ; une queue épaisse & touffue. Ses yeux sont placés perpendiculairement dans la tête, d’une maniere tout-à-fait différente de ce qu’ils sont dans d’autres animaux. De chaque côté de la tête, tout proche des yeux, il sort une longue corne ou plutôt une dent, non pas tout-à-fait aussi

épaisse que la dent d’un éléphant. Il paît l’herbe dans les endroits deserts & éloignés.

Nieuhof, dont nous tenons cette description & qui nous a donné la figure de cet animal, ajoute, sans en être peut être trop instruit, qu’on le prend fort rarement. Nous ne connoissons en Europe de cette bête que sa paire de cornes, qui est d’une grandeur extraordinaire, & dont le chevalier Hans Sloane, qui en avoit dans son cabinet, a communiqué le détail suivant à MM. de l’académie des Sciences.

Ces cornes furent trouvées dans un magasin qu’avoit à Wapping M. Doyly, homme fort curieux, & dont une certaine étoffe d’été porte le nom. Il en fit présent au chevalier Hans. Elles étoient assez gâtées, & les vers les avoient rongées profondément dans leur surface en divers endroits ; personne ne put instruire M. Doyly de quel pays elles étoient venues, ni en quel tems, & de quelle maniere elles avoient été mises dans ce magasin. Quoi qu’il en soit, on les a représentées dans les Mémoires de l’académie de Sciences, année 1727.

Elles sont assez droites à une distance considérable de la base, & puis se courbant, elles vont insensiblement se terminer en pointe. Elles ne sont pas rondes, mais un peu plates & comprimées, avec des sillons larges & transversaux sur leur surface, ondées par-dessous. La grandeur des deux cornes n’est pas tout-à-fait la même ; la plus longue a six piés six pouces & demi. mesure d’Angleterre ; son diametre à la base est de sept pouces, & sa circonférence d’un pié & demi. Elle pesoit vingt-deux livres, & contenoit dans sa cavité un galon & une pinte d’eau. L’autre corne étoit un peu plus petite, pesoit par conséquent un peu moins, & ne contenoit pas tout-à-fait autant de liqueur.

Le capitaine d’un vaisseau des Indes ayant considéré ces cornes chez le chevalier Hans, l’assûra que c’étoit celle d’une grande espece de bœuf indien, qu’il avoit eu occasion de voir dans ses voyages. Plusieurs autres raisons ont aussi convaincu le chevalier Hans que cet animal est le bœuf ou le taureau qui se trouve dans l’Ethiopie & d’autres contrées au milieu de l’Afrique, & qui a été décrit par Agatharchide Cnidien, & par les autres anciens écrivains, quoique ce qui doit paroître étrange, peu d’auteurs modernes en ayent fait mention. Nous parlerons au long de cet animal au mot Taureau Sauvage.

C’est assez de dire ici que Bernier, dans sa relation des états du grand-mogol, tome II. p. 43. remarque que parmi plusieurs présens qui devoient être offerts par deux ambassadeurs de l’empereur d’Ethiopie à Aureng-Zeb, il se trouvoit une corne de bœuf prodigieuse remplie de civette ; que l’ayant mesurée, il trouva que la base avoit demi-pié en diametre. Il ajoute que cette corne, quoiqu’elle fût apportée par les ambassadeurs à Delhi où le grand-mogol tenoit alors sa cour, ne lui fut pourtant pas présentée, parce que se trouvant courts d’argent, ils avoient vendu la civette en route.

Gesner, Icon anim. quadrup. Tiguri 1560, p. 34. parle & donne la figure d’une corne fort grande, qu’il dit avoir vue suspendue à une des colonnes de la cathédrale de Strasbourg, & qui paroît être de la même espece que les cornes en question. Il ajoute que l’ayant mesurée le long de la circonférence extérieure, il trouva qu’elle avoit quatre verges romaines en longueur ; & il pense que ç’avoit été la corne d’un grand & vieux urus, taureau sauvage, que vrai-semblablement on avoit suspendu dans cet endroit à cause de sa grandeur extraordinaire. Quant aux cornes de la collection du chevalier Hans Sloane, ce savant naturaliste conjecture que du tems que les Anglois avoient un grand commerce à Ormus, elles y furent portées avec d’autres marchandises, & en-