L’Encyclopédie/1re édition/TAUREAU
TAUREAU, nerf, (Mat. méd.) priapus tauri. Voyez Bœuf.
Taureau-volant. Voyez Mouche-cornue.
Taureau-cerf, ou Taureau-carnivore, taurus-carnivorus des anciens, dont on a promis au mot sukotyro, de parler avec quelqu’étendue, on va tenir parole.
Agatharchide le cnidien qui vécut autour de la cent cinquantieme olympiade, environ cent quatre-vingt ans avant la naissance de Jesus-Christ, est le premier parmi les anciens, qui fasse mention de ce bœuf grand & carnacier. Il en donne une description fort ample dans les restes de son traité de la mer Rouge, conservés par Photius dans sa bibliotheque, & qui ont été pareillement imprimés avec sa vie dans les geographiæ veteris scriptores græci minores, publiés par M. Hudson.
Il paroîtra par ce qui suit, que la plupart des auteurs qui ont vécu après lui, n’ont fait que le copier. Voici le chapitre où il traite de cet animal, selon la traduction de Laurentius Rhodomannus, de tauro-carnivoro. Omnium, quæ adhuc commemoravi, immanissimum & maximè indomitum est taurorum genus, quòd carnes vorat, magnitudine crassius domesticis, & pernicitate antecellens, insigniter rufum. Os ei ad aures usque deductum. Visus glauco colore magis rutilat quàm leoni. Cornua aliàs non secùs atque aures movet, sed in pugnâ, ut firmo tenore consistant facit. Ordo pilorum inversus contrà quàm aliis animantibus. Bestias etiam validissimas aggreditur, & cæteras omnes venatur, maximèque greges incolarum infestos reddit maleficio. Solùm est arcu & lancea vulnerabile. Quod tn causa est, ut nemo id subigere, quamvis multi id tentarint, valuerit ; in fossam tamen, aut similem ei dolum, si quandò incidit, præ animi ferociâ citò suffocatur. Ideò recte putatur, etiam à troglodytis, fortitudine leonis & velocitate equi, & robore tauri proeditum, ferroque cedere nescium.
Diodore de Sicile, dans le III. liv. de sa Bibliotheque, n’a fait que copier Agatharchide, même jusqu’à se servir, à peu de choses près, de ses propres paroles. Il a ajouté néanmoins les particularités suivantes : que ses yeux reluisent de nuit ; qu’après avoir tué d’autres bêtes, il les dévore ; & que ni la force & le courage des bergers, ni le grand nombre de chiens, ne sont pas capables de l’effrayer quand il attrape des troupeaux de bétail.
Le passage suivant qui a du rapport au même animal, est tiré de Strabon. Sunt & ibidem, in Arabiâ, tauri feri, ac qui carnem edant, nostros & magnitudine & celeritate longè superantes, colore rufo.
Pline paroît aussi avoir copié Agatharchide. Ses paroles sont : Sed atrocissimos habet Æthiopia tauros sylvestres, majores agrestibus, velocitate ante omnes, colore fulvos, oculis cæruleis, pilo in contrarium verso, rictu ad aures dehiscente, juxtà cornua mobilia, tergori duritia filicis, omne respuens vulnus. Feras omnes venantur, ipsi non aliter quàm foveâ capti feritate intercunt. Le même auteur, dans le xlv. chapitre du VIII. livre de son Histoire naturelle, fait mention d’une espece de bœufs d’Inde : Boves indici, quibus camelorum altitudo traditur, cornua in latitudinem quaternorum pedum.
Il est très-probable que ces bœufs-d’Inde sont les mêmes que ceux d’Ethiopie décrits ci-dessus, principalement si on suppose que les copistes de Pline ont écrit latitudinem, au-lieu d’altitudinem.
Salinus n’a fait que copier Pline, avec cette seule différence, qu’il les appelle indicos tauros, taureaux des Indes ; au-lieu que Pline lui-même les décrit parmi les animaux d’Ethiopie. Ceci ne doit pas pourtant paroitre étrange, quand on considere que l’Ethiopie a été comprise parmi les Indes par quelques auteurs anciens.
La description qu’Elien donne de ces animaux est parfaitement conforme à celle d’Agatharchide, & il semble l’avoir empruntée de lui : il en fixe la grandeur au double de la grandeur des bœufs ordinaires de la Grece.
Il y a encore un autre passage dans Elien sur ces bœufs d’Ethiopie ; le voici. Ptolomæo secundo ex Indiâ cornu allatum ferunt, quod tres amphoras caperet ; undè conjicere possumus bovem illum, à quo ejusmodi tantùm cornu extitisset, maximum fuisse.
Ludolf, dans son histoire d’Ethiopie, parlant de ces grands bœufs éthiopiens, conjecture que ce sont les taurelephantes que Philostorgius le cappadocien dit avoir vu à Constantinople de son tems. Les paroles de Philostorgius citées par Ludolf, sont ; habet & terra illa, maximos & vastissimos elephantas, imò & taurelephantes, ut vocantur, quorum genus quoad cætera omnia, bos maximus est, corio vero coloreque elephas, & fermè etiam magnitudine.
Il paroît des passages que je viens de citer, qu’il y a en Ethiopie, & selon toutes les apparentes, aussi dans les contrées Méditerranées de l’Afrique, où fort peu de voyageurs ont jamais pénétré, une très-grande espece de bœufs, pour le moins deux fois aussi grands que nos bœufs ordinaires, avec des cornes d’une grandeur proportionnée, quoiqu’autrement ils en different en bien des choses. Il faut cependant se défier de toutes les relations des choses extraordinaires faites par les anciens, le fabuleux y étant presque toujours mêlé avec le vrai.
Mais quant à cette grande espece de bœufs, quelques auteurs modernes nous assurent qu’il y a un pareil animal dans ce pays-là, quoiqu’aucun, que je sache, n’en ait donné une description satisfaisante. Ludolf dit seulement qu’il y a en Ethiopie des bœufs d’une grandeur extraordinaire, deux fois aussi grands que les bœufs de Hongrie, & qu’ayant montré quelques bœufs d’Allemagne des plus grands à Grégoire Abyssinien (les écrits & la conversation duquel lui fournissoient les mémoires pour son ouvrage), il fut assuré qu’ils n’étoient pas d’une grandeur moyenne comparable à ceux de son pays.
Il est fait mention aussi dans divers endroits de lettres des jésuites, de la grandeur de ces bœufs ; & le même Ludolf cite le passage suivant, tiré d’une lettre d’Alphonse Mendez, patriarche d’Ethiopie, datée le 1 Juin 1626 : buoi grandissimi, di corna smisuramente grosse è lunghe, talmente che nella corna di ciascuno di esse potea capire un otre piccolo di vino : c’est-à-dire, des bœufs très-grands, avec des cornes si longues & si épaisses, que chacune pourroit contenir un petit outre de vin. Voyez l’article Sukotyro. (D. J.)
Taureau-Farnèse, (Sculpt. antiq.) morceau de sculpture antique qu’on a trouvé tout entier, & qui subsiste aujourd’hui à Rome ; il est ainsi nommé, parce qu’il se voit dans le palais Farnèse.
Cet ouvrage de la main d’Apollonius & de Tauriscus a été fait d’un même bloc de marbre jusqu’aux cornes, & fut apporté de Rhodes à Rome. C’est un grouppe de sept figures. Une femme (Dircé) paroît attachée par ses cheveux à une des cornes du taureau ; deux hommes s’efforcent de la précipiter avec le taureau dans la mer du haut d’un rocher ; une autre femme & un petit garçon, accompagnés d’un chien, regardent ce spectacle effrayant.
Ce monument est fort considérable par son étendue & par sa conservation. Il y a dix-huit palmes de hauteur qui font douze de nos piés & quatorze palmes de largeur en tout sens, qui valent 9 piés & . Ce grand grouppe a été plusieurs fois expliqué depuis le renouvellement des arts, parce que son étendue a frappé les savans. Properce lui-même en parle, l. III. eleg. xiij. En voici le sujet en peu de mots :
Dircé, femme de Lycus, roi de Thebes, traita fort inhumainement pendant plusieurs années la reine Antiope que Lycus avoit répudiée, & qui étoit la mere de Zéthus & d’Amphion ; mais Dircé étant ensuite tombée sous la puissance de ces deux princes, ils l’attacherent aux cornes d’un taureau indompté, & la firent ainsi périr misérablement. Voilà le trait d’histoire qu’Apollonius & Tauriscus ont voulu représenter ; voici présentement quelques remarques de M. de Caylus sur l’exécution de l’art.
On a peine, dit-il, à reconnoître Dircé dans l’ouvrage des deux artistes. Les deux freres sont d’un assez bon style, ils ont l’air seulement de vouloir arrêter le taureau qui paroît se défendre, & être au moment de renverser une figure de jeune femme drapée, qui semble, par son mouvement, aller plutôt au-devant de ce même taureau, que d’être condamnée au supplice qu’on lui prépare ; & la disposition de toute la figure n’indique rien qui ait rapport à sa triste situation. A côté, presque derriere le taureau, on voit une figure de femme drapée & debout, qui vraissemblablement est Antiope ; mais elle ne grouppe avec les autres figures ni d’action, ni de composition. La cinquieme figure à demi-drapée & qui représente un pâtre, est diminuée de près de moitié, quoiqu’elle soit posée sur le plan le plus avancé. Indépendamment de ce ridicule, elle est de mauvaise maniere, & n’est liée en aucune façon au reste du grouppe. Le chien, dans sa posture, paroît ne servir à rien. En un mot, selon M. de Caylus, il y a plus de magnificence dans ce morceau, que de savoir & de goût. Il est vrai que Pline n’en fait aucun éloge. (D. J.)
Taureau de Mithras, (Monum. antiq.) on voit communément Mithras sur un taureau, dont il tient les cornes de la main gauche, tandis que de l’autre il lui enfonce un poignard dans le cou. On ne sait pas trop ce que veut dire cet emblème ; du-moins je n’en connois point de bonne explication. Si Mithras représente le soleil, que désignent les cornes du taureau ? Est-ce la lune, est-ce la terre ? Et si c’est l’une ou l’autre, que signifie ce poignard qu’il lui plonge dans le cou ? (D. J.)
Taureau, s. m. en Astronomie, c’est un des douze signes du zodiaque, & le second dans l’ordre des signes. Voyez Signe & Constellation.
Suivant le catalogue de Ptolémée, il y a quarante-quatre étoiles dans la constellation du taureau ; quarante-un, selon celui de Tychon ; dans le catalogue anglois, cent trente-cinq.
Taureaux, combats de, (Hist. mod.) fêtes très célebres & très-usitées parmi les Espagnols qui les ont prises des Mores, & qui y sont si attachés, que ni le danger qu’on court dans ces sortes d’exercices, ni les excommunications que les papes ont lancées contre ceux qui s’y exposent, n’ont pu les en déprendre.
Ces spectacles font partie des réjouissances publiques dans les grands événemens, comme au mariage des rois, à la naissance des infans ; on les donne dans de grandes places destinées à cet usage en présence du roi & de la cour, des ministres étrangers, & d’un nombre infini de spectateurs placés sur des amphithéatres dressés autour de la place. Voici à-peu près ce qui s’y passe de plus remarquable.
A l’un des coins de la place est un réduit appellé tauril ou toril, capable de contenir trente ou quarante taureaux qu’on y enferme dès le matin. Lorsque le roi est placé sur son balcon, ses gardes s’emparent de la place, en chassent toutes les personnes inutiles pour la laisser libre aux combattans ; quatre huissiers-majors visitent les portes de la place ; & lorsqu’ils ont assûré le roi qu’elles sont fermées, sa majesté commande qu’on fasse sortir un taureau. Ces jours-là les combattans sont des personnes de qualité, & ils ne sont vêtus que de noir, mais leurs creados ou estafiers sont richement habillés à la turque, à la moresque, &c. On ne lâche qu’un taureau à-la-fois, & on ne lui oppose qu’un combattant qui l’attaque ou avec la lance, ou avec des especes de javelots qu’on appelle rejonnes. On ouvre le combat sur les quatre heures du soir, le champion entre dans la carriere à cheval, monté à la genette, suivant l’usage du pays, c’est-à-dire sur des étriers tellement racourcis que ses piés touchent les flancs du cheval. Le cavalier, accompagné de ses creados, va faire la révérence au roi, aux dames les plus apparentes, tandis que, dans le tauril, on irrite le taureau, qu’on en lâche quand il est en furie. Il en sort avec impétuosité & fond sur le premier qui l’attend, mais le combattant le prévient en lui jettant son manteau, sur lequel l’animal passe sa premiere fougue en le déchirant en mille pieces ; c’est ce qu’on appelle suerte buena. A ceux qui l’attendent de pié ferme, le taureau n’enleve quelquefois que leur chapeau, quelquefois il les pousse en l’air avec ses cornes, & les blesse ou les tue. Cependant le cavalier, en l’attaquant de côté, tâche de lui donner un coup de javelot ou de lance dans le cou, qui est l’endroit favorable pour le tuer d’un seul coup. Tandis que le taureau attaque & combat, il est défendu de mettre l’épée à la main pour le tuer. Mais si le cheval du combattant vient à être blessé, ou lui-même desarçonné, alors il est obligé d’aller à pié & le sabre à la main sur le taureau ; c’est ce qu’on nomme empeno ; & les trompettes donnent le signal de ce nouveau genre de combat, dans lequel les creados & les amis du cavalier accourent dans l’enclos l’épée à la main, & tâchent de couper les jarrets au taureau ; la précipitation ou la témérité font qu’il en coute souvent la vie à plusieurs : cependant il s’en trouve d’assez adroits pour couper une jambe au taureau d’un seul coup, sans lui donner prise sur eux : dès qu’il est une fois abattu, tous les combattans fondent sur lui l’épée nue, le frappent d’estoc & de taille jusqu’à ce qu’il soit mort, & quatre mules richement caparaçonnées le tirent hors de la carriere. Ensuite de quoi on en lâche un autre, & ainsi jusqu’à vingt-trois. Ce n’est pas seulement à Madrid & dans les autres grandes villes, mais encore dans les bourgs & les villages qu’on prend ces divertissemens. Jouvain, voyage d’Espagne.
Taureau, l’île du, (Géogr. mod.) petite île de France, en Bretagne, dans le diocèse de Tréguier. Elle est située à l’embouchure de Morlaix, & défendue par un port. (D. J.)