L’Encyclopédie/1re édition/SIGNE

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SIGNE, s. m. (Métaphys.) Le signe est tout ce qui est destiné à représenter une chose. Le signe enferme deux idées, l’une de la chose qui représente, l’autre de la chose représentée ; & sa nature consiste à exciter la seconde par la premiere.

On peut faire diverses divisions des signes, mais nous nous contenterons ici de trois, qui sont de plus grande utilité.

Je distingue trois sortes de signes ; 1°. les signes accidentels, ou les objets que quelques circonstances particulieres ont liés avec quelques-unes de nos idées, ensorte qu’ils sont propres à les réveiller : 2°. les signes naturels ou les cris que la nature a établis pour les sentimens de joie, de crainte, de douleur, &c. 3°. les signes d’institution, ou ceux que nous avons nous-mêmes choisis, & qui n’ont qu’un rapport arbitraire avec nos idées. Ces derniers signes sont nécessaires à l’homme, pour que l’exercice de son imagination soit en son pouvoir.

Signe en Algebre se dit des caracteres + & -, plus & moins, qu’on met au-devant des quantités algébriques. Voyez Caractere, Algebre, &c.

Signes semblables, voyez Semblable.

Signe radical, c’est le signe qu’on met au-devant d’une quantité radicale. Voyez Radical & Racine. (O)

Signe, en Astronomie, est la douzieme partie de l’écliptique ou du zodiaque, ou une portion de ce cercle qui contient trente degrés. Voyez Zodiaque.

Les anciens ont divisé le zodiaque en douze segmens nommés signes ; en commençant par le point d’intersection de l’écliptique avec l’équinoxial, ces signes furent désignés par les douze constellations qui occupoient ces segmens du tems d’Hipparque. Mais depuis ce tems ces constellations ont tellement changé de place, par la précession de l’équinoxe, que le bélier est maintenant dans le taureau, le taureau dans les gemeaux, &c. Voyez Précession, Equinoxe, &c.

Voici les noms de ces douze signes & leur ordre : aries, taurus, gemini, cancer, leo, virgo, libra, scorpio, sagittarius, capricornus, aquarius, pisces ; en françois, le bélier, le taureau, les gemeaux, l’écrevisse ou le cancer, le lion, la vierge, la balance, le scorpion, le sagittaire, le capricorne, le verseau, les poissons. On les peut voir avec leurs différentes étoiles, sous l’article qui leur est particulier, &c.

On distingue les signes par rapport à la saison de l’année où le soleil y séjourne, en signes de printems, d’été, d’automne & d’hiver. Voyez Printems, Eté, &c.

Les signes du printems sont aries, taurus, gemini, le bélier, le taureau, les gemeaux ; ceux de l’été sont cancer, leo, virgo, l’écrevisse, le lion, la vierge ; ceux d’automne sont libra, scorpio, sagittarius, la balance, le scorpion, le sagittaire ; ceux d’hiver sont capricornus, aquarius, pisces, le capricorne, le verseau, les poissons.

Les signes du printems & ceux d’été sont aussi nommés septentrionaux ; & ceux d’automne & d’hiver sont appellés signes méridionaux ; parce que durant le printems & l’été, le soleil est sur l’hémisphere septentrional de la terre, que nous occupons ; & pendant l’automne & l’hiver, il est sur l’hémisphere méridional. (O)

Signe, (Médecine séméiotiq.) on appelle de ce nom tout effet apparent, par le moyen duquel on parvient à la connoissance d’un effet plus caché, dérobé au témoignage des sens. Ainsi le phénomène ou symptome, peut devenir un signe lorsqu’on cesse de le considérer abstractivement, & qu’on s’en sert comme d’un flambeau pour percer dans l’intérieur obscur de l’homme sain ou malade. Le pouls est, par exemple, un phénomène qui frappe les sens dans l’économie animale ; j’en ferai un signe si je remonte par son moyen à la connoissance du mouvement du sang & de la vie ; si, quand je le trouve bien régulier, j’en conclus que le sujet est bien portant ; ou quand, instruit par ses diverses irrégularités, je découvre différentes maladies. Toutes ces différentes modifications peuvent être autant de signes qui m’éclairent pour la connoissance de la santé ou des maladies. Il n’est point d’action, point d’effet sensible dans le corps humain, qui ne puisse fournir quelque signe. Les effets sont tous signes de leurs causes ; mais tous les signes doivent être fondés sur l’observation souvent réitérée, afin que la correspondance, la relation entre le signe & la chose signifiée, soient solidement établies. C’est la difficulté de connoître & de fixer comme il faut ce rapport, qui a embarrassé les premiers séméiologistes, & qui doit leur avoir coûté un travail & un tems infinis. Voyez Séméiotique. Combien d’observations n’a-t-il pas fallu pour décider & constater la valeur des divers signes, ou même d’un seul dans les différens sujets, les différentes maladies & les diverses circonstances ? C’est à Hippocrate que la science des signes a le plus d’obligations : le premier sémeioticien a été le plus grand ; aucun médecin postérieur, quoique enrichi des trésors de cet illustre législateur de la médecine, n’a été au-dessus de lui ; il s’en est même trouvé peu qui l’aient égalé, c’est-à-dire qui aient su mettre en usage tous les signes qu’il avoit établis.

On peut, à la faveur des signes, acquérir trois sortes de connoissances ; ou remonter aux tems passés, & s’instruire par les effets présens de ceux qui ont précédé ; ou dissiper l’obscurité répandue sur des objets présens ; ou enfin porter un œil pénétrant sur les événemens futurs. On appelle anamnestiques tous les signes qui nous rappellent l’état dans lequel le corps s’est trouvé plus ou moins long-tems auparavant ; de ce nombre sont les creux en différentes parties du corps, qui font connoître que la petite vérole a précédé ; les cicatrices, signes des blessures passées, &c. Les seconds, qui nous éclairent sur l’état présent de la santé ou de la maladie, sont appellés diagnostics ; ils sont extrèmement variés dans la maladie, pouvant avoir pour objet de déterminer le genre, l’espece, le caractere particulier, le siege, &c. de l’affection présente. Enfin on a donné le nom de signes prognostics à ceux qui mettent le médecin à portée de lire dans l’avenir, soit en santé ou en maladie ; ces signes sont extrèmement étendus, difficiles à saisir & à bien évaluer ; ils exigent une grande habitude à observer, beaucoup de travail & de pénétration : leur avantage compense bien au-delà toutes ces difficultés. Voyez Anamnestique, Diagnostique, Prognostic, & tous les articles particuliers de Séméiotique.

Parmi les signes, il y en a qui sont communs à plusieurs maladies, & qu’on appelle équivoques ; ils indiquent différentes choses, suivant les circonstances dans lesquelles ils se rencontrent. Telle est, par exemple, la limpidité de l’urine, qui dans les fievres aiguës annonce le délire ; dans les coliques néphrétiques, le paroxysme prochain, de même que chez les personnes vaporeuses, & dans les fievres intermittentes ; & quelquefois n’est qu’une suite & un signe d’abondantes boissons aqueuses.

D’autres signes sont plus distinctifs ; on leur a donné le nom de pathognomonique, lorsqu’ils ont toujours la même signification, & qu’ils ne sauroient exister sans que cette seule chose signifiée n’existe aussi. Telle est la vitesse du pouls dans la fievre, l’excrétion de semence dans la gonorrhée, &c. Il est rare de trouver des maladies caractérisées par un seul signe pathognomonique ; la plupart ne sont distinguées que par l’ensemble de plusieurs signes, qui ne sont pathognomoniques que lorsqu’ils sont rassemblés. Telle est la pleurésie, qui est marquée par le concours d’un point de côté, d’une difficulté de respirer, de la toux & d’une fievre aiguë, &c. Le défaut d’un de ces signes rendroit le diagnostic incertain.

Signes de Musique, sont en général, tous les caracteres dont on se sert pour noter la musique. Mais ce mot s’entend plus communément des dièzes, bémols, béquarres, points, reprises, pauses, guidons, & généralement de tous ces petits caracteres détachés, qui sont moins des notes véritables, que des modifications des notes & de la maniere de les chanter. Voyez tous ces mots. (S)

Signes écriture par, (Littérat.) l’écriture par signes, par caracteres, par notes, ou par abréviations, est une seule & même chose. Voyez Abréviation, Caractere, Note, &c.

Nous nous contenterons de remarquer ici, que Plutarque, dans la Vie de Caton d’Utique, fait Cicéron inventeur de la maniere d’écrire avec des signes, à l’occasion de la conspiration de Catilina ; & qu’il paroît par une lettre du livre XIII. à Atticus, qu’il se servoit de cette maniere d’écrire, puisqu’il y fait mention de ce qu’il écrivoit, διὰ σημείων, par signes : expression qui fait voir que cet art étoit emprunté des Grecs. Dion Cassius, dans le LV. livre de son histoire, nous apprend que Mécène le communiqua au public par Aquila son affranchi. Il paroît aussi par Suétone, que César lui-même écrivoit avec des signes, per notas. Dans la vie de Galba, on trouve cette façon de parler : Quia notata, non perscripta, erat summa, ne hæc quidem accepit. On trouve encore sur ce sujet, un passage remarquable dans le digeste, lib. XXIX. Lucius Titius miles, notario suo testamentum scribendum notis dictavit, & antequam litteris perscriberetur, vitâ defunctus est. Voici le portait que Manilius, dans le IV. liv. de ses Astronomiques, fait d’un notaire :

Hic & scriptor erit velox, cui littera verbum est,
Quique notis linguam superet, cursimque loquentis
Excipiat longas nova per compendia voces
.


Baxter a du penchant à croire que cette maniere d’écrire étoit générale, avant qu’un musicien eût inventé l’alphabet ; car Aristoxene, contemporain d’Aristote, dans son traité de la Musique, fait de l’art d’écrire γραμματικὴ, une partie de la Musique. Le même Baxter croit que les notes de Musique, & les caracteres dont se servent les Médecins, sont encore des restes de ces anciens caracteres ou notæ ; pour ne rien dire des siglæ romaines, ainsi nommées pour singulæ, qui n’étoient autre chose qu’une ou deux lettres, pour exprimer tout un mot, & qui par conséquent étoient plutôt des abréviations, que des signes ou des chiffres. Les ἱερὰ γράμματα des Egyptiens étoient des signes sacrés, notæ sacræ, empruntés des interpretes des songes. Artémidore appelle partout ces symboles sacrés σημεῖα, terme qui dans l’Ecriture-sainte marque aussi des prodiges. Quam scitè per notas nos certiores facit Jupiter, dit Cicéron dans son traité de divinatione. On peut faire quelques conjectures sur la figure de ces signes, par les noms qu’Apulée leur donne, les appellant ignorabiles litteras, nodos, apices condensos, & par cette épigramme de Nicéarque.

Ὄντως μυρμήκων τρυπήματα λοξὰ καὶ ὀρθὰ,
Γράμματα τῶν λυρικῶν, Λύδια καὶ Φρύγια
.


D’où l’on peut conclure qu’on regardoit cette maniere d’écrire comme celle qui étoit généralement en usage parmi les barbares, comme elle l’est encore aujourd’hui chez les Chinois. (D. J.)