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detritaque bellis Suessa. La raison en est que Suessa Pometia avoit été détruite auparavant.

Suessa Arunca devint pour la seconde fois colonie romaine sous Auguste, selon une inscription ancienne rapportée par Gruter p. 1096, où on lit Ædilis colonia Julia felici classica Suessa. Les habitans de cette ville sont appellés Suessani dans une inscription faite du tems de l’Empereur Adrien, & rapportée par Holstenius p. 257. Qui viam Suessanis Municipiis sua pec. fecit.

Lucilius (Caius) chevalier romain, & poëte latin, naquit à Suessa au pays des Arunces, vers le commencement du septieme siecle de Rome, savoir l’an 605, & mourut à Naples vers l’année 660, âgé d’environ 55 ans. Il porta les armes sous Scipion l’Africain à la guerre de Numance, & il eut beaucoup de part à l’amitié de ce fameux général, & à celle de Lelius ; c’est Velleius Paterculus, l. II. c. ix. qui nous l’apprend. Celebre, dit-il, & Lucilii nomen fuit, qui sub P. Africano Numantino bello, eques militaverat. Pompée du côté maternel étoit petit neveu de Lucilius, ainsi ce poëte étoit de bonne maison. Il commença trente livres de satyres où il censuroit nommément & d’une maniere piquante plusieurs personnes qualifiées. Il ne fut pas l’inventeur de la satyre parmi les latins ; mais il en fut comme le restaurateur, par le nouveau tour qu’il lui donna, en se réglant sur le goût de l’ancienne comédie des Grecs ; avec cette différence qu’il se servoit ordinairement de vers Pithiens, que les grammairiens appellent vers héxametres, au lieu que les poëtes comiques n’avoient employé que des vers ïambes ou coraïques. Il fit plusieurs autres ouvrages, mais il ne nous reste que des fragmens de ses satyres ; ils ont été recueillis soigneusement par François Douza, & publiés à Leide avec des notes l’an 1597. Ils auroient cependant bon besoin d’être encore mieux éclaircis par quelque savant critique, parce qu’on en tireroit beaucoup de lumieres en ce genre. On apprendroit bien des choses dans les autres œuvres de Lucilius qui se sont perdues.

Les anciens ont été fort partagés sur le mérite de ce poëte satyrique. On peut voir ce que dit Horace sat. I. l. II. sat. IV. l. I. & sat. X. qu’il emploie toute entiere à répondre aux admirateurs de Lucilius, protestant en même tems qu’il ne prétend pas lui arracher la couronne qui lui est si justement due. Quintilien étoit extrêmement prévenu en faveur de Lucilius ; mais tous les critiques se sont déclarés pour le jugement d’Horace ; cependant Lucilius a eu le bonheur de certaines femmes qui avec très-peu de beauté, n’ont pas laissé de causer de violentes passions. Ce qu’il y a de singulier, c’est que Ciceron se soit contredit dans ses décisions sur le savoir de Lucilius. Il dit au premier livre de l’Orateur, c. 16 : sed ut solebat C. Lucilius sæpe dicere homo tibi subiratus, mihi propter eam ipsam causam minus quàm volebat familiaris, sed tamen & doctus & perurbanus, sic sentio neminem esse in oratorum numero habendum qui non sit omnibus iis artibus quæ sunt libero homine dignæ, perpolitus. Il lui donne le même éloge de docte au second livre du même ouvrage, & il le lui ôte au premier livre de finibus, c. 3.

Je n’ajoute plus qu’un mot sur Lucilius, parce que j’ai déja parlé de lui à l’article Satyre. Il ne souhaitoit ni des lecteurs ignorans, ni des lecteurs très-savans. Il est vrai que ces deux sortes de lecteurs sont quelquefois également redoutables ; les uns ne voient pas assez, & les autres voient trop : les uns ne connoissent pas ce qu’on leur présente de bon ; & l’on ne sauroit cacher aux autres ce que l’on a d’imparfait. Ciceron ne veut point de lecteurs ignorans, il demande les plus habiles, déclarant ne craindre personne ; mais combien peu de gens peuvent tenir le même langage ? (D. J.)

SUESSA-POMETIA, (Géog. anc.) ville d’Italie dans le Latium. Strabon, l. V. lui donne le titre de métropole des Volsques ; & Denys d’Halicarnasse l. VI. p. 364 l’appelle la premiere, ou la principale ville de ce peuple.

Cette ville fiere de sa puissance & de ses richesses, s’étoit crû permis de porter le ravage chez ses voisins ; les Latins s’en plaignirent ; mais lorsqu’ils en demanderent la réparation, ils n’eurent point d’autre réponse, sinon qu’on étoit prêt à vuider le différend par les armes. Tarquin saisit cette occasion de faire marcher ses troupes vers Suessa. L’armée des Suessans qui l’attendoit sur la frontiere, fut vaincue & prit la fuite. Tarquin ne tarda pas d’aller faire le siege de leur capitale. Il environna la place d’une ample circonvallation qu’il munit d’un large fossé, & poussa les attaques avec force. Les assiegés se défendirent courageusement, mais ne recevant ni convois, ni secours, & se voyant épuisés, ils préférerent de mourir sur leurs remparts, & de conserver leur liberté en périssant. A la fin leur ville fut prise d’assaut, tous ceux qui avoient porté les armes pour sa défense, furent impitoyablement massacrés. Les femmes, les enfans, les vieillards & les esclaves, dont le nombre étoit grand, devinrent la proie du soldat.

L’or & l’argent qu’on trouva dans cette ville opulente, furent seuls mis en réserve, & portés dans un endroit marqué. On en consacra la dixieme partie pour acheter le Temple de Jupiter Capitolin. Toute la somme montoit à 40 talens d’or.

Cette ville se rétablit ; car l’année 258 de Rome, la grandeur de son enceinte, la multitude de ses habitans, ses richesses & son luxe la faisoient encore passer pour la capitale des Volsques. Le consul Servilius la prit d’assaut, & l’abandonna au pillage de ses troupes.

Cette ville fut nommée Pometia pour la distinguer de Suessa-Arunca. Quelquefois elle se trouve appellée simplement Suessa, parce qu’elle étoit la plus puissante des deux ; & quelquefois on la nomme seulement Pometia. Elle fut colonie romaine. Virgile Æneid. l. VI. v. 775 désigne cette ville sous le nom du peuple.

Pometios, castrumque Jani, Bolamque, coramque.


(D. J.)

SUESSIONES, (Géog. anc) peuples de la Gaule belgique. César, bel. gall. l. VIII. c. vj. les met sous les Rhemi ; in fines Suessionum qui Rhemis erant attributi. Les députés que les Rhemi envoyerent à César, appellent les Suessiones leurs freres & leurs parens, qui se servoient des mêmes lois, faisoient avec eux un même état, & avoient les mêmes magistrats : fratres, consanguineosque suos, qui eodem jure, iisdem legibus utantur, unum imperium & unumque magistratum cum ipsis habeant.

Le nom de ces peuples est différemment écrit par les anciens. Les divers exemplaires de César lisent quelquefois Suessones & quelquefois Suessiones. Cette derniere orthographe semble devoir être préférée, parce que le métafraste grec lit constamment Σουεσσίωνες. Pline, liv. IV. ch. xviij. écrit aussi Suessiones, de même que Tite-Live.

Les diverses éditions de Strabon varient aussi beaucoup ; les unes portent Σουέσσονες, & d’autres Σουεσσίωνες ou Σουεσσίονες ; Lucain, l. I. v. 413. dit Suessones.

Et Bituris, longisque leves Suessones in armis.

Ptolomée a oublié apparemment la premiere lettre du nom de ces peuples, car il les appelle Οὐέσσονες. L’itinéraire d’Antonin est pour Suessones, de sorte que l’orthographe est absolument douteuse. Il est plus sûr que le peuple ainsi nommé habitoit le pays connu présentement sous le nom de diocèse de Soissons. Voyez Soissons. (D. J.)