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c’est pourquoi les ressorts de montre plate se rendent ou se cassent plus fréquemment que les autres. Le ressort placé dans le barillet porte un crochet qui accroche le bout extérieur du ressort, & l’arbre accroche le bout intérieur. Dans cet état, si l’on vient à tourner l’arbre, le barillet étant fixé, le ressort s’enveloppera immédiatement sur le corps de l’arbre, ainsi de tous les tours successivement ; dans cet état le ressort sera bandé, si l’on lui oppose un rouage à faire tourner par le moyen des dents qu’on aura pratiquées à la circonférence du barillet ; ce qui engrénera dans le premier pignon ; le ressort en se détendant fera tourner le rouage avec une vîtesse qui diminuera comme la détente du ressort.

Mais si au lieu d’opposer au barillet des rayons égaux comme sont les aîles de pignons sur lesquelles il agit, on lui adapte une chaînette qui communique & s’entortille sur une figure conique taillée en spirale, dont les rayons diminuent précisément comme la force du ressort augmente, c’est ce qui formera la fusée. Voyez Fusée. Alors la fusée portant la roue du barillet communiquera au premier pignon une égale vîtesse pour tous les tours, & par conséquent la force motrice sera uniforme sur tout le rouage.

De l’exécution du ressort spiral & de son application en qualité de force réglante. Le ressort spiral d’une montre ordinaire est une lame d’acier très-déliée qui peut avoir trois ou quatre pouces de longueur, & d’un neuvieme à un douzieme de ligne de largeur, sur un trente à quarante-huitieme d’épaisseur ployée en ligne spirale de quatre à trois tours au moins ; ces tours doivent avoir des intervalles plus ou moins grands, suivant la force du spiral & la grandeur du balancier ; la lame doit diminuer d’épaisseur imperceptiblement du dehors au-dedans, en sorte que lorsqu’on suspend un petit poids par le bout intérieur, & qu’on le leve en tenant avec une pincette l’autre extrémité extérieure, il prenne la figure d’un cône renversé ; c’est à cette épreuve qu’on juge si le ressort se déploye bien, & s’il garde les intervalles proportionnés au diametre du spiral ; il faut aussi que les tours de lame soient exactement paralleles entre eux & dans le même plan.

Pour faire ces petits ressorts, l’on prend de l’acier d’Angleterre qui n’est point trempé, mais qui est passé au laminoir ; ce qui lui donne assez de corps pour avoir de l’élasticité. Plusieurs horlogers s’en servent & font eux-mêmes leurs ressorts spiraux ; ils redressent, réforment même ceux qui sont faits, mais il n’y a guere que les habiles artistes capables de les bien faire ; Genève est la seule ville que je connoisse où il y ait des gens qui ne s’occupent qu’à faire de ces ressorts, & qui les font d’autant mieux, que la routine & la délicatesse du tact l’emportent de beaucoup sur la théorie : ils ne se servent point de fil d’Angleterre ; ils prennent une lame d’acier trempé, & revenue comme une lame de ressort moteur qu’ils affoiblissent à la lime jusqu’à une certaine épaisseur ; après quoi ils les coupent par petites bandes. Les redresser, limer sur la largeur & l’épaisseur, les adoucir & les ployer en ligne spirale, sont toutes opérations trop longues à détailler, & qui seroient encore insuffisantes pour donner une idée de leur délicatesse ; il n’y a guere que l’expérience qui puisse la faire sentir.

Je ne déciderai pas lesquels des deux spiraux sont les meilleurs d’être d’acier trempé, ou non trempé ; ce qu’il y a de certain, c’est que j’ai vu de bons effets par les uns & les autres ; je ne pense pas qu’il soit connu de personne, autrement que par conjectures, auxquelles on doit donner la préférence ; les raisons qu’on donne de part ou d’autre, me paroissant trop foibles pour être rapportées.

De l’application du ressort spiral au balancier. Sur l’axe du balancier est ménagée une petite assiette pour recevoir & faire tenir à frottement une virole qui est percée par une ligne qui seroit tangente, dans l’épaisseur de la circonférence : ce trou est pour recevoir l’extrémité intérieure du spiral ; & au moyen d’une goupille qu’on y fait entrer avec, ce spiral se fixe & s’arrête sur la virole ; elle est coupée pour faire un peu ressort en entrant sur l’assiette du balancier ; ce qui donne la facilité de tourner la virole qui tient alors par une pression élastique ; le balancier étant placé sur la platine, la cheville de renversement est en repos sur le centre d’échappement. Voyez Renversement. A l’extrémité extérieure du spiral, se trouve sur la platine un piton percé pour la recevoir avec une goupille qui la serre & la fixe. Par ce moyen le balancier ne peut point tourner d’un côté ni d’un autre, sans tendre le ressort spiral. Le balancier ainsi placé, la roue de rencontre agit par une de ces dents sur la palette si c’est une verge, & sur les tranches du cylindre, si c’en est un ; alors elle tend le ressort spiral en décrivant l’arc de levée ; mais le balancier ne parcourt point son arc de levée sans gagner de la force pour continuer son arc commencé, qui devient par cette raison cinq ou six fois plus grand, voyez Recul, Repos, Arc de supplément, & Arc de levée, où le ressort spiral fait un si grand rôle en s’opposant aux vibrations du balancier, & en les accélérant. (Voyez Régulateur élastique.) Sous le balancier est placé une méchanique qu’on nomme la coulisserie ; elle consiste en une roue dentée qui engréne dans le rateau qui est une portion de cercle trois ou quatre fois plus grand que la roue ; ce rateau est denté en dehors & placé concentriquement au balancier, au-dedans duquel est réservé une portion de rayon sous lequel est placé deux goupilles entre lesquelles se place le grand trou du ressort spiral ; en sorte que lorsqu’on tourne la roue qui porte une aiguille de rosette, ce rateau se meut, & les deux chevilles en fourchettes suivent le tour du spiral, & par conséquent le raccourcissent ou l’alongent, parce qu’il est censé prendre naissance à cette fourchette. Il faut donc faire abstraction de la partie excédante qui va de la fourchette au piton où l’extrémité est fixée, parce que cette partie ne doit avoir aucun mouvement par les vibrations du balancier ; c’est pour cela qu’on place les chevilles très-proches l’une de l’autre, pour ne laisser que la liberté au spiral de glisser dedans ; puisque par cette méchanique l’on raccourcit ou alonge le ressort spiral, il devient donc plus fort ou plus foible, il retarde ou accelere la vîtesse du balancier ; c’est donc véritablement une force réglante ; j’ai trouvé par l’expérience que les petits ressorts spiraux, relativement au balancier, toutes choses égales d’ailleurs, étoient ceux qui permettoient les plus grands momens au balancier sans arrêter au doigt. Pour bien placer un spiral, il faut qu’il ne bride en aucun sens, qu’il laisse le balancier libre d’opérer les vibrations dans toutes leurs étendues ; ce qui se voit aisément. En regardant marcher la montre l’on voit s’il tourne bien droit, si les tours de lames jouent dans leurs véritables proportions, &c.

Les ressorts spiraux ne perdent point de leur élasticité par le mouvement des vibrations ; ils se contractent & se dilatent par des efforts parfaitement égaux ; j’ai fait à ce sujet quelques expériences qui servent à le prouver. Avec la machine pour le frottement des pivots, le balancier étant arrêté par le spiral, je donnois jusqu’à trois tours de tention, ce qui comprimoit le spiral autour de la virole ; je l’abandonnois alors, & le spiral non-seulement se détendoit des trois tours ; il faisoit encore trois tours à-