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ce spath est blanc & transparent comme du crystal de roche, c’est ce qu’on appelle crystal d’Islande.

6°. Le spath en crystaux ; ils different du crystal de roche en ce que leurs colonnes sont ordinairement tronquées ou tranchées par le sommet. Ces crystaux de spath varient considérablement pour le nombre de leurs côtés ; il y en a de cubiques, d’exagones, d’octogones, de neuf côtés, de quatorze côtés ; les uns sont prismatiques ou à colonnes, d’autres sont par masses crystallisées qui présentent toutes sortes de figures singulieres. Ils varient aussi pour les couleurs ; il y en a de blancs, de jaunes, de rouges, de violets, de verdâtres, &c. c’est proprement à ces crystaux spathiques que l’on doit donner le nom de fluors. Ils ont tous la propriété de devenir phosphoriques lorsqu’on les frotte les uns contre les autres, ou lorsqu’on les chauffe légérement sans les faire rougir.

7°. Le spath fétide, appellé lapis suillus, qui est ou sphérique, ou rayonné, ou prismatique. Cette pierre répand une odeur desagréable lorsqu’on la frotte ; mais son odeur étant une chose purement accidentelle, ne mérite pas qu’on en fasse une espece particuliere.

8°. Le spath compacte & solide, que l’on nomme spath vitreux parce qu’il ressemble assez à une masse de verre. Il est plus ou moins transparent, sa couleur est ou blanche, ou grise, ou verdâtre, ou violette. Il n’affecte point de figure déterminée, mais il se brise en morceaux irréguliers, comme le quartz avec qui il a beaucoup de ressemblance au premier coup d’œil ; il ne fait point effervescence avec les acides non plus que lui ; mais ce qui le distingue du quartz, c’est qu’il ne fait point feu lorsqu’on le frappe avec de l’acier ; échauffé il devient phosphorique ou lumineux lorsqu’on le frotte dans un endroit obscur. D’ailleurs il est rare qu’il soit d’un tissu assez compacte pour qu’un œil exercé n’y apperçoive en quelque endroit une disposition à se mettre en lames, ou quelques surfaces unies. C’est ce spath que l’on nomme spath fusible ; nous parlerons de ses propriétés dans la suite de cet article, & des expériences qui ont été faites avec lui.

9°. Wallerius enfin ajoute à ces différentes especes de spaths celui qu’il nomme spath dur ou spathum pyrimachum, parce qu’il donne des étincelles lorsqu’on le frappe avec de l’acier. M. Pott soupçonne que cela vient de ce que ce spath est intimement combiné avec des parties de quartz ; en effet, il est constant que de faire feu est une propriété étrangere au spath. Quoi qu’il en soit, M. Wallerïus dit que ce spath se partage en morceaux cubiques rectangulaires, dont les surfaces sont très-unies. Voyez la minéralogie de Wallerius.

On voit par ce qui précede que le spath est un vrai protée ; il se montre sous une infinité de formes différentes, par les arrangemens divers que prennent les lames ou feuillets dont cette pierre est toujours composée, & qui ordinairement caractérisent le spath. C’est de l’arrangement & de la liaison plus ou moins forte de ces lames que dépend le plus ou le moins de dureté & de solidité de cette pierre. Le spath acompagne un très-grand nombre de mines ; plus il est tendre, plus il donne d’espérance que l’on trouvera de métaux précieux, parce qu’alors il est plus propre à donner entrée aux exhalaisons minérales qui forment les mines. Voyez l’article Mine & Matrice.

Les propriétés que nous avons assignées aux différentes especes de spath, suffisent pour le mettre en état de le distinguer du quartz. En effet, cette derniere pierre ne se change point en chaux par la calcination ; elle ne fait point d’effervescence avec les acides ; elle ne devient point phosphorique après avoir été chauffée ; elle ne montre point de feuillets ni de disposition à se partager suivant des plans ou

surfaces unies, tandis que ces signes conviennent en tout ou en partie aux spaths. Joignez à cela que le quartz est beaucoup plus dur ; il est d’un tissu compacte comme celui du verre ; il donne toujours des étincelles lorsqu’on le frappe avec de l’acier. Voyez Quartz.

On a déja fait remarquer qu’il y avoit une espece de spath que les Allemands ont nommé fluss-spath ou spath fusible. Ce nom lui a été donné, soit parce qu’on s’en sert comme d’un fondant dans les fonderies, soit parce qu’il entre en fusion avec une facilité singuliere pour peu qu’on y joigne de sel alkali.

M. Pott croit que ce spath fusible est redevable de sa fusibilité & de sa dureté, à une portion de terre de caillou (terra silicea) qui s’y trouve combinée avec la terre spathique ou calcaire. On a lieu de soupçonner outre cela quelqu’autre substance dans le spath fusible. En effet, la pesanteur extraordinaire de cette pierre donne lieu de croire qu’elle contient quelque substance métallique. Quelques auteurs ont cru que c’étoit de l’arsénic ; mais M. Pott assure qu’ayant fondu quelquefois du spath fusible avec du marbre blanc, a obtenu quelques grains de plomb ; mais il convient que cette expérience ne lui a point toujours réussi ; ce qui vient, selon lui, de ce que l’action trop violente du feu a pu dissiper la partie métallique durant la fusion.

M. de Justi, très-habile chimiste allemand, conteste la vérité de cette expérience de M. Pott ; il paroît que ce n’est point sans raison, vu que le marbre blanc ne contient point de matiere propre à produire la réduction d’un métal. D’un autre côté, M. de Justi assure n’avoir jamais pu tirer le moindre atôme d’une substance métallique du spath, quelque fondant ou quelque matiere qu’il ait employé pour en faire la réduction. De plus, il dit n’avoir jamais pu parvenir à faire entrer en fusion un mélange de spath & de marbre, quelque degré de feu qu’il ait donné, & quelque variété qu’il ait mise dans les proportions. M. Pott n’a pas manqué de répliquer à M. de Justi, & dans ses réponses il persiste toujours à maintenir la vérité de ses expériences, & il en rapporte encore de nouvelles, par lesquelles il persiste à maintenir la fusibilité du spath avec le marbre ; expérience que M. de Justi n’a jamais pu effectuer : sur quoi ce dernier soupçonne son adversaire de s’être trompé sur la qualité de la pierre qu’il travailloit, & l’accuse de ne pas connoître le spath pesant. En effet, à la vue de résultats si différents, on a lieu de croire que ces deux chymistes ont opéré sur des matieres tout-à-fait différentes. Selon M. de Justi, le spath qu’il appelle pesant, se distingue de toutes les especes de spaths par son poids extraordinaire, qui surpasse non-seulement celui de toutes les autres pierres, mais encore qui est plus grand que celui de plusieurs mines métalliques, & qui égale presque celui de l’hématite, qui est une mine de fer très-pesante. M. de Justi présume du poids de ce spath, qu’il doit nécessairement contenir une portion considérable de quelque substance métallique ; il se fonde encore sur les effets que ce spath pesant produit dans les dissolvans. Les dissolvans agissent très-promptement sur les différens spaths, sur-tout lorsqu’ils sont réduits en poudre, & les dissolvent entierement ; au lieu que l’eau-forte n’agit point, selon lui, sur le spath pesant, à moins que d’être bouillante, & même alors il dit que l’on voit clairement que ce dissolvant n’attaque pas la totalité de cette pierre, mais seulement quelques-unes de ses parties. L’eau régale ne paroît point non plus avoir d’abord aucune action sur ce spath ; mais lorsqu’elle commence à bouillir, elle attaque vivement la totalité de la pierre ; mais elle lâche bientôt les parties qu’elle avoit dissoutes, ce qui, selon lui, annonce la présence d’une substance mé-