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ces matieres dans des vaisseaux bien fermés & trop pleins, qui venant à éclater par la simple expansion vaporeuse, repandent jusque dans le foyer du fourneau, cette matiere très inflammable : car il est à-peu-près évident que ce n’est qu’en s’enflammant rapidement, & par conséquent lorsqu’il est déja hors des vaisseaux, que le baume de soufre dont nous parlons, peut produire les effets rapportés dans cette opération d’Hoffman. Au reste, les divers baumes de soufre sont dénommés par l’espece d’huile qu’on emploie à leur préparation ; ainsi le dernier, dont nous venons de parler, est le baume de soufre térébenthiné ; il y a un baume de soufre anisé, il pourroit y en avoir un amandé, ou amigdalé, &c.

On trouve encore au nombre des remedes officinaux, un sirop de soufre, & des tablettes de soufre ; ce sirop de soufre n’est autre chose que le foie de soufre préparé avec l’alkali, délayé dans trois ou quatre parties d’eau, qu’on mêle ensuite avec suffisante quantité de soufre, pour en faire un sirop.

Les tablettes de soufre se préparent ainsi : prenez fleur de soufre, demi-once ; sucre blanc, quatre onces ; cuisez votre sucre avec de l’eau commune (car l’eau rose demandée dans la pharmacopée de Paris, d’après la routine commune, est très-inutile.) en consistance d’électuaire solide ; alors mêlez vos fleurs de soufre, faites des tablettes selon l’art.

Tous les remedes dont nous venons de parler, sont destinés uniquement à l’usage intérieur, excepté les baumes de soufre, qui sont aussi recommandés pour l’usage extérieur ; c’est presque uniquement aux maladies chroniques de la poitrine, comme asthme, phthisie, toux inveterées, que ces remedes sont destinés ; mais ils sont fort peu usités, & vraissemblablement ils sont abandonnés avec raison. Boërhaave, qui a traité assez au long de la plûpart, dans sa chimie, les condamne presque sans restriction ; il dit qu’ils irritent, échauffent, déssechent, qu’ils nuisent aux poumons, à l’estomac, aux autres visceres, qu’ils diminuent l’appétit, & augmentent la soif & les sueurs, & il ajoute qu’il ne se décide point ainsi légerement, mais qu’il a examiné la chose très exactement, quæ non temere effundo, sed explorata loquor meditatus.

Les baumes de soufre sont d’ailleurs recommandés pour l’usage extérieur, comme de puissans resolutifs discussifs, déssechans, contraires à la gangrene, & principalement comme spécifique contre la gale ; mais il est principalement sous la forme d’onguent quand on l’emploie contre cette derniere maladie ; on a coutume même de le mêler dans ce cas, avec quelques autres médicamens. Voici l’onguent pour la gale, de la pharmacopée de Paris ; remede dont le soufre fait l’ingrédient principal, la vraie base du remede.

Prenez sain-doux lavé, six onces ; racine de patience sauvage, cuite jusqu’à consistence de pulpe, & passée par un tamis, & fleur de soufre, de chacun une once & demie ; d’onguent populeum battu avec du suc d’aulnée, demi-once : battez le tout exactement dans un mortier, & faites-en un onguent pour être employé sur le champ. Quant à l’emploi de cet onguent, voyez Gale.

Foie de soufre : celui dont il sera ici seulement question, est préparé comme nous l’avons déja dit, avec l’alkali fixe de nitre ; cette matiere se présente sous la forme d’une substance concrete d’un rouge foncé ; elle tombe facilement en déliquium ; elle est très-soluble dans l’esprit-de-vin, quoique les deux principes dont elle est composée, ne soient solubles ni l’un ni l’autre dans ce menstrue. Boërhaave s’exprime peu exactement, lorsqu’il appelle la dissolution du foie de soufre, dans l’esprit-de-vin, sulphuris dissolutio in alcohole vini. Le foie de soufre dissout toutes les subs-

tances métalliques, & même l’or, avec beaucoup

de facilité, quoique l’alkali fixe du soufre pris séparément, ne dissolve point l’or. Stahl croit que c’est avec ce menstrue, que Moïse ouvrit & disposa à une prompte pulvérisation, le veau d’or, duquel il est dit dans le xxxiij. chap. de l’exode, v. 20. que Moïse le prit… tulit vitulum quem fecerant, & combussit igne, contrivitque donec in pulverem redegil, postea sparsit in superficiem aquarum, & potavit filios Israel. Ce chimiste a fait un traité exprès, sous le titre de vitulus aureus igne combustus, &c. dans lequel, au sujet de ce fait rapporté dans l’Ecriture, ou plutôt à cette occasion, il examine très-doctement, mais peut-être trop longuement, toutes les manieres connues de diviser l’or. Le foie de soufre est précipité par tous les acides ; il répand pendant cette opération, une odeur détestable, & semblable à celle des œufs pourris : les chimistes se servent quelquefois de ce signe, pour reconnoître l’acide vitriolique, dans quelques substances terreuses ou salines, dans lesquelles ils le soupçonnent ; ils traitent ces substances avec le phlogistique, de la maniere que nous avons rapportée plus haut, en traitant de la composition artificielle du soufre ; ils versent ensuite sur le mélange ainsi traité, un peu d’acide de vinaigre ; s’ils produisent par-là cette mauvaise odeur, ils en concluent la présence d’un foie de soufre, & par conséquent celle du soufre qui suppose nécessairement le concours d’un acide vitriolique, qui est le principe recherché ; cette épreuve qui est usitée, sur-tout dans les travaux sur les eaux minérales, n’est point démonstrative.

La théorie commune, sur la maniere d’être du principe sulphureux dans les eaux minérales soufrées, enseigne que ce principe y est contenu sous la forme de foie de soufre : cette théorie est fausse.

Acides du soufre : l’acide que fournit le soufre consumé par une flamme violente, est du pur acide vitriolique. Voyez Vitriolique acide. Le meilleur appareil que les chimistes aient trouvé jusqu’à présent, pour retirer cet acide, c’est de placer sur un feu vif de charbon, une petite écuelle pleine de soufre, qui s’enflamme bientôt, & deflagre vivement, & de tenir suspendue sur cette écuelle une large cloche de verre, peu elevée au-dessus du sol qui porte le soufre brulant ; cette cloche perfectionnée par les chimistes modernes, porte en-dedans, & à sa partie inférieure, c’est-à-dire à son ouverture, une gouttiere qui s’ouvre en-dehors par un bec ; les vapeurs du soufre brulant étant condensées dans l’intérieur de cette cloche, coulent en petits filets presque insensibles dans la gouttiere, s’y ramassent, & sont versés au-dehors, par le bec, dans un vaisseau convenable qui y est adapté. Cette opération réussit mieux lorsqu’on la fait dans un air humide. Je ne sais quel chimiste moderne a imaginé de disposer autour de cet appareil, un éolipyle, de maniere qu’il soufflât continuellement dans l’intérieur de la cloche une vapeur aqueuse ; de quelque maniere qu’on s’y prenne, du moins dans le procedé connu jusqu’à présent, on obtient très-peu d’acide vitriolique du soufre ; cet acide est connu dans l’art sous le nom d’esprit de soufre par la cloche, spiritus sulphuris per campanam ; & sous celui d’huile de soufre, si on a concentré cet esprit par la rectification. Ces opérations s’exécutent à peine dans les laboratoires des chimistes instruits ; du moins dans la vue d’avoir un acide particulier, soit comme instrument chimique, soit comme médicament ; & ce n’est point assurément une fraude réelle que de substituer l’esprit de vitriol à l’esprit de soufre, demandé encore quelquefois dans les ordonnances des médecins.

L’esprit sulphureux volatil est encore plus difficile à retenir que l’acide dont nous venons de parler ; c’est encore un présent que Stahl a fait à la chimie, que