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SOROCK, (Géog. mod.) petite ville de la Turquie européenne, dans la Moldavie sur le Niester ou Turla, avec un château pour défense. Les Polonois en sont les maîtres. (D. J.)

SOROGA, (Géogr. anc.) ville de la haute Pannonie, & une de celles qui étoient éloignées du Danube, selon Ptolomée, l. II. c. xv. Lazius croit que c’est aujourd’hui Sagrabia. (D. J.)

SORON, (Géogr. anc.) bois du Péloponnèse dans l’Arcadie, entre le Ladon & le Psophis. Quand vous avez passé le Ladon, dit Pausanias, l. III. c. xxiij. vous prenez par les villages des Argéathes, des Lycoates, des Scotines, & vous arrivez au bois de Soron, où il y a un chemin qui vous mene à Psophis. Ce bois commence toutes les autres forêts de l’Arcadie, nourrit des sangliers, des ours & des tortues, dont on peut faire des lyres aussi belles que celles qui se font des tortues des Indes. Vers la fin du bois de Soron, on voyoit les ruines d’un ancien village, que l’on nommoit Paüs. (D. J.)

SORORES, (Geog. anc.) Strabon, liv. XVI. pag. 749. dit qu’on donnoit ce nom à ces quatre villes, Antioche près de Daphné, Seleucie dans la Piérie, Apamée & Laodicée, à cause de leur amitié & de leur concorde. (D. J.)

SORP, (Géog. mod.) fontaine de France en Provence, au diocese de Riez, & dans le territoire de Baudun. Cette fontaine est si considérable, que dans sa source même, on la divise en dix canaux, qui font moudre dix moulins différens. (D. J.)

SORRAT, s. m. (Hist. nat. Botan.) maltha ; poisson du genre des chiens de mer. Il a les dents larges comme celles de la lamie, & le museau court. Il ressemble au milandre par le nombre & la position des nageoires, par la queue & par les parties intérieures ; mais il n’a pas de taie devant les yeux. La chair du sorrat est molle & laxative. Rondelet, Hist. nat. des poissons, premiere partie, liv. XIII. Voyez Milandre, Poisson.

SORRENTO, (Géog. mod.) en latin Surrentum ; ville d’Italie ; au royaume de Naples dans la terre de labour, à l’extrémité du golfe de Naples, & à 4 lieues à l’ouest d’Amalfi. Long. 31. 50. lat. 40. 38.

Cette ville est décorée d’un archevêché ; mais elle tire sa principale gloire d’être la patrie du Tasse, Tasso Torquato.

A ce que j’ai déja dit de ce beau génie, en parlant du poëme épique, je vais joindre ici d’autres particularités.

L’amour de la poésie entraîna tellement le Tasse, malgré les conseils de son pere, qu’il publia à l’âge de 17 ans son poëme de Rénaud, Il Rinaldo, qui parut à Vénise en 1562, in-4°. Il avoit lu le Roland furieux de l’Arioste, & s’étoit senti piqué d’une grande émulation pour ce poëte, par qui sa réputation fut si long tems balancée, & qui lui est encore préféré par un grand nombre de beaux esprits d’Italie. Comme l’Arioste avoit adressé son poëme à un cardinal d’Est, le Tasse voulut à l’envi se choisir un patron du même nom & de la même qualité ; en un mot, débuter par un nom célebre, & par les éloges d’une maison capable de soutenir sa muse naissante. Mais pour adoucir le chagrin que cette résolution donneroit à son pere, il tâcha de se le rendre favorable par deux strophes qui finissent son poëme, dans lesquelles, parlant à son ouvrage, il lui ordonne d’aller se soumettre à sa censure, en des termes aussi fins & aussi délicats, que pleins de respect, de reconnoissance & de tendresse. Ce poëme lui acquit l’estime des savans & des académies d’Italie. Les louanges qu’on lui adressa de toutes parts, l’ambition d’être mis au-dessus de ses concurrens, & son goût invincible pour la poésie, lui firent abandonner la jurisprudence, malgré la médiocrité de sa fortune, &

tous les efforts de ce même pere pour l’arracher à un penchant naturel, qui ne produit d’ordinaire qu’une magnifique fumée.

A l’âge de 27 ans il suivit en France le cardinal d’Est, & fut reçu du roi Charles IX. disent les historiens d’Italie, avec une bienveuillance singuliere. On n’en peut pas donner, ajoutent-ils, une preuve plus forte que ce qui se passa à l’occasion d’un homme de lettres qui avoit été condamné à mort. C’étoit un poëte de quelque réputation ; il étoit malheureusement tombé dans un crime énorme. Le Tasse, tant en faveur des muses, que par compassion, résolut d’aller demander sa grace au roi. Il se rendit au Louvre ; mais il apprit en arrivant que le roi venoit d’ordonner que la sentence fût exécutée en peu de jours, & qu’il avoit déclaré là-dessus sa volonté. Cette déclaration d’un prince qui ne revenoit guere de ses résolutions, n’étonna point le Tasse. Il se présenta au roi avec un visage ouvert : « Sire, lui dit-il, je viens supplier votre majesté, de laisser périr par les lois un malheureux, qui a fait voir par sa chute scandaleuse, que la fragilité humaine met à bout tous les enseignemens de la philosophie ». Le roi frappé de cette réflexion du Tasse, & de cette maniere de demander grace, lui accorda la vie du criminel. C’est dommage que les historiens françois n’ayent point confirmé cette anecdote italienne.

Le Tasse de retour à Ferrare en 1573, donna l’Aminte, qui fut représentée avec un grand succès. Cette pastorale est l’original du Berger fidele & de la Philis de Sciros. On fut enchanté de la nouveauté du spectacle, & de ce mélange de bergers, de héros & de divinités qu’on n’avoit pas vu encore ensemble sur le théâtre. Il parut aux yeux des spectateurs comme un tableau brillant, où l’imagination & la main d’un grand peintre exposoient en même tems dans un beau paysage la grandeur héroïque, & la douceur de la vie champêtre. L’auteur s’étoit dépeint lui-même dans ce poëme, sous la personne de Tircis, & s’y montroit dans cet état tranquille où l’avoit mis la protection du duc de Ferrare, & dans cet heureux loisir qu’il consacroit aux muses. On y voyoit le portrait du duc & de sa cour touché d’une maniere aussi fine que spirituelle : tout cela étoit rehaussé par l’odieuse peinture de Mopse, sous le nom duquelle Tasse désigne un de ses envieux. On prétend encore qu’il y a décrit l’amour dont il brûloit en secret pour la princesse Léonore sœur du duc, passion qu’il a toujours cachée avec beaucoup de soin.

Quoi qu’il en soit, cette pastorale est d’une grande beauté. L’auteur y a scrupuleusement observé les regles prescrites par Aristote sur l’unité du lieu, & sur celle des caracteres. Enfin il a su soutenir l’intérêt de sa piece en ménageant dans son sujet des situations intéressantes. On peut cependant lui reprocher quelquefois de la sécheresse, & sur-tout ce nombre de récits consécutifs, qui ne donnant rien à la représentation, laissent sans occupation un des principaux sens, par l’organe duquel les hommes sont plus facilement touchés. Le pere Bouhours condamne avec raison la Silvie du Tasse, qui en se mirant dans une fontaine, & en se mettant des fleurs, leur dit qu’elle ne les porte pas pour se parer, mais pour leur faire honte. Cette pensée n’est point naturelle à une bergere. Les fleurs sont les ajustemens qu’elle emprunte de la nature, elle s’en met lorsquelle veut être plus propre & plus parée qu’à l’ordinaire, & elle est bien éloignée de songer qu’elle puisse leur faire honte.

L’Aminte fut imprimée pour la premiere fois en 1581, avec les Rimes du Tasse, à Venise, par Alde le jeune, in-8°. & dans les autres recueils des œuvres de l’auteur, qui parurent aussi à Venise les années suivantes en 1582 & 1583. Depuis il s’en est fait plusieurs éditions séparément. Ménage en donna une