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SERMOLOGUE, s. m. (Hist. ecclés.) nom qu’on donnoit anciennement à un livre ecclésiastique ou recueil de sermons & homélies des papes ou d’autres personnages éminens en science & en piété, & qu’on lisoit autrefois aux fêtes des confesseurs, de la Toussaints, de la purification, & tous les jours depuis Noël jusqu’à l’octave de l’Epiphanie. Voyez Homélie.

SERMON, s. m. (Gram.) discours chrétien prononcé on chaire, dans une église, pour instruire & édifier les fideles.

Sermon de J. C. (Critique sacrée.) c’est ainsi qu’on nomme le discours que J. C. tint sur la montagne à ses apôtres, & qui se trouve dans S. Matthieu, chap. v. vj. vij. Il importe de nous étendre plus que de coutume sur ce discours de notre Seigneur, parce qu’il renferme plusieurs préceptes qui paroissent impraticables, à cause des conséquences qui en résultent nécessairement. Par exemple, J. C. dit : « Ne résistez point à celui qui vous fait du mal ; au contraire si quelqu’un vous frappe à la joue droite, présentez-lui aussi l’autre joue », chap. v. v. 39. C’est interdire la défense, qui est du droit naturel de tous les hommes, sans quoi ils ne sauroient se conserver. De même : « Si quelqu’un vous veut faire un procès pour avoir votre robe, laissez-lui aussi votre manteau ». Qu’on pratique ce précepte, & les gens de bien seront exposés à toutes les injures des méchans ; on les frappera, & on se moquera de leur patience, qui les exposera à de nouvelles injures, & au mépris. On les dépouillera de leur bien, & on les réduira eux & les leurs à la mendicité. Encore : « Ne vous amassez point des trésors sur la terre, où les vers & la rouille les consument, chap. vj. v. 19 ». Est-il donc défendu à un chrétien de profiter des bénédictions du ciel, de l’héritage de ses ancêtres, & du succès de son travail ? Ne peut-il rien amasser pour l’avenir, ni prévenir les revers de l’adversité ? Faudra-t-il qu’il vive au jour la journée, pendant qu’il peut très-innocemment se mettre à l’abri de la disette, & amasser de quoi subsister, lorsque l’âge ou la maladie le mettront hors d’état de travailler ? J. C. dit de même : « Ne vous mettez point en peine de ce qui regarde votre vie, de ce que vous mangerez, de ce que vous boirez, & à l’égard de votre corps de quoi vous vous habillerez, chap. v. v. 25 ». Sur quoi le seigneur propose à ses disciples, l’exemple des oiseaux de l’air, qui ne sement ni ne moissonnent, & qui n’amassent rien dans les greniers : & celui des lis des campagnes, qui ne travaillent ni ne filent, & que Dieu prend soin de vêtir. Il defend aussi d’avoir aucun souci pour le lendemain, parce que le lendemain aura soin de ce qui le regarde, ibid. v. 31. 33. Il veut enfin que ses disciples demandent les choses qui leur sont nécessaires, assurés que Dieu les leur donnera, chap. vij. v. 7. & suiv.

Pour accorder ces préceptes de J. C. avec la prudence & la justice, les interpretes ont cherché des explications ; ils ont limité les expressions générales du Sauveur ; ils y ont apposé des conditions. Quelques-uns ont cru que l’évangéliste avoit obmis quelques paroles de J. C. qui auroient servi à entendre ses commandemens, & à prévenir les mauvaises conséquences qui en résulteroient, si les Chrétiens les observoient à la rigueur ; d’autres ont imaginé des conseils évangéliques, c’est-à-dire, des conseils de perfection, qu’on n’est pas obligé de pratiquer pour être sauvé ; mais qui donnent à ceux qui les observent, un mérite supérieur aux autres, & des degrés de gloire dans le ciel. C’est une mauvaise défaite : tout est précepte, commandement ; & si bien commandement, que notre Seigneur finit son sermon sur la montagne, par la comparaison d’un homme prudent, qui bâtit sa maison sur le roc ; c’est celui qui

observe les commandemens qu’il vient de donner, & d’un homme insensé qui bâtit sa maison sur le sable, chap. vij. v. 24. & suiv.

Cependant, comme on convient que si les Chrétiens vouloient observer plusieurs de ces commandemens de J. C. la société seroit bien-tôt renversée ; les gens de bien en proie à la violence des méchans ; le fidele exposé à mourir de faim, parce qu’il n’auroit rien épargné dans sa prospérité, pour se nourrir & se vétir dans l’adversité : en un mot, tout le monde avoue que les préceptes de N. S. ne sont pas incompatibles avec la sûreté & la tranquillité publiques. voilà ce qui a obligé les interpretes à recourir à des restrictions, à des modifications, à des paroles sous-entendues ; mais tout cela n’est pas nécessaire, & nous paroît trop recherché : un législateur qui donne des préceptes, doit s’expliquer clairement ; les paradoxes ne conviennent point dans les lois ; chacun y apporteroit des restrictions & des modifications à son gré.

Ce qui a jetté les interpretes dans l’erreur, c’est qu’ils ont cru que les préceptes du Seigneur dans ces trois chapitres, regardoient tous les Chrétiens ; au lieu qu’ils devoient prendre garde, qu’encore qu’il y en ait beaucoup qui soient communs à tous les Chrétiens, il y en a beaucoup d’autres qui sont particuliers aux apôtres du Seigneur, & qui leur ont été donnés pour l’exercice du ministere dont ils furent revétus. C’est ce que l’on verra, si l’on fait attention au récit de S. Luc. qui rapporte en abrégé le sermon de J. C. sur la montagne. Consultons-le ; cet évangéliste nous raconte, chap. vj. v. 12. & suivans, que J. C. ayant passé la nuit en prieres sur une montagne, lorsqu’il sut jour, appella ses disciples, c’est-à-dire, tous ceux qui faisoient profession de croire en lui ; & qu’alors il en choisit douze, qu’il nomma ses apôtres. Après cela il descendit dans la plaine avec ceux qu’il venoit de se choisir, & guérit un grand nombre de malades. Ensuite il monta sur le penchant de la montagne, s’y assit, & ses disciples s’approcherent de lui, Matth. c. v. v. j. Ce sont donc ici les disciples auxquels il avoit conféré l’apostolat : alors jettant les yeux sur eux, il leur dit ; ce sont les paroles de S. Luc, chap. vj. v. 20. C’est donc à eux qu’il s’adresse, & non en général à toute la troupe, qui étoit au-bas de la montagne. Il vient de leur confier une charge ; il leur donne ses instructions ; rien de plus clair & de plus simple.

Il ne faut après cela que considérer divers endroits du sermon de J. C. pour voir que c’est à ses apôtres qu’il parle : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumiere du monde, la ville assise sur une montagne, Matth. c. v. v. 13. 14 ». Tout cela convient, non en général aux chrétiens, mais aux apôtres de J. C. destinés par leur ministere à préserver le monde du vice, & à prévenir les jugemens de Dieu sur les hommes, en procurant la conversion des pécheurs. Ils étoient la lumiere du monde par la prédication de l’Evangile ; ils étoient la ville assise sur une montagne, pour servir de modele & de spectacle à l’univers ; ils étoient la lampe qui devoit éclairer tous ceux qui sont dans la maison, savoir dans l’Eglise de Dieu. Il les avertit qu’il n’est point venu abolir la loi ou les prophetes, mais les accomplir, ibid. v. 19. C’est une instruction dont ils avoient grand besoin dans leur ministere. Il leur parle des peines & des récompenses, non-seulement de ceux qui auront observé ou violé la loi, ce qui ne regarde que les particuliers ; mais aussi de ceux qui auront enseigné aux hommes à la violer, ou à l’observer, ibid.

Le Seigneur dit encore à ses mêmes disciples : « Cherchez premierement le royaume de Dieu & sa justice, & les autres choses vous seront accordées par-dessus, ibid. chap. vj. v. 33 ». On peut donner