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tems d’exiger le serment de chaque soldat en particulier, le consul montoit au capitole, & de-là levant deux étendards, l’un de couleur de rose pour l’infanterie, l’autre bleu pour la cavalerie, il s’écrioit : Quiconque veut le salut de la république, qu’il me suive. Les Romains alors se rangeoient sous le drapeau, tous juroient ensemble d’être fideles, & s’obligeoient au service que la république attendoit d’eux.

Le troisieme engagement se faisoit lorsque les magistrats dépêchoient en divers lieux des hommes de choix, avec pouvoir de lever des troupes pour les besoins de la république. Cette troisieme maniere de s’engager s’appelloit evocatio.

Outre le serment qu’on prêtoit dans ces trois manieres de s’engager, les tribuns exigeoient le serment particulier de tous les soldats de ne rien prendre pour eux, mais de porter tout ce qu’ils trouveroient, à la tente du général.

Plutarque nous apprend qu’il n’étoit permis à aucun soldat de tuer ou de frapper l’ennemi avant que d’avoir fait le serment militaire, ou après avoir obtenu son congé. (D. J.)

Serment, (Gramm. & Jurisprud.) est une invocation que l’on fait de quelque chose de saint, pour attester d’une maniere plus forte ce que l’on dit, ou pour s’obliger plus efficacement d’observer quelque chose.

Les plus anciens exemples que l’on trouve de sermens, sont ceux d’Abraham au roi de Sodome, & au roi Abimelech, celui d’Elieser à Abraham, & celui de Jacob à Laban.

Le serment devroit être une cérémonie superflue, si tous les hommes étoient bien persuadés que l’on ne doit jamais s’écarter de la vérité ni de son devoir ; mais comme on a malheureusement reconnu qu’il n’y en a que trop qui s’en écartent, on a introduit l’appareil du serment, dans la vûe de contenir par-là ceux qui seroient disposés à s’oublier.

Anciennement en France on employoit en toute occasion la formalité du serment, comme dans les contrats & autres affaires civiles.

Au concile de Clermont en 1095, il fut ordonné que tout homme au-dessus de douze ans jureroit de garder les articles donnés aux gens de guerre par l’archevêque de Bourges entre les mains de son évêque, & que l’on ne seroit reçu à la foi d’aucun fief sans renouveller son serment. C’est ainsi que les juges d’église commencerent à s’attribuer la connoissance de toutes sortes d’affaires temporelles, même entre les laïques, sous prétexte que la foi du serment avoit été violée.

En quelques endroits les nobles prétendoient n’être point assujettis à la formalité du serment comme les roturiers, & que leur parole suffisoit. On en trouve un exemple au terrier de Chassagne, où Gilles d’Arlos reconnut en 1358 une vigne, promettant de bonne foi, & sans faire aucun serment, suivant (est-il dit) la coutume des nobles, de déclarer les sens & servis lorsqu’il verroit le contrat qu’il n’avoit pas.

Présentement toutes personnes sont obligées de prêter serment quand le cas y échet, excepté le roi, qui prête serment à son sacre.

La reine ne prête pas non plus de serment en justice. Lorsque la reine femme de Charles VII. fut interrogée par le chancelier Juvenal des Ursins, pour l’information que l’on fit sur les calomnies répandues contre la dauphine qui venoit de mourir ; elle ne fit point de serment.

Lorsque les princes du sang sont dans le cas de prêter serment en justice, c’est-à-dire de faire une affirmation, ils la font en l’hôtel du juge.

Les évêques jouissent aussi de cette prérogative.

Le serment est ou déféré d’office par le juge, ou

déféré par la partie, & ordonné par le juge Voyez Serment supplétif, & Serment dévisoire.

On prête aussi serment de dire vérité, avant de subir interrogatoire. Voyez Interrogatoire.

Lorsqu’on est reçu dans un office ou fonction publique, on prête serment. Voyez Office, Réception.

La forme de prêter le serment pour les laïcs, est de lever la main droite, laquelle doit être nue & non gantée. Une personne étant incommodée de la main droite, on lui fit lever la main gauche. Les ecclésiastiques qui sont dans les ordres sacrés, mettent la main ad pectus.

Lorsque celui qui doit faire une affirmation est incommodé ou absent, ou qu’il est retenu par quelque autre empêchement, il peut donner procuration à un tiers d’affirmer pour lui. Voyez Affirmation. Voyez au digeste le titre de jure-jurando ; Despeisses, tome II. p. 527 & suiv. (A)

Serment d’allegeance est un serment usité en Angleterre, par lequel on condamne & on abjure l’opinion de ceux qui admettent une puissance supérieure au roi, de quelque nature qu’elle soit. Hist. des révolut. d’Anglet. tome III. liv. II. p. 409.

Serment par l’ame. Louis VIII. jura en 1209 une convention par l’ame de son pere vivant, pour lequel il stipuloit. Lettres hist. sur le parlement, tome II. p. 100.

Serment de calomnie, juramentum calumniæ, étoit un serment que les plaideurs prêtoient chez les romains, pour attester à la justice qu’ils agissoient de bonne foi, & qu’ils croyoient être bien fondés l’un dans sa demande, l’autre dans sa défense.

Celui qui refusoit de prêter serment, perdoit sa cause.

Ce serment a été reçu par le droit canonique, comme on le voit, liv. II. des decrets, tit. vij.

Il s’étoit en conséquence introduit dans le royaume, & il y a quelques anciennes ordonnances qui prescrivent tant au demandeur qu’au défendeur, de le faire sur les saints évangiles.

Mais il y a long-tems que l’usage en est aboli ; on a craint sans doute que cette formalité ne fît faire beaucoup de parjures.

La seule chose qui soit restée de cet usage, est le serment que les avocats & procureurs prêtent à leur réception, & qu’ils réiterent chaque année, même dans quelques tribunaux, deux fois l’an : on le leur faisoit autrefois prêter au commencement de chaque cause ; mais comme cela prenoit trop de tems, on s’est contenté de leur faire prêter ce serment à leur réception, & à chaque rentrée du siége. Voyez au digeste, liv. XII. titre ij. liv. XXII. titre iij. liv. XXV. §. 3. & liv. XXXIX. titre j ; liv. V. §. 4. & titre ij ; liv. XIII. §. 3 & 13.

Serment corporel. On appelloit ainsi celui qui se fait dans la foi & hommage simple par le vassal en levant la main, à la différence de celui que le vassal lige fait en touchant les évangiles. Voyez les articles 137 & 138 de la coutume d’Anjou ; & les 148, 149 & 150 de la coutume du Maine.

Serment décisoire est celui qui est prêté en justice après avoir été déféré par une partie à l’autre.

On l’appelle décisoire, parce qu’il décide la contestation sans retour. Celui auquel sa partie adverse défere le serment, est constitué juge dans sa propre cause.

Ce serment a tant de force, qu’après qu’il est prêté on n’est plus recevable à faire retracter le jugement qui a été rendu en conséquence.

On peut seulement révoquer le consentement que l’on a donné pour déférer le serment, les choses étant encore entieres.

Pour ce qui est du serment déféré d’office par le