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qu’il y a entre les voies semble venir de la diversité des manieres dont on peut voyager ; on va à Rouen ou par la voie de l’eau, ou par la voie de terre. Les chemins paroissent différer entre eux par la diversité de leur situation, & de leurs contours ; on suit le chemin pavé ou le chemin de terre.

Dans le sens figuré la bonne route conduit surement au but ; la bonne voie y mene avec honneur, le bon chemin y mene facilement.

On se sert aussi des mots de route & de chemin pour désigner la marche ; avec cette différence, que le premier ne regardant alors que la marche en elle-même, s’emploie dans un sens absolu & général, sans admettre aucune idée de mesure ni de quantité ; ainsi l’on dit simplement être en route & faire route ; au-lieu que le second ayant non-seulement rapport à la marche, mais encore à l’arrivée qui en est le but, s’emploie dans un sens relatif à une idée de quantité marquée par un terme exprès, ou indiquée par la valeur de celui qui lui est joint, de-sorte que l’on dit, faire peu ou beaucoup de chemin, avancer chemin. Quant au mot devoie, s’il n’est en aucune façon d’usage pour designer la marche, il l’est en revanche pour désigner la voiture ou la façon dont on fait cette marche ; ainsi l’on dit d’un voyageur, qu’il va par la voie de la poste, par la voie du coche, par la voie du messager ; mais cette idée est tout-à-fait étrangere aux deux autres, & tire par conséquent celui-ci hors du rang de leurs synonymes à cet égard ; enfin le mot de voie est consacré aux grands chemins de l’empire romain ; on dit la voie appienne, flaminienne, laurentie, ardéatine, triomphale, &c. (D. J.)

Route, via, (Histoire.) est un passage ouvert, & formé pour la commodité de la communication d’un lieu à un autre. Voyez Chemin.

Les Romains sont de tous les peuples celui qui s’est donné le plus de soins pour faire de belles routes. C’est une chose presque incroyable que les peines qu’ils ont prises & les dépenses qu’ils ont faites pour avoir des chemins vastes, droits, & commodes, depuis une extrémité de l’empire jusqu’à l’autre. Voyez l’histoire des grands-chemins de l’empire par Bergier.

Pour y parvenir ils commençoient par durcir le sol en l’enfonçant, ils y mettoient ensuite une couche de cailloux & de sable ; quelquefois ils le garnissoient d’une couche de maçonnerie composée de blocailles, de briques, de moilons pilés & unis ensemble avec du mortier.

Le pere Menestrier remarque, que dans quelques endroits du Lyonnois, il a trouvé de grands an as de cailloux cimentés & unis avec de la chaux, jusqu’à la profondeur de dix ou douze piés, & formant une masse aussi dure & aussi compacte que le marbre même ; que cette masse après avoir resisté 1600 ans aux injures du tems, cede à peine encore aujourd’hui aux plus grands efforts du marteau ou du hoyau ; & que cependant les cailloux dont elle est composée ne sont pas plus gros que des œufs.

Quelquefois les chemins étoient pavés régulierement avec de grandes pierres de taille quarrées ; telles étoient les voies appienne & flaminienne. Voyez Paver.

Les chemins pavés de pierres très-dures étoient appellées ordinairement viæ ferreæ, soit parce que les pierres ressembloient au fer, soit parce qu’elles resistoient aux fers des chevaux, au fer des roues & des chariots, &c.

Les routes sont naturelles ou artificielles, par terre ou par eau, publiques ou particulieres.

Route naturelle, est celle qui a été fréquentée durant un long espace de tems, & que sa seule disposition donne moyen de conserver avec peu de dépense.

Route artificielle, est celle qui est faite par le travail des hommes, & composée soit de terre, soit de maçonnerie, & pour laquelle il a fallu surmonter des difficultés ; telles sont la plûpart des routes qui sont sur le bord des fleuves, ou qui passent à-travers des lacs, des marais, &c.

Routes par terre ou routes terrestres, sont celles qui non-seulement sont faites sur la terre, mais qui sont formées de terre amassée ou haussée en forme de levée, soutenue par des éperons, des arcs-boutans & des contre-forts.

Les routes par eau sont aussi ou naturelles ou artificielles. Les naturelles sont les rivieres, les lacs, la mer, qu’on cotoye, qu’on parcourt ou qu’on traverse pour aller d’un lieu ou d’un pays dans un autre ; les artificielles sont les canaux creusés de main d’homme, comme ceux de Hollande, & les navilles en Italie ; en France ceux du Languedoc, de Briare, de Montargis ou de Loire.

Les routes publiques sont les grands chemins ; & l’on entend par routes particulieres, ou celles qui sont de traverse, ou celles qui aboutissent aux grands chemins, & s’étendent à droite & à gauche dans les campagnes.

Sanson & Ogilby ont fait des cartes des routes de France & d’Angleterre.

Quelques personnes se servent du mot de route, pour signifier un sentier percé à-travers un bois, & reservent le mot de chemin pour les grandes routes. Voyez Chemin.

Route publique ou grande route, est une route commune à tout le monde, soit droite ou courbée, soit militaire ou royale : route particuliere est celle qui est destinée pour la commodité de quelque maison particuliere.

Les routes militaires, ainsi appellées parmi les Romains, étoient de grandes routes destinées aux marches des armées qu’on envoyoit dans les provinces de l’Empire pour secourir les alliés. Voyez Chemin.

Doubles routes, étoient chez les Romains des routes destinées au transport des différentes matieres : elles avoient deux parties ou chemins différens ; l’une pour ceux qui alloient par un chemin, l’autre pour ceux qui revenoient par un autre : les doubles routes étoient destinées à empêcher l’embarras, le choc des voitures & la confusion.

Les deux parties de ces routes étoient séparées l’une de l’autre par une espece de parapet élevé entre deux ; ce parapet étoit pavé de briques, & servoit aux gens de pié : il avoit des especes de bords, & il étoit garni de degrés d’espace en espace, & de colonnes pour marquer les distances. Telle étoit la route de Rome à Ostie, appellée via porticensis.

Route souterraine, est une route creusée dans le roc, à coup de ciseau, & voûtée. Telle est la route de Pouzzoles près de Naples, qui a près d’une demi-lieue de long, environ 15 piés de large & autant de haut.

Strabon dit que cette route fut faite par un certain Cocceius, sous le regne de l’empereur Nerva ; mais elle a depuis été élargie par Alphonse, roi d’Arragon & de Naples, & les vicerois l’ont rendue droite. Il y a une autre route semblable dans le même royaume, entre Baies & Cumes, on l’appelle la grotte de Virgile, parce que ce poëte en parle dans le sixieme livre de l’Eneide. Voyez Grotte. (G)

Route, en terme de navigation. Voyez Navigation, Rhumb, Loxodromie, Cabotage, &c.

Route, (Marine.) c’est le chemin que tient le vaisseau ; on dit à la route, lorsqu’on commande au timonnier de gouverner à l’air de vent qu’on lui a marqué.

On dit encore, porter à route, quand on court en droiture à l’endroit où l’on doit aller sans relâcher & sans dérive.