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cent à goûter les médailles, la beauté & le prix de ces revers, il faut savoir qu’il y en a de plusieurs sortes. Les uns sont chargés de figures ou de personnages ; les autres de monumens publics ou de simples inscriptions ; je parle du champ de la médaille, pour ne pas confondre ces inscriptions avec celles qui sont autour, que nous distinguerons par le nom de légende. Voyez Légende & Inscription.

Les noms des monnétaires, dont nous avons un fort grand nombre, se trouvent sur plusieurs médailles ; on peut y joindre tous les duumvirs des colonies. Les autres magistratures se rencontrent plus souvent dans les consulaires que dans les impériales.

Quelquefois il n’y a que le nom des villes ou des peuples, Segobriga, Cæsar-Augusta, Obuleo, Κοινὸν Κυπρίων, &c.

Quelquefois le seul nom de l’empereur, comme Constantinus Aug. Constantinus Cæsar, Constantinus Nob. Cæsar, &c. ou même le seul mot Augustus.

Quant aux revers chargés de figures ou de personnages, le nombre, l’action, le sujet les rendent plus ou moins précieux ; car pour les médailles dont le revers ne porte qu’une seule figure qui représente ou quelque vertu, par laquelle la personne s’est rendue recommandable, ou quelque déité qu’elle a plus particulierement honorée : si d’ailleurs la tête n’est pas rare, elles doivent être mises au nombre des médailles communes, parce qu’elles n’ont rien d’historique qui mérite d’être recherché.

Il faut bien distinguer ici la simple figure dont nous parlons, d’avec les têtes ou des enfans, ou des femmes, ou des collegues de l’empire, ou des rois alliés : c’est une regle générale chez tous les connoisseurs que les médailles à deux têtes sont presque toujours rares, comme Auguste au revers de Jules, Vespasien au revers de Tite, Antonin au revers de Faustine, M. Aurele au revers de Verus, &c. d’où il est aisé d’inférer que quand il y a plus de deux têtes, la médaille en est encore plus rare. Tel est Sévere au revers de ces deux fils Jéta & Caracalla, Philippe au revers de son fils & de sa femme, Adrien au revers de Trajan, de Plautine. Le P. Jobert ajoute la médaille de Néron au revers d’Octavie ; mais cette médaille ne doit pas être mise au nombre des plus rares ; c’est uniquement la tête de cette princesse qui rend la médaille curieuse.

Les médailles qui ont la même tête & la même légende des deux côtés, ne sont pas aussi de la premiere rareté. M. Vaillant en rapporte une d’argent d’Otacille. Elles sont plus communes en moyen-bronze, sur-tout dans Trajan & dans Adrien.

Il est donc vrai généralement que plus les revers ont des figures, & plus ils sont à estimer, particulierement quand ils marquent quelque action mémorable. Par exemple, la médaille de Trajan, Regna Adsignata, où il paroît trois rois au pié d’un théatre, sur lequel on voit l’empereur qui leur donne le diadème. Le congiaire de Nerva à cinq figures, Congiar. P. R. S. C. une allocution de Trajan, où il y a sept figures ; une d’Adrien au peuple, où il y en a huit sans légende ; une autre aux soldats, où il y en a dix ; un médaille de Faustine, Puellæ Faustinianæ, qui se trouve en or & en argent, mais qui est également rare en ces deux métaux. Dans la médaille d’argent, il y a seulement six figures ; & dans celle d’or, il y en a douze ou treize.

Les monumens publics donnent assurément au revers des médailles une beauté particuliere, sur-tout quand ils marquent quelques événemens historiques. Telle est la médaille de Néron, qui présente le temple de Janus fermé, & pour légende, Pace P. R. Terrâ Marique Partâ, Janum clusit. Telle est encore une médaille très-rare, citée par M. Vaillant, dans la-

quelle, avec la légende Pace P. R. &c. on trouve au

lieu du temple de Janus Rome assise sur un tas de dépouilles des ennemis, tenant une couronne de la main droite, & le parazonium de la gauche. Mettons au nombre de ces beaux monumens l’amphithéatre de Tite, la colonne navale, le temple qui fut bâti, Romæ & Augusto, les trophées de M. Aurele & de Commode, qui sont les premiers connus par les curieux.

Les animaux différens qui se rencontrent sur les revers en augmentent aussi le mérite, sur-tout quand ce sont des animaux extraordinaires. Tels sont ceux que l’on faisoit venir à Rome des pays étrangers pour le divertissement du peuple dans les jeux publics, & particulierement aux jeux séculaires, ou ceux qui représentent les enseignes des légions qu’on distinguoit par des animaux différens. Ainsi voyons-nous les légions de Gallien, les unes avec un porc-épic, les autres avec un ibis, avec le pégase, &c. & dans les médailles de Philippe, d’Otacille, de leur fils, Sæculares Augg. les revers portent la figure des animaux qu’ils firent paroître aux jeux séculaires, dont la célébration tomba sous le regne de Philippe, & dans lesquels ce prince voulut étaler toute sa magnificence, afin de regagner l’esprit du peuple que la mort de Gordien avoit extrèmement aigri. Jamais l’on n’en vit de tant de sortes : un rhinocéros, trente-deux éléphans, dix tigres, dix élans, soixante lions apprivoisés, trente léopards, vingt hyenes, un hippopotame, quarante chevaux sauvages, vingt archoléons, & dix camélopardales. On voit la figure de quelques-uns sur les médailles du pere, de la mere & du fils, & entr autres de l’hippopotame & du strepsikéros envoyé d’Afrique.

Il est bon de savoir que quand les spectacles devoient durer plusieurs jours, on n’exposoit chaque jour aux yeux du public, qu’un certain nombre de ces animaux, pour rendre toujours la fête nouvelle ; & qu’on avoit soin de marquer sur les médailles la date du jour où ces animaux paroissoient. Cela sert à expliquer les chiffres I. II. III. IV. V. VI. qui se trouvent sur les médailles de Philippe, de sa femme & de son fils. Ils nous apprennent que tels animaux parurent le premier, le second, le troisieme ou le quatrieme jour.

On voit des éléphans bardés dans Tite, dans Antonin Pie, dans Sévere, & dans quelques autres empereurs, qui en avoient fait venir pour embellir les spectacles qu’ils donnoient au peuple. Au reste tout ce qu’on peut dire sur les éléphans représentés au revers des médailles, se trouve réuni dans l’ouvrage posthume du célebre M. Cuper, intitulé Gisberti Cuperi… de elephantis in nummis obviis exercitationes duæ, & publié dans le troisieme volume des antiquités romaines de Sallengre. Hag. Com. 1719.

On rencontre aussi quelques autres animaux plus rares, témoin le phénix dans les médailles de Constantin & de ses enfans, à l’exemple des princes & des princesses du haut empire, pour marquer par cet oiseau immortel, ou l’éternité de l’empire, ou l’éternité du bonheur des princes mis au nombre des dieux immortels. Mademoiselle Patin a donné sur ce sujet une belle dissertation latine, qui fait honneur au pere & à la fille. Il y a dans le cabinet du roi de France une médaille greque apportée d’Egypte, où l’on voit d’un côté la tête d’Antonin Pie, & au revers un phénix avec la légende Αἰὼν, Æternitas, pour apprendre que la mémoire d’un si bon prince ne mourroit jamais.

Mais parmi les médailles qui ont des oiseaux à leurs revers, il n’y en a guere de plus curieuses que celles en petit bronze du même Antonin & d’Adrien. La médaille d’Adrien représente un aigle, un paon, & un hibou sur la même ligne, avec la simple légende