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quelques-unes de ses parties interceptées ou réfléchies par les particules solides du milieu ; celles de ses parties qui échappent & pénétrent continuent leur route avec la totalité primitive de leur mouvement.

Telles sont les difficultés qui se présentent d’abord contre l’explication de Descartes & de ses sectateurs. Voyez sur ce sujet les mém. de l’académie 1739. Mais on peut en trouver encore d’autres en approfondissant de nouveau cette matiere. Quelque absurdité qu’il paroisse y avoir, à supposer que les milieux les plus denses sont ceux qui résistent le moins à la lumiere, les Cartésiens se sont toujours tenus retranchés dans cette supposition, comme dans un asyle où il étoit difficile de les forcer. Car la nature des corpuscules lumineux, & la maniere dont se fait la propagation de la lumiere, nous est trop peu connue pour qu’il soit facile de démontrer que l’eau leur résiste plus que l’air. C’est pourquoi il paroît que le meilleur moyen d’examiner la validité du principe cartésien, c’est de déterminer exactement par le calcul les lois de la réfraction des corps solides, & d’examiner si ces lois s’accordent avec celle de la réfraction de la lumiere. C’est ce que j’ai fait dans mon traité des fluides, 1744, où j’ai traité ce sujet à fond. Les propositions où ma méthode me conduit sont, pour la plûpart, très-paradoxes, & très-éloignées de tout ce qu’on avoit cru jusqu’ici. Il résulte de mes démonstrations, qu’aucune des lois qu’on observe dans la réfraction de la lumiere, ne doit avoir lieu dans celle des corps solides, & qu’ainsi c’est mal-à-propos qu’on a fait dépendre l’une & l’autre réfraction des mêmes principes.

Je démontre, par exemple, qu’il n’est pas vrai en général que tout corps doive se rompre en s’approchant de la perpendiculaire dans les milieux qui lui résistent moins, & réciproquement. La réfraction d’un corps dépend entierement de sa figure, & de la direction sous laquelle il entre dans le nouveau milieu. Un corps sphérique qui entre obliquement d’un milieu dans un autre, se rompt toujours, & se rompt en s’approchant ou en s’éloignant de la perpendiculaire, selon que le milieu où il entre est moins ou plus résistant que celui d’où il vient. Mais on ne peut pas dire qu’en général tous les corps de figure quelconque observent cette loi. Ainsi, un corps qui auroit la figure d’un parallélogramme rectangle, & qui viendroit frapper la surface du nouveau milieu, de maniere que sa direction fût suivant une de ses diagonales, & que son autre diagonale fût parallele à la surface du nouveau milieu, ce corps ne souffriroit dans son partage aucune réfraction, quoiqu’il entrât obliquement ; & il se romproit en s’approchant ou en s’éloignant de la perpendiculaire, selon que sa direction seroit en-deçà ou en-delà de sa diagonale, soit que le milieu où il entre soit plus dense, ou qu’il soit plus rare que celui d’où il vient.

Plusieurs auteurs regardent comme un axiome, que pour qu’un corps se rompe, il faut qu’il tombe obliquement sur un second milieu. Il n’y a point de réfraction dans les incidences perpendiculaires.

Cette proposition n’est cependant pas vraie généralement ; car le parallélogramme dont nous venons de parler, souffriroit une réfraction s’il tomboit perpendiculairement sur le milieu nouveau ; ainsi la proposition dont il s’agit, doit s’entendre seulement des corps sphériques, ou ce qui est à peu-près la même chose, des corps considérés comme des points, sans avoir égard à leur figure, ou enfin en général, des corps symétriques, qui entrent perpendiculairement dans le nouveau milieu, suivant une ligne ou plan qui les divise en parties égales & semblables ; car il est évident qu’il n’y a point alors de raison pour que le corps s’écarte d’un côté de ce plan plutôt que de

l’autre. L’expérience nous fait voir au reste, que les rayons de lumiere perpendiculaires ne souffrent aucune réfraction.

Vossius & Snellius ont cru cependant avoir observé une réfraction dans un rayon de lumiere perpendiculaire, un objet perpendiculaire paroissant dans l’eau beaucoup plus près qu’il ne l’étoit en effet ; mais c’étoit attribuer à une réfraction du rayon perpendiculaire, ce qui ne vient que de la divergence du rayon oblique très-proche du rayon perpendiculaire, lequel rayon oblique souffre une réfraction.

Il se fait néanmoins une réfraction manifeste, même des rayons perpendiculaires, dans le crystal d’Islande. Voyez Crystal d’Islande.

Quoique l’incidence oblique soit nécessaire dans tous les milieux que nous connoissons, pour produire la réfraction, elle ne doit pourtant pas passer un certain degré. Quand elle est plus grande qu’il ne faut, le mobile ne pénetre point le milieu, & il se réfléchit, au lieu de souffrir une réfraction. En effet on a remarqué souvent que les corps qui frappent trop obliquement la surface de l’eau, se réfléchissent. Quelquefois dans les batailles navales, les boulets sont ainsi renvoyés par l’eau ; la même chose arrive aux petites pierres que les enfans jettent avec roideur sur la surface de l’eau pour leur faire faire plusieurs sauts. Voyez l’article Ricochet, où cette théorie est expliquée, ainsi que celle de la réfraction des corps solides en général.

Les anciens confondoient souvent la réfraction avec la réflexion. M. Newton, sans les confondre, a fait voir qu’il y a beaucoup d’analogie entr’elles, surtout dans ce qui concerne la lumiere. Voyez Réflexion & Lumiere.

Les lois de la réfraction des rayons de lumiere dans les surfaces qui séparent des milieux différens, soit que ces surfaces soient planes, concaves, ou convexes, &c. font l’objet de la Dioptrique. Voyez Dioptrique.

C’est par le moyen de la réfraction que les verres ou lentilles convexes rassemblent les rayons, grossissent les objets, brûlent, &c. Voyez Lentille & Foyer.

C’est là-dessus qu’est fondée l’invention des microscopes, des télescopes, &c. Voyez Microscope & Télescope.

C’est par la réfraction que tous les objets éloignés paroissent hors de leur véritable place, & que les corps célestes particulierement paroissent plus élevés au-dessus de l’horison qu’ils ne le sont effectivement. Voyez Lever, Coucher, Lieu, Apparent, &c. Voyez aussi plus bas Réfraction astronomique.

Réfraction de la lumiere, en Optique, est une inflexion, un détour ou un changement de direction qui arrive à un rayon, quand il passe d’un milieu dans un autre qui le reçoit plus ou moins facilement : ce qui est cause qu’il se détourne de sa direction. Voyez Rayon.

M. Newton prétend que la réfraction de la lumiere n’est point causée par les rayons qui rencontrent la surface des corps, mais sans aucun contact par l’action de quelque puissance qui se trouve également répandue sur toute leur surface, & qui détourne les rayons de leur chemin.

Les raisons dont nous nous sommes servis pour prouver que la reflexion se fait sans aucun contact immédiat, ont également lieu dans ce qui concerne la réfraction ; mais on peut y joindre les suivantes.

1°. Lorsqu’un rayon de lumiere passe du verre dans l’air avec une certaine obliquité, ce rayon traverse l’air ; mais il se réfléchit entierement, si l’obliquité est très-grande ; car la puissance ou attraction du verre sera trop forte pour laisser passer aucun de ces