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peu le nom de réformation convient à ces entreprises sur l’autorité de l’Eglise ; nous nous contenterons d’observer que pour entreprendre un aussi grand ouvrage, il falloit au-moins avoir un caractere : or quel caractere, quelle mission légitime avoient Luther & Calvin, & leurs semblables ? Ils ne tenoient pas leur pouvoir de l’Eglise, ils le tenoient encore moins immédiatement de Dieu. La mission extraordinaire dont leurs défenseurs ont voulu les décorer, n’a été soutenue ni de miracles ni de prophéties, ni d’aucune des autres marques qui ont éclaté dans Moïse & dans Jesus-Christ. Quels abus ont-ils prétendu corriger ? La foi de la présence réelle, de la transsubstantiation, du mérite des bonnes œuvres, la priere pour les morts, les jeûnes, les vœux monastiques, le célibat des prêtres, &c. Mais il suffit d’ouvrir l’histoire ecclésiastique pour reconnoître qu’on avoit cru ou pratiqué toutes ces choses dans l’Eglise dès la premiere antiquité ; & que s’il ne tient qu’à se parer du prétexte de réformation & du titre de réformateur, chaque particulier va bientôt renverser tout ce qu’il y a de plus solidement établi en fait de créance ou de morale. C’est ce que n’ont que trop justifié & leurs propres principes, & l’expérience ; leurs principes, en attribuant à chaque particulier le droit de régler sa foi sur l’intelligence qu’il a des écritures, & par-là même, en n’établissant au milieu d’eux aucune autorité légitime pour décider les questions de foi ; l’expérience, par leurs propres variations, & par cette multitude de sectes sorties depuis deux siecles du Protestantisme.

Quant à la réformation d’Angleterre, outre que le titre de chef suprème de l’église anglicane est une usurpation manifeste de la part d’Henri VIII. il est visible, dit M. Bossuet, que le dessein de ce prince n’a été que de se vanger de la puissance pontificale qui le condamnoit, & que sa haine fut la regle de sa foi sur la primauté du pape : aussi n’attenta-t-il rien contre les autres vérités catholiques ; mais les innovations faites sous ses successeurs, portent les mêmes caracteres que celles qui ont été faites par Luther & Calvin ; elles ont eu les mêmes suites. Le nom de réformation est donc à leur égard un titre abusif. Voyez l’histoire des variations de M. Bossuet, sur-tout les liv. VII. & X. & l’ouvrage de M. Nicole, intitulé les Prétendus réformés convaincus de schisme.

Réformation, (Jurisprud.) se dit de ce qui est ordonné pour prévenir quelques abus, ou pour les réprimer.

C’est principalement en matiere d’eaux & forêts que l’on se sert du terme de réformation. Les grands-maîtres en procédant à leurs visites, peuvent faire toutes sortes de réformations, & juger de tous délits, abus & malversations qu’ils trouveront avoir été commis dans leur département, soit par les officiers ou par les particuliers.

Toutes appellations en matiere de réformation d’eaux & forêts, doivent être jugées au siége de la table de marbre par les juges établis pour juger en dernier ressort. Voyez Eaux & Forêts, Table de marbre. (A)

Réformation des monnoies, (Monnoie.) c’est le changement qu’on fait seulement des empreintes des especes, sans en faire la réfonte. Boisard. (D. J.)

RÉFORME, s. f. (Théolog.) rétablissement d’une premiere discipline qui a été négligée, ou correction des abus qui s’y sont introduits.

Ce mot pris dans le sens ecclésiastique, signifie la réduction d’un ordre ou d’une congrégation religieuse à garder l’ancienne sévérité de la regle de laquelle elle s’est insensiblement éloignée ; ou le désaveu de l’ancienne regle & de l’institution même, pour en suivre une plus sévere. Voyez Ordre & Religieux.

C’est dans ce sens que l’on dit que la congrégation

de saint Maur est une réforme de l’ordre de saint Benoît ; que les Feuillans sont une réforme de l’ordre de Citeaux, & ainsi de plusieurs autres. Voyez Bénédictins, Cisterciens, Feuillans.

Réforme, s. f. c’est dans l’Art militaire la réduction qu’on fait ordinairement à la paix dans les troupes, pour en diminuer le nombre & la dépense.

La réforme n’est pas tout-à-fait la même chose que le licenciement ; elle n’opere qu’une réduction dans les corps où elle est faite, au lieu que le licenciement en opere entierement le renvoi ou la suppression.

Les grands états sont obligés d’avoir toujours un grand nombre de troupes entretenues, même en tems de paix, pour garder les places, & pour avoir un nombre d’officiers & de soldats bien exercés dans toutes les manœuvres militaires. Ce nombre doit nécessairement augmenter en tems de guerre ; mais à la paix on remet les troupes à-peu près dans l’état où elles étoient avant la guerre ; pour cet effet, on en réduit le nombre par une réforme que l’on fait dans chaque corps de troupes.

Comme il est très-important de conserver les officiers qui ont servi, pour leur faire remplir les différens emplois militaires par préférence à tout autre, on prend dans les réformes les arrangemens qui paroissent les plus convenables à cet effet. Dans la réforme faite après la paix d’Aix-la Chapelle en 1748, on conserva les capitaines des compagnies supprimées dans chaque bataillon, pour remplir les places de seconds officiers dans les compagnies aux quelles on réduisit les bataillons ; & cela en qualité de capitaine en second, avec quarante-deux sols d’appointemens par jour. On ne conserva de lieutenans que le nombre nécessaire pour mettre un second officier aux compagnies de fusiliers où il n’y avoit pas de capitaine en second.

Pour les places de lieutenant & pour celles d’enseigne, elles furent données aux plus anciens lieutenans ; les lieutenans-enseignes, ou lieutenans en second qui par l’arrangement pris se trouverent sans emploi, furent envoyés dans leurs provinces sans appointemens, excepté ceux dont les commissions étoient antérieures au premier Janvier 1744, qui eurent 150 livres d’appointemens de réforme. Le roi déclara, par son ordonnance du 10 Février 1749, que son intention étoit que ces lieutenans & enseignes fussent rappellés aux places qui viendroient à vaquer dans les régimens, & qu’il n’y fût point nommé d’autres sujets tant qu’ils subsisteroient.

Les soldats congédiés furent renvoyés en différentes bandes dans les provinces d’où ils étoient, & conduits sur des routes avec étapes, par des officiers choisis à cet effet. Le roi leur fit donner à chacun trois livres, & on leur laissa l’habit uniforme avec le chapeau.

Dans cette réforme le roi ayant supprimé 48 bataillons de son infanterie françoise, jugea à propos de conserver les grenadiers de ces bataillons, pour en composer le corps des grenadiers de France. Voyez Grenadiers de France. (Q)

Reforme, terme de commerce en détail ; il signifie la note qu’un marchand met sur un billet ou numéro attaché à une piece d’étoffe entamée, de la quantité d’aunes qui en a été levée, ce qui reforme les premiers aunages. Voyez Aunage & Numéro. Dict. de Commerce & de Trévoux.

REFORMÉ, officier, (Art. milit.) c’est en général un officier dont la place & la charge a été supprimée, de sorte qu’il demeure quelquefois dans le même corps en qualité de capitaine en pié reformé, ou bien il y demeure en qualité de capitaine ou de lieutenant en second, c’est-à-dire, qu’il soulage l’officier en pié, & qu’il fait une partie du service, ou enfin, reste en qualité de capitaine ou de lieute-