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1°. Que les quatre voyelles A E I O, désignent les quatre diverses especes de propositions.

2°. Que la disposition des trois propositions d’un syllogisme, selon leurs quatre différences A E I O, s’appelle mode.

3°. Que par la combinaison l’on peut trouver soixante-quatre modes, mais que si on a égard aux regles générales & particulieres des syllogismes, il n’y a que dix-neuf modes concluans, que les anciens ont exprimés par les vers suivans, je veux dire par les trois voyelles de chaque mot.

Barbara, Celarent, Darii, ferio, Baralip-ton
Celantes, dabitis, fapesmo, friseso-morum
Cesare, Camestres, festino, Baroco, Darapti
Felapton, Disamis, Datisi, Bocardo, ferison.

4°. Que de ces dix-neuf modes, il n’y a que les quatres premiers qui soient parfaits, c’est-à-dire, selon les péripatéticiens, dont la conclusion soit déduite clairement des prémisses. Dans les quinze autres, ou la conclusion n’est pas naturelle & directe, ou du moins on ne saisit pas aisément la conséquence du syllogisme ; delà vient qu’on les a nommés modes imparfaits ou indirects : ils n’ont été admis que pour être transformés en modes parfaits, & cela par des changemens dont la recherche ne suppose pas peut-être moins d’esprit que les plus sublimes démonstrations géométriques. Ils ont appellé réduction la maniere de réduire un mode imparfait au mode parfait : nous allons voir qu’ils admettoient deux sortes de réductions.

Réduction ostensive, lorsqu’un mode imparfait est réduit au mode parfait sans changer ni le moyen terme, ni la conclusion, c’est la réduction ostensive. Les vers mystérieux que j’ai rapportés ci-dessus, sont faits pour nous conduire dans le procedé de la réduction.

Car 1°. chaque mode imparfait commence par la consonne ou B, ou C, ou D, ou f, pour avertir qu’il doit être réduit à celui de ces modes parfaits, Barbara, Celarent, Darii, ferio, qui a la même lettre initiale.

2°. Les Lettres S. P. M. qu’on trouve dans les mots des mêmes vers, désignent les transpositions & les différentes conversions des propositions nécessaires à la réduction : car la lettre S qui suit une proposition marque qu’elle doit être convertie simplement. P demande une conversion par accident. Enfin M désigne la transposition de la proposition après laquelle elle est écrite dans les vers, c’est-à-dire que la mineure doit devenir majeure, & la conclusion doit devenir majeure ou mineure. C’est ainsi qu’ils l’ont exprimé en latin :

Si vult simpliciter verti, P vero per accid.
M vult transponi, C per impossibile duci.

Les dernier mots signifient que les modes où il y a C, se réduisent à l’impossible.

Voici un exemple de la reduction ostensive sur un mode où sont les trois consonnes S, P, M.

Fa Tout animal est vivant,
pesm Nulle pierre n’est animal :
o Donc quelque vivant n’est pas pierre.

Par la lettre initiale f, je suis averti que je dois réduire mon syllogisme au mode ferio.

AP, désigne la conversion par accident de la majeure.

ES, dénote la conversion simple de la mineure.

Enfin M qui suit, m’avertit de transposer cette mineure & d’en faire la majeure de mon nouveau syllogisme que voici :


Fe Aucun animal n’est pierre,
ri Quelque vivant est animal :
o Donc quelque vivant n’est pas pierre.

Réduction à l’impossible. La réduction à l’impossible consiste à forcer quelqu’un d’admettre quelque chose de contraire aux prémisses accordées d’un syllogisme en forme dont il a nié la conclusion : cela se fait par le moyen d’un nouveau syllogisme, qui contient une proposition contradictoire à la conclusion niée du premier syllogisme, avec une des prémisses déja accordée dans le même syllogisme. Par exemple, si l’on m’avoit accordé les deux prémisses du syllogisme suivant, & que l’on m’en eût nié la conclusion.


Bo Quelque animal n’est pas raisonnable,
car Tout animal est substance :
do Donc quelque substance n’est pas raisonnable ;

Pour lors prenant la contradictoire de la conclusion avec une des prémisses, j’aurois ce nouveau syllogisme :


Toute substance est raisonnable,
Tout animal est substance :
Donc tout animal est raisonnable.

Par ce moyen mon adversaire seroit fort embarrassé ; car la conséquence de ce dernier syllogisme est si claire, qu’on ne peut pas la nier. Il ne pourroit pas non plus nier la majeure, puisque c’est la contradictoire de la conclusion qu’il m’auroit niée dans le premier syllogisme. Enfin la mineure est une des prémisses qu’il m’auroit accordée dans le même syllogisme.

Pour montrer à quel mode parfait on doit réduire chaque mode imparfait, les péripatéticiens ont inventé le vers suivant :

Phoebifer axis obit terras sphoeramque quotannis.

dont ils décomposent les parties, en écrivant une sillabe sur chaque mode imparfait, depuis baralipton Phæ bi jusqu’à ferison, de cette façon : Baralipton, Celantes fer axis Dabitis, fapesmo &c. Puis ils remarquent les quatre voyelles A, E, I, O. Les modes imparfaits qui sont écrits sous A, se réduisent à Barbara ; ceux qui sont sous E, à celarent ; les modes qui sont sous I, à Darii ; enfin ceux qui se trouvent sous O, se réduisent à ferio.

La doctrine de la réduction à l’impossible, suppose que nous sçachions au juste quelle prémisse il faut changer. Les mêmes philosophes y ont pourvu, ils nous en instruisent par les vers suivans :

Major sit minor, & sit contradictio major
Dempto celantes in quo convertitur ordo.
Servat majorem, variatque secunda minorem
Tertia majorem variat servatque minorem.

Cela signifie que dans les modes de la premiere & troisieme figure, on fait la mineure de la majeure, à laquelle on substitue la contradictoire de la conclusion.

Au contraire dans le mode celantes, ou dans les modes de la seconde figure, on conserve la majeure & on change la mineure, à laquelle on substitue la contradictoire de la conclusion.

Réduction, s. f. terme d’Arithmétique ; se dit des nombres, des poids, mesures, monnoies, &c. lorsqu’on veut savoir le rapport qu’elles ont les unes aux autres ; ainsi l’on dit, faire la réduction des nombres entiers en fractions, & des fractions en nombres entiers ; faire la réduction des poids étrangers en poids de France, & des poids de France en poids étrangers ; il en est de même des mesures, des monnoies, &c. Voyez Mesure, Monnoie.

La réduction est de deux especes, 1°. rescendante : quand on réduit une grande quantité en une moindre ; elle se fait en considérant combien la plus grande contient des parties de la moindre, & en multi-