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noms, & soutenoient que toutes choses étoient singulieres ; mais voulant donner du crédit à leur secte, ils se vantoient de suivre Porphyre & Aristote.

Pour entendre cette querelle philosophique, il faut remonter à la philosophie ancienne ; or dans cette philosophie, Platon entendoit par idées, les modèles essentiels de chaque chose existans réellement, & selon lesquels tout a été formé, communiquant à chaque être sa nature invariable. Ces idées, selon ce philosophe, tirent leur origine de l’entendement divin, & y sont comme dans leur source, mais elles ont néanmoins leur propre substance ; & la philosophie a pour objet la connoissance de ces essences des choses, en tant qu’elles existent séparément, & hors de la matiere.

Aristote trouva qu’il étoit ridicule de supposer ainsi des essences universelles hors de la matiere, par lesquelles les êtres soient modifiés, quant à leur essence. Mais comme il ne pouvoit nier que les choses n’ayent une forme essentielle, il aima mieux soutenir que ces formes avoient été imprimées dans la matiere de toute éternité, & que c’étoit de ces formes séminales ou substantielles, que la matiere recevoit sa forme.

Zénon & l’école stoïcienne ne disconvenoient point qu’il n’y eût des principes des choses matérielles, mais ils se moquoient de ces universaux qu’on faisoit exister hors de l’entendement, & qu’on distinguoit des notions universelles, & des termes dont on se servoit pour les désigner.

En disputant dans la suite sur ces belles questions, la doctrine d’Aristote prévalut insensiblement, & les Philosophes soutinrent que l’universel n’étoit ni avant ni après la chose, mais dans la chose même ; en un mot, qu’il existoit des formes substantielles. C’étoit l’opinion régnante de l’onzieme siecle, tems où s’éleva une nouvelle secte, qui abandonnant Aristote, adopta les principes des Stoïciens, & soutint que les universaux n’existoient ni avant les choses, ni dans les choses ; qu’ils n’avoient aucune existence réelle, & que ce n’étoient que de simples noms, pour désigner les divers genres des choses. On n’est pas d’accord sur le premier inventeur de ce système ; mais voici ce qu’en disent les auteurs de l’histoire littéraire de la France, tom. VII. pag. 132.

« Jean le Sophiste, fort peu connu d’ailleurs, passa pour le pere de la nouvelle secte, quoique d’autres transportent cet honneur à Roscelin, clerc de Compiegne, qui ne le mérite que pour en avoir été le plus zélé partisan… Outre Roscelin, Jean eut encore pour principaux disciples, Robert de Paris, Arnoul de Laon & Raimbert Ecolâtre, de Lille en Flandres, qui en firent de leur côté grand nombre d’autres. Ainsi se forma la fameuse secte des Nominaux, qui causa un schisme furieux parmi les Philosophes, & troubla toutes nos écoles. Le mal ayant commencé sur la fin de ce siecle, alla toujours en croissant. & l’on fut très-long-tems sans y pouvoir apporter de remede. Une de ses plus funestes suites, fut de réduire le bel art de la dialectique, à un pur exercice de disputer & de subtiliser à l’infini. L’on ne s’y proposoit autre chose, que de chicaner sur les termes & les réponses des adversaires, de les embarrasser par des questions sophistiques ; d’en inventer de curieuses & d’inutiles, de trouver de vaines subtilités, des distinctions frivoles, qui ne demandent que de l’esprit & de l’imagination, sans lecture & sans examen des faits. En un mot, bien loin d’approfondir les choses, jusqu’à ce qu’on eût trouvé un principe évident par la lumiere naturelle, ce qui est le but de la bonne dialectique ; on ne s’amusoit qu’à disputer sans fin, & ne s’avouer jamais vaincu. De-là, tant d’opinions incertaines, & de dou-

tes pires que l’ignorance même : déplorable maniere

de philosopher, qui s’étendit sur la théologie & sur la morale ».

Saint Anselme, Lanfranc & Odon, s’opposerent vigoureusement aux Nominaux, & l’on croit que trois ouvrages du dernier sur la dialectique, regardoient cette controverse. Un de ces écrits étoit intitulé le Sophiste, & tendoit à apprendre à discerner les sophismes, & à les éviter. Un autre portoit pour titre complexionum, des conclusions ou des conséquences, dans lequel on conjecture qu’Odon établissoit les regles du syllogisme, pour mettre ce que l’école appelle un argument en forme, & apprendre par-là à raisonner juste. Le troisieme étoit intitulé : de l’être & de la chose, parce qu’il y discutoit, si l’être est le même que la chose, & la chose le même que l’être. On ne connoît au reste ces trois écrits, que par le peu que nous en apprend Herimanne ; & Sanderus, qui a trouvé parmi les manuscrits des bibliotheques de la Belgique, la plûpart des autres écrits d’Odon, n’y a découvert aucun des trois qu’on vient de nommer. (D. J.)

REBAISSER, v. act. (Gram.) baisser de rechef. Voyez l’article Baisser, Rebaisser, à la monnoie, c’est ôter du flanc le trop de poids, pour le rendre de la pesanteur que l’ordonnance prescrit ; on rebaisse en se servant d’une lime appellée écouanne. La premiere opération qui a pour but de donner à la piece son poids est appellée approcher ; & celle qui le lui donne au juste s’appelle rebaisser.

REBANDER, v. act. (Gram.) bander de rechef. Voyez l’article Bander.

Rebander, (Marine.) terme bas qui signifie remettre à l’autre bord, retourner à un autre côté.

Rebander à l’autre bord ; c’est courir sur un autre air de vent.

REBAPTISANS, s. m. (Hist. ecclésias.) c’est le nom qu’on donne à ceux qui baptisent de nouveau les personnes qui ont déja été baptisées.

S. Cyprien, Firmilien & plusieurs autres évêques d’Afrique & d’Asie, pensoient qu’on devoit rebaptiser les hérétiques qui revenoient dans le sein de l’Eglise. Le pape S. Etienne soutenoit fortement le contraire, à moins que ces hérétiques n’eussent été baptisés par d’autres qui altéroient la forme du baptême ; aussi est-ce ce que l’Eglise décida dans le concile de Nicée. Mais S. Cyprien & Firmilien se fondoient sur la tradition de leurs prédécesseurs, & selon quelques théologiens, ne regardoient cette question que comme un point de discipline. S. Etienne au contraire, croyoit qu’elle intéressoit la foi, & alla selon quelques-uns jusqu’à anathématiser les défenseurs de l’opinion contraire ; d’autres disent, qu’il ne fit que les menacer de l’excommunication, & qu’il est probable qu’ils revinrent au sentiment de ce pontife ; mais on n’a point de monument authentique pour le prouver. Ce qu’il y a de certain, c’est que la tradition la plus générale de l’Eglise, étoit qu’on ne devoit point rebaptiser les hérétiques qui avoient été baptisés avec la forme prescrite par Jesus-Christ. Donat fut condamné à Rome dans un concile, pour avoir rebaptisé quelques personnes qui étoient tombées dans l’idolatrie après leur premier baptême.

On a donné aussi le nom de Rebaptisans aux Anabaptistes, parce qu’ils donnent le baptême aux adultes, quoiqu’ils l’ayent déja reçu dans leur enfance. Voyez Anabaptiste.

Il est constant par la pratique universelle de l’Eglise, qu’on n’a jamais crû devoir réitérer le baptême une fois légitimement conféré ; & parmi les anciens hérétiques qui rebaptisoient les Catholiques, les Donatistes, par exemple, on ne réitéroit le baptême, que parce qu’on ne regardoit pas comme un sacrement, celui qu’avoient administré les Catholi-