Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/766

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle porte deux coups à la fois, l’un à l’honneur, l’autre à l’amour-propre ; elle flétrit & déconcerte ; le tour malicieux qu’elle emploie, ajoute presque toujours au chagrin qu’on éprouve d’être taxé d’un travers, ou d’un défaut qu’on veut cacher. On aimeroit mieux être décrié dans l’absence, que d’essuyer des plaisanteries en face. Quelque spirituelle que soit la raillerie, son usage n’est presque jamais bien placé. Elle ne peut s’exercer sur ceux que l’âge ou le caractere ont mis au-dessus de nous, sur ceux qui sont au-dessous, parce que l’éminence du rang se trouve à couvert de la repartie, & rarement sur nos égaux ; si on se la permet dans ce dernier cas, elle doit être très-sobre, très-délicate, très-modérée, & ne toucher qu’à des fautes légeres, à des foiblesses permises, ou à des défauts dont on puisse soi-même plaisanter ; autrement, c’est un jeu trop dangereux à jouer. On sait les raisons de la haine implacable de la duchesse de Montpensier contre Henri III. Elle ne lui pardonna jamais ses railleries, & porta, dit Brantome « sa bonne part de matieres d’inventions de son gentil esprit, & du travail de son corps, à bâtir la funeste ligue qui fit périr ce prince ; qu’après avoir bâti cette ligue, jouant un jour à la prime, ainsi qu’on lui disoit qu’elle mêlât bien les cartes, elle répondit, devant beaucoup de gens ; je les ai si bien mêlées, qu’elles ne se sauroient mieux mêler ni démêler ». (D. J.)

Raillerie entendre, & entendre la raillerie, (Lang. françoise.) entendre raillerie & entendre la raillerie, sont deux choses différences ; entendre raillerie, c’est prendre bien ce qu’on nous dit, c’est ne s’en point fâcher ; c’est non-seulement savoir souffrir les railleries, mais aussi les détourner avec adresse, & les repousser avec esprit ; entendre la raillerie, c’est entendre l’art de railler, comme entendre la poésie, c’est entendre l’art & le génie des vers. Néanmoins, on ne dit guere entendre la raillerie tout seul ; on ajoute d’ordinaire une épithete à raillerie ; on dit, il entend la fine raillerie. Il y a peu de personnes qui entendent l’agréable & l’innocente raillerie. (D. J.)

RAILLEUR, s. m. (Gram.) un railleur de profession est communément un petit esprit & un mauvais caractere. Quelle occupation que celle de chercher perpétuellement le ridicule qu’il peut y avoir dans les choses & dans les personnes, & de le faire sortir ! Sans compter que cette habitude, qui est presque toujours applaudie par les autres, dégénere en une manie de voir tout d’un œil défavorable, ce qui marque de la fausseté dans l’esprit.

RAIN, (Géog. mod.) petite ville fortifiée d’Allemagne, dans la haute Baviere, située sur une petite riviere nommée Acha, près du Lech, à 3 lieues au levant de Donavert. Le général Tilly y fut blessé à mort, en 1632. Long. 28. 35. lat. 48. 39. (D. J.)

Rain, s. m. (Lang. françoise.) cet ancien mot veut dire un rameau, une petite branche d’arbre. Le roman de la rose dit :

Rose sur rain, & noix sur branche
N’est si vermeille, ni si blanche.

On mettoit en possession des fiefs par le rain & le bâton, c’est-à-dire, en mettant dans la main de l’acquéreur une petite branche d’arbre, ou un bâton. Aubert.

Rain, terme des Eaux & Forêts ; c’est l’orée d’un bois, la lisiere d’une forêt ; c’est en ce sens que ce mot est employé dans les ordonnances des eaux & forêts ; quand elles défendent de tenir des atteliers pour façonner des bois au rain des forets, cela veut dire à la lisiere & aux lieux voisins des bois. (D. J.)

RAINE, voyez Rennette.

RAINEAU, s. m. (Architect.) c’est ainsi qu’on nom-

me des pieces de charpente qui tiennent en liaison les

têtes des pilotis dans une digue, ou dans les fondations de quelqu’autre édifice.

RAINURE, s. f. (Menuis.) c’est un petit canal fait sur l’épaisseur d’une planche, pour recevoir une languette, ou pour servir de coulisse. (D. J.)

RAIPONCE ou REPONCE, s. f. rapunculus, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale, & à-peu-près en forme de cloche, mais ouverte & découpée de façon qu’elle représente une étoile. Le pistil est ordinairement fourchu, & le calice de la fleur devient dans la suite un fruit divisé en trois loges, qui renferme des semences le plus souvent petites. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Tournefort compte dix especes de ce genre de plante, dont la principale est à fleur bleue, à racine bonne à manger, rapunculus flore cæruleo, radice esculentâ, I. R. H. 113. en anglois the blue spiked rampion.

Sa racine est longue & grosse comme le petit doigt, ordinairement simple & blanche ; elle pousse une ou plusieurs tiges à la hauteur de deux piés, grêles, anguleuses, cannelées, velues, garnies de feuilles étroites, pointues, sans queue, collées ou adhérentes à la tige par une base un peu large, légerement dentelées sur les bords, & empreintes d’un suc laiteux.

Ses fleurs naissent aux sommets de la tige & des branches sur de longs pédicules : chacune de ces fleurs est une cloche évasée, & coupée ordinairement sur les bords en cinq parties, de couleur bleue ou purpurine, quelquefois blanche, soutenue sur un calice fendu en cinq pieces. Lorsque la fleur est passée, il lui succéde un fruit membraneux, divisé en trois loges, qui renferment plusieurs semences, menues, luisantes, roussâtres.

Toute la plante donne du lait comme les autres campanules. Elle vient sur les bords des fossés dans les prés, & dans les champs. Elle fleurit en Juin, & on la cultive aussi dans les potagers. D. J.)

Raiponce, (Diete, Mat. méd.) petite raiponce de carème ; raiponce sauvage ou grande raiponce, & raiponce d’Amérique ou cardinale bleue, espece de lobelia de Linnæus.

La racine des deux premieres plantes, & surtout celle de la premiere, se mange assez communément en salade, soit crue, soit cuite. Lorsqu’elle est jeune & tendre, les bons estomacs la digerent assez bien ; elle passe même pour fortifier ce viscere, & pour aider à la digestion. On l’emploie fort rarement à titre de remede. Elle est mise cependant au rang des apéritifs diurétiques, & regardée même comme utile dans la gravelle.

La troisieme est une des plantes que M. Kalm, savant naturaliste suédois, a proposées comme un spécifique contre les maladies vénériennes, dont il a appris le secret des sauvages de l’Amérique septentrionale, & qu’il a publié dans les mém. de l’acad. royale des Sciences de Suede, pour l’année 1750.

C’est la racine de cette plante qui fournit ce spécifique. On en prend cinq ou six soit fraîches, soit séchées. On les fait bouillir pour en faire une sorte de coction ; on en fait boire abondamment au malade, dès qu’il est reveillé ; & il continue d’en faire sa boisson ordinaire dans le cours de la journée ; elle doit être légerement purgative ; si elle agissoit trop vivement, il faudroit la faire moins forte. Pendant l’usage du remede, il faut s’abstenir de liqueurs fortes, & des alimens trop assaisonnés : le malade continue sa boisson ; il s’en sert même pour bassiner & fomenter les parties extérieures du corps sur lesquelles le mal a fait impression : il ne faut que quinze jours ou trois semaines pour parvenir à une guérison totale. Extrait du mémoire ci-dessus cité dans le journal de médecine, Février 1760. Quand le mal est très-invétéré, &