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sainte, & qu’on donnoit celui de rhab à tout docteur ordonné dans un pays de captivité. Quoi qu’il en soit, il y avoit plusieurs degrés pour parvenir à cette qualité de rabbi ; le premier étoit de ceux que les Juifs appelloient bachur, c’est-à-dire élu au nombre des disciples ; le second étoit de ceux qu’on nommoit chaber ou collegue de rabbins qu’on élevoit à ce grade par l’imposition des mains, dans une cérémonie qu’on appelloit semichach. Enfin lorsqu’on jugeoit ces postulans capables d’élever les autres, on les qualifioit de rabbi. Dans les assemblées publiques, les rabbins étoient assis sur des chaises élevées, les collegues sur des bancs, & les disciples aux piés de leurs maîtres.

Les rabbins modernes sont fort respectés parmi les Juifs ; ils occupent les premieres places dans les synagogues, prononcent sur les matieres de religion, & décident même des affaires civiles ; ils célebrent aussi les mariages, jugent les causes de divorce, prêchent, s’ils en ont le talent, reprennent & excommunient les désobéissans. Les écrits de leurs prédécesseurs, & leurs propres commentaires, contiennent un nombre infini de traditions singulieres, & presque toutes extravagantes, qu’ils observent néanmoins aussi scrupuleusement que le fond de la loi. Ils sont divisés en plusieurs sectes, dont les principales sont les Cabalistes, les Caraïtes, les Talmudistes, & les Massorethes. Voyez ces noms en leur lieu, suivant l’ordre alphabétique.

Les anciens rabbins donnoient fort dans les allégories, dont leurs commentaires sur l’Ecriture ne sont qu’un tissu ; & les modernes n’ont fait qu’enchérir sur eux. On leur attribue aussi un grand nombre de regles & de manieres d’interpreter & de citer les écritures, qu’on prétend que les apôtres ont suivies dans leurs citations & interprétations des prophéties de l’ancien Testament. Stanhope & Jenkius se plaignent beaucoup de la perte de ces regles, par lesquelles, disoient-ils, on rétabliroit les discordances qui se trouvent entre l’ancien & le nouveau Testament.

Surrenhusius, professeur en hébreu à Amsterdam, a cru les avoir trouvées dans les anciens écrits des Juifs ; & il observe que les rabbins interpretoient l’Ecriture en changeant le sens littéral en un sens plus noble & plus spirituel. Et pour cela, selon lui, tantôt ils changeoient les points & les lettres, ou ils transposoient les mots, ou les divisoient, ou en ajoutoient : ce qu’il prétend confirmer par la maniere dont les apôtres ont expliqué & cité les prophéties.

Mais qui ne voit que tout ceci n’est qu’un artifice pour rendre moins odieuse la pratique des Sociniens, qui au moyen de quelques points ou virgules ajoutés ou transposés dans les livres saints, y forment des textes favorables à leurs erreurs ? Mais, après tout, l’exemple des rabbins ne les autoriseroit jamais dans cette innovation, ni eux ni leurs semblables, puisque Jesus-Christ a formellement reproché à ces faux docteurs qu’ils corrompoient le texte & pervertissoient le sens des Ecritures. Les apôtres n’ont point eu d’autre maître que l’esprit saint ; & si l’application qu’ils ont quelquefois faite des anciennes écritures au Messie a quelque trait de conformité avec celles qu’on attribue aux rabbins, c’est qu’il arrive souvent à l’erreur de copier la vérité, & que les rabbins ont imité les apôtres, mais avec cette différence qu’ils n’étoient pas inspirés comme eux, & que suivant uniquement les lumieres de la raison, ils ont donné dans des égaremens qui ne peuvent jamais devenir des regles en matiere de religion révélée, où tout doit se décider par autorité.

Mais ce qu’on doit principalement aux rabbins, c’est l’astrologie judiciaire ; car malgré les défenses si souvent réitérées dans leur loi de se servir d’augures & de divinations, ou d’ajouter foi aux prédictions tirées de l’observation des astres, leurs plus fameux doc-

teurs ont approuvé cette superstition, & en ont composé

des livres qui l’ont répandue dans tout l’univers, & sur-tout en Europe durant les siecles d’ignorance, au sentiment de M. l’abbé Renaudot, qui connoissoit à fond toute la science rabbinique. Voyez Cabale.

RABBINIQUE, adj. (Gram.) qui est des rabbins. On dit le caractere rabbinique, une interprétation, une vision rabbinique.

RABBINISME, s. m. (Gramm.) doctrine des rabbins.

RABBINISTE, s. m. (Gram.) qui suit la doctrine rabbinique.

RABBOTH, s. m. (Histoire des Juifs.) Les Juifs donnent ce nom à certains commentaires allégoriques sur les cinq livres de Moïse. Ces commentaires sont d’une grande autorité chez eux, & sont considérés comme très-anciens. Les Juifs prétendent qu’ils ont été composés vers l’an 30 de Jesus-Christ. Ils contiennent un recueil d’explications allégoriques des docteurs hébreux, où il y a quantité de fables & de contes faits à plaisir. On peut prouver aisément que ces livres n’ont pas l’antiquité que les rabbins leur attribuent : c’est ce que le P. Morin a montré évidemment dans la seconde partie de ses exercitations sur la Bible. Quand ils veulent citer ces livres, ils les marquent par le premier mot de chaque livre de Moïse : par exemple ils nomment la Genèse Bereschit rabba ; l’Exode, Scemot rabba ; les Nombres, Bammidbar rabba, & ainsi des autres ; & ils les nomment au pluriel rabboth, comme qui diroit grandes gloses. Il y en a eu diverses éditions, tant en Italie que dans le Levant. M. Simon témoigne s’être servi d’une édition de Salonique.

RABDOIDE ou Rhabdoide, suture, (Anatomie.) c’est la seconde vraie suture du crâne : on l’appelle aussi sagittale. Rabdoïde vient de ραϐδος, verge.

RABDOLOGIE, s. f. (Arith.) maniere d’exécuter facilement les deux opérations les plus compliquées de l’Arithmétique, la multiplication & la division, par la voie de l’addition & de la soustraction, & cela au moyen de bâtons, verges ou languettes séparés, & marqués de nombres. C’est une des inventions de Neper. Voyez Batons de Neper.

RABDOMANCIE, s. f. (Divination.) art de deviner par des verges ou bâtons, comme l’indique son nom, composé du grec ραϐδος, baguette, & μαντεια, divination.

La rabdomancie se pratiquoit en différentes manieres. On croit, par exemple, la trouver dans ce qui est rapporté au chap. xxj. d’Ezéchiel, d’une superstition du roi de Babylone, qui se trouvant à l’entrée de deux chemins, dont l’un alloit à Jérusalem, métropole de la Judée, & l’autre vers Rabbath, métropole des Ammonites, & ne sachant lequel il devoit prendre, il voulut que le sort décidât la chose. C’est pourquoi il mêla ses fleches, pour voir de quel côté elles tomberoient. Stetit rex Babylonis in bivio, in capite duarum viarum, divinationem quærens, commiscens sagittas… ad dexteram ejus facta est divinatio super Jerusalem. V 21. & 22.

On prétend aussi la trouver dans ces paroles du prophete Osée, où Dieu dit de son peuple adonné à l’idolâtrie, populus meus in ligno suo interrogavit & bacculus ejus annuntiavit ei. chap. jv. V 12. S. Jérôme croit que dans l’un & l’autre passage il s’agit de la bélomancie, voyez Bélomancie.

Mais Theophylacte semble d’abord entendre celui d’Osée de la rabdomancie proprement dite, & voici, selon lui, comme elle se pratiquoit : Virgas duas statuentes, carmina & incantationes quasdam submurmurabant : Deinde virgis, doemonum operatione aut effectu, cadentibus, considerabant, quoniam utraque earum caderet, antrorsum ne an retrorsum, ad dexter am vel sinistram. Sicque tandem responsa dabant insipientibus, virgarum