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pêche de sombrer sous voile. Le corps du pros, au moins de celui que mylord Anson a examiné, est composé de deux pieces, qui s’ajustent suivant la longueur, & qui sont cousues ensemble avec de l’écorce d’arbre ; car il n’entre aucun fer dans cette construction. Le pros a deux pouces d’épaisseur vers le fond ; ce qui va en diminuant jusques aux bords, qui ne sont épais que d’un pouce. Les dimensions de chaque partie se concevront aisément à l’aide de la planche que mylord Anson en a fait graver dans son voyage qui est si connu, & où tout est exactement rapporté à la même échelle. (D. J.)

PROSAIQUE, adj. qui tient de la prose : il ne se dit guere que des mauvais vers. Les vers de la Mothe sont prosaïques, & la prose de Fénelon est poétique.

PROSATEUR, s. m. (Gram. Littér.) celui qui écrit en prose : personne, peut-être, n’a porté à un aussi haut degré que M. de Voltaire le talent de poëte uni à celui de prosateur. Rousseau étoit bon poëte, & mauvais prosateur. La Mothe, bon prosateur & mauvais poëte.

PRO-SCARABE, meloe, s. m. (Hist. nat.) insecte que M. Linnæus a mis dans la classe des coléopteres. Il est mou & entierement noir, excepté les piés, les antennes & le ventre, qui ont un peu de violet. On trouve cet insecte au mois de Mai sur le bord des champs & sur les collines exposées au soleil. Linnæi fauna suecica. Voyez Insecte.

PROSCENIUM, s. m. (Archict. théat.) lieu élevé sur lequel les acteurs jouoient, & qui étoit ce que nous appellons théâtre, échaffaut. Le proscenium avoit deux parties dans les théâtres des Grecs ; l’une étoit le proscenium simplement dit, où les acteurs jouoient ; l’autre s’appelloit le logeion, où les chœurs venoient réciter, & où les pantomimes faisoient leurs représentations. Sur le théâtre des Romains le proscenium & le pulpitum étoient une même chose. (D. J.)

PROSCHÆRETERIES, s. f. pl. (Antiq. grecques.) προσχαιρητηριαι, c’étoit une fête de réjouissance qu’on célébroit en Grece le jour que la nouvelle épouse alloit demeurer avec son mari. Poter, archæol. græc. t. I. p. 427.

PROSCINA, (Géog. anc.) ville de Grece, dans la Bæotie, sur une montagne. Elle est composée d’environ cent familles chrétiennes pour la plûpart, & elle paroît une place ancienne, étant vraissemblablement celle que Strabon & Pausanias appellent Aræphium ou Acræphnium, située sur le mont Ptoos. On trouve sur la montagne un pays bien cultivé, ce qui fait croire que c’est la plaine d’Athames. Les montagnes voisines qui sont couvertes de bois, ne manquent pas plus de gibier qu’autrefois. Wheler, voyage d’Athenes. (D. J.)

PROSCLYSTIUS, (Mytholog.) Neptune pour se venger de ce que Jupiter avoit adjugé à Junon le pays d’Argos, préférablement à lui, inonda toute la campagne, mais Junon étant venue le supplier d’arrêter le débordement, il se rendit à sa priere ; & les Argiens en reconnoissance de cette faveur, lui bâtirent un temple sous le nom de prosclystius, de πρὸς & κλυεῖν, couler, parce qu’il avoit fait retirer les eaux des fleuves qui inondoient le pays.

PROSCRIPTION, s. f. (Hist. rom.) publication faite par le gouvernement, ou par un chef de parti, par laquelle on décerne une peine contre ceux qui y sont désignés. Il y en avoit de deux sortes chez les Romains ; l’une interdisoit au proscrit le feu & l’eau jusqu’à une certaine distance de Rome, plus ou moins éloignée, selon la sévérité du decret, avec défense à qui que ce fût, de lui donner retraite dans toute l’étendue de la distance marquée. On affichoit ce decret, afin que personne ne l’ignorât : le mot d’exil n’y étoit pas même exprimé sous la république ; mais il

n’en étoit pas moins réel, par la nécessité où l’on étoit de se transporter hors les limites de ces interdictions.

L’autre proscription étoit celle des têtes, ainsi nommée, parce qu’elle ordonnoit de tuer la personne proscrite, par-tout où on la trouveroit. Il y avoit toujours une récompense attachée à l’exécution de cette proscription. On affichoit aussi ce decret, qui étoit écrit sur des tables pour être lu dans des places publiques ; & l’on trouvoit au bas les noms de ceux qui étoient condamnés à mourir, avec le prix décerné pour la tête de chaque proscrit.

Marius & Cinna avoient massacré leurs ennemis de sang froid, mais ils ne l’avoient point fait par proscription. Sylla fut le premier auteur & l’inventeur de cette horrible voie de proscription, qu’il exerça avec la plus indigne barbarie, & la plus grande étendue. Il fit afficher dans la place publique les noms de quarante sénateurs, & de seize cens chevaliers qu’il proscrivoit. Deux jours après, il proscrivit encore quarante autres sénateurs, & un nombre infini des plus riches citoyens de Rome. Il déclara infâmes & déchus du droit de bourgeoisie les fils & les petits-fils des proscrits. Il ordonna que ceux qui auroient sauvés un proscrit, ou qui l’auroient retiré dans leur maison, seroient proscrits en sa place. Il mit à prix la tête des proscrits, & fixa chaque meurtre à deux talens. Les esclaves qui avoient assassiné leurs maîtres, recevoient cette récompense de leur trahison ; l’on vit des enfans dénaturés, les mains encore sanglantes, la demander pour la mort de leurs propres peres qu’ils avoient massacrés.

Lucius Catilina, qui pour s’emparer du bien de son frere, l’avoit fait mourir depuis long-tems, pria Sylla, auquel il étoit attaché, de mettre ce frere au nombre des proscrits, afin de couvrir par cette voie l’énormité de son crime. Sylla lui ayant accordé sa demande, Catilina, pour lui en marquer sa reconnoissance, alla tuer au même moment Marcus Marius, & lui en apporta la tête.

Le même Sylla, dans sa proscription, permit à ses créatures & à ses officiers de se vanger impunément de leurs ennemis particuliers. Les grands biens devinrent le plus grand crime. Quintus Aurelius, citoyen paisible, qui avoit toujours vécu dans une heureuse obscurité, sans être connu ni de Marius, ni de Sylla, appercevant son nom dans les tables fatales, s’écria avec douleur ; malheureux que je suis, c’est ma belle maison d’Albe qui me fait mourir ; & à deux pas de-là, il fut assassiné par un meurtrier.

Dans cette désolation générale, il n’y eut que C. Metellus, qui fut assez hardi pour oser demander à Sylla, en plein sénat, quel terme il mettroit à la misere de ses concitoyens : nous ne te demandons pas, lui dit-il, que tu pardonnes à ceux que tu as résolu de faire mourir ; mais délivre-nous d’une incertitude pire que la mort, & du moins apprens-nous ceux que tu veux sauver. Sylla, sans paroître s’offenser de ce discours, lui répondit froidement, qu’il ne s’étoit pas encore déterminé. Enfin, comme dit Saluste, neque priùs jugulandi suit finis quàm Sylla omnes suos divitiis explevit.

Les triumvirs Lépide, Octave & Antoine renouvellerent les proscriptions. Comme ils avoient besoin de sommes immenses pour soutenir la guerre, & que d’ailleurs ils laissoient à Rome & dans le sénat des républicains toujours zélés pour la liberté, ils résolurent avant que de quitter l’Italie, d’immoler à leur sûreté, & de proscrire les plus riches citoyens. Ils en dresserent un rôle. Chaque triumvir y comprit ses ennemis particuliers, & même les ennemis de ses créatures. Ils pousserent l’inhumanité jusqu’à s’abandonner l’un à l’autre leurs propres parens, & même les plus proches. Lépidus sacrifia son frere Paulus à