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suivant la qualité des personnes & les circonstances du fait.

Si dans une même instance la partie fait plusieurs demandes dont il n’y ait point de preuve ou commencement de preuve par écrit, & que jointes ensemble elles soient au-dessus de 100 liv. elles ne pourront être vérifiées par témoins, encore que ce soit diverses sommes qui viennent de différentes causes, & en différens tems, si ce n’étoit que les droits procédassent par succession, donation, ou autrement, de personnes différentes.

On peut admettre la preuve par témoins contre un acte au-dessus de 100 livres lorsque la vérité de cet écrit est contestée, ou qu’il est argué de nullité dans sa forme, ou lorsqu’il y a soupçon de fraude, ou qu’il y a semi-preuve par écrit, ou présomption violente du contraire de ce qui est contenu dans l’écrit.

En matiere d’état de personnes, la preuve par témoins n’est pas admise contre les preuves écrites, à-moins qu’il n’y ait déjà un commencement de preuve contraire par écrit.

En matiere criminelle la preuve par témoins est admissible à quelque somme que l’objet se monte, à-moins qu’il ne fût visible que l’on n’a pris la voie criminelle que pour avoir la facilité de faire la preuve par témoins, qui autrement n’eût pas été admise, auquel cas le juge doit civiliser l’affaire.

Il y a des actes qui quoique revêtus d’écriture & de signatures ne font point une foi pleine & entiere, s’ils ne sont faits en présence d’un certain nombre de témoins ; par exemple, pour un acte qui n’est signé que d’un seul notaire, il faut deux témoins pour un testament ; pour un testament nuncupatif ou pour un testament mystique il en faut sept en pays de droit écrit ; dans quelques coûtumes le nombre en est reglé différemment.

Mais lorsqu’il s’agit de la preuve d’un fait que l’on articule en justice, deux témoins suffisent lorsque leur déposition est conforme & précise.

En matiere civile on ne peut entendre plus de dix témoins sur un même fait, autrement les frais des dépositions n’entrent pas en taxe.

La preuve d’un fait peut se tirer de différentes dépositions qui contiennent chacune diverses circonstances ; mais chaque circonstance n’est point réputée prouvée, à moins qu’il n’y ait sur ce point deux dépositions conformes.

Pour que la preuve soit valable, il faut que l’enquête ou information soit en la forme prescrite par les ordonnances, & que les témoins aient les qualités requises.

C’est au juge à peser le mérite des preuves, eu égard aux différentes circonstances ; par exemple, les preuves écrites sont plus fortes en général que la preuve testimoniale ; entre les preuves écrites, celles qui résultent d’actes authentiques l’emportent aussi ordinairement sur celles qui se tirent d’écrits privés.

En fait de preuve testimoniale, on doit avoir égard à l’âge & à la qualité des témoins.

Il en est de même des preuves muettes, c’est-à-dire des indices & des présomptions, on doit faire attention aux circonstances dont il peut résulter quelques conséquences pour la preuve du fait dont il s’agit.

Quand les preuves sont suffisantes, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas claires & précises, ou qu’il y manque quelque chose du côté de la forme, on ne peut pas asseoir un jugement sur de telles preuves ; le juge doit chercher à instruire plus amplement sa religion, soit en ordonnant une nouvelle enquête, si c’est en matiere civile, ou en ordonnant un plus amplement informé, si c’est en matiere criminelle.

Si toutes les ressources sont épuisées & que les preuves ne soient pas claires, on doit dans le doute

prononcer la décharge de celui qui est poursuivi, plutôt que de le condamner.

Il faut néanmoins observer qu’en fait de crimes qui se commettent secrettement, tels que la fornication, l’adultere, comme il est plus difficile d’en acquérir des preuves par écrit, & même par témoins, on n’exige pas pour la condamnation des coupables que les preuves soient si claires ; les lettres tendres & passionnées, les colloques fréquens, la familiarité, les tête-à-tête, les embrassemens, les baisers, & autres libertés, sont des présomptions très-violentes du crime que l’on soupçonne, & peuvent tenir lieu de preuve, ce qui dépend de la prudence du juge.

Dans ces cas, & dans toutes les matieres criminelles en général, on admet pour témoins les domestiques, & autres personnes qui sont dans la dépendance de l’accusé, attendu que ce sont communément les seuls qui puissent avoir connoissance du crime, & que ce sont des témoins nécessaires.

Sur la matiere des preuves en général, on peut voir le titre de probationibus, au code & aux institutes, & encore celui de fide instrumentorum, au code, le traité de probationibus par Oldendorp, celui de Mascardus, le traité de la preuve par témoins, de Danty, le titre ij. de l’ordonnance de 1667. On distingue plusieurs sortes de preuves, lesquelles vont être expliquées dans les subdivisions suivantes. (A)

Preuve affirmative, est celle qui établit directement un fait, comme quand un témoin dépose de visu, à la différence de la preuve négative, qui consiste seulement à dire qu’on n’a pas vû telle chose.

Preuve authentique, est celle qui mérite une foi pleine & entiere, tel que le témoignage d’un officier public, qui atteste solemnellement ce qui est passé devant lui ; par exemple, un acte passé devant notaire fait une preuve authentique des faits qui se sont passés aux yeux du notaire, & qu’il a attesté dans cet acte.

Preuve canonique, est celle qui est autorisée par les canons, telle que la purgation canonique, qui se faisoit par le serment d’un certain nombre de personnes que l’accusé faisoit jurer en sa faveur pour attester son innocence, à la différence de la preuve vulgaire que la supposition des peuples avoit introduites. Voyez Purgation canonique & Purgation vulgaire.

Preuve par commune renommée, est celle que l’on admet d’un fait dont les témoins n’ont pas une connoissance de visu, mais une simple connoissance fondée sur la notoriété publique, comme quand on admet la preuve du fait qu’un homme à son décès étoit riche de cent mille écus, il n’est pas besoin que les témoins disent avoir vû chez lui cent mille écus d’especes au moment de son décès, il suffit qu’ils déposent qu’ils croyoient cet homme riche de cent mille écus, & qu’il passoit pour tel. Il ne doit pas dépendre des témoins de fixer le plus ou le moins de l’objet dont il s’agit, comme d’attester qu’un homme étoit riche de cent mille francs, ou de deux cens mille francs, c’est au juge à fixer la somme qui est en contestation, & sur le fait de laquelle les témoins doivent déposer. Voyez Commune renommée.

Preuve par comparaison d’écritures, est celle qui se fait pour la vérification d’un écrit ou d’une signature, en les comparant avec d’autres écritures ou signatures reconnues pour être de la main de celui auquel on attribue l’écrit ou la signature dont la vérité est contestée. Voyez Comparaison d’écritures, & le traité de la preuve par comparaison d’écritures, par M. le Vayer de Boutigny.

Preuve concluante, est celle qui prouve pleinement le fait en question, de maniere que l’on peut conclure de cette preuve que le fait est certain.