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ction fut réservée aux baillifs ou aux échevins, selon l’usage des lieux.

Charles V. n’étant encore que régent du royaume, défendit aussi de plus donner les prevôtés à ferme ; il en donna pour raison dans une ordonnance de 1356, que les fermiers exigeoient des droits exorbitans.

Mais l’année suivante il ordonna le contraire, & déclara naturellement que c’étoit parce qu’elles rapportoient plus, lorsqu’elles étoient données à ferme, & parce que quand elles étoient données en garde, la dépense exédoit souvent la recette.

En conséquence, on faisoit donner caution aux prevôts fermiers, lesquels étoient comptables du prix de leur ferme, & l’on faisoit de trois ans en trois ans des enquêtes sur la conduite de ces prevôts.

Il leur étoit défendu de faire commerce ni personnellement, ni par des personnes interposées, ni d’être associés avec des commerçans.

Les gens d’église, les nobles, les avocats, les sergens d’armes, & autres officiers royaux, ne pouvoient être reçûs à prendre à ferme les prevôtés, de peur qu’ils n’empêchassent d’autres personnes d’y mettre leurs encheres, & que par leur puissance ils n’opprimassent les habitans de ces prevôtés.

Cependant on faisoit toujours des plaintes contre les prevôts fermiers ; c’est pour les faire cesser qu’il fut ordonné par des lettres du 7 Janvier 1407, qu’il seroit fait dans la chambre des comptes avec quelques conseillers du grand-conseil & du parlement, & quelques-uns des trésoriers, une élection de prevôts en garde que l’on choisiroit entre ceux qui demeuroient dans les lieux mêmes ou dans le voisinage, & qu’il leur seroit pourvu de gages.

Depuis ce tems, les prevôts royaux, ont été créés en titre d’office, de même que les autres officiers de judicature.

Les prevôts royaux connoissent en premiere instance, de même que les autres juges royaux, de toutes les affaires civiles & criminelles entre leurs justiciables, & par appel, des sentences rendues dans les justices des seigneurs de leur ressort.

Il faut néanmoins excepter les cas royaux, dont la connoissance appartient aux baillifs & sénéchaux, & celle des cas prevôtaux, qui appartient aux prevôts des maréchaux de France. Voyez la déclaration du 5 Février 1731. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, Joly, Chenu, Fontanon, Néron, & les articles Chatelain, Juge royal, Cas royaux, Prevôt des maréchaux. (A)

Prevôt de la santé, est un officier de police qu’on établit extraordinairement dans les tems de contagion pour faire exécuter les ordres de la police, notament pour s’informer des lieux où il y a des malades, les faire visiter par les médecins & chirurgiens, faire transporter les pauvres attaqués de la contagion dans les hôpitaux, faire inhumer les morts ; & on établit quelquefois plusieurs de ces prevôts ; on leur donne aussi les noms de capitaine ou bailli de la santé. Ils ont un certain nombre d’archers pour se faire obéir. Voyez le tr. de la police, tome I. p. 652. (A)

Prevôt seigneurial ou subalterne, est un juge de seigneur, qui a le titre de prevôt ; en d’autres endroits, ces juges sont appellés châtelains ou baillifs. Voyez Juge de seigneur, Justice seigneuriale. (A)

Prevôt de salle, (Escrime.) celui qui seconde un maître en fait d’armes, & qui exerce les écoliers pour les fortifier dans l’art de l’escrime.

PREVOTAL, adj. (Jurisprudence.) se dit de ce qui a rapport à la prevôté : un cas prevôtal est celui qui est de la compétence des prevôts des maréchaux : jugement prevôtal est un jugement rendu par un prevôt des maréchaux. Voyez Prevôt. (A)

PREVOTÉ, s. f. (Jurisprudence.) signifie la place & fonction de prevôt.

Il y a des prevôtés royales & des prevôtés seigneuriales.

On entend aussi quelquefois par le terme de prevoté la jurisdiction qu’exerce le prevôt & l’auditoire où il rend la justice.

En matiere bénéficiale, prevôté est une dignité d’un chapitre. Voyez Prevôt.

Prevôté de l’hôtel. Voyez ci-dessus à la lettre P Grand-Prevôt de France. (A)

PRÉVOYANCE, s. f. (Morale.) action de l’esprit par laquelle on conjecture par avance ce qui peut arriver suivant le cours naturel des choses. La sécurité qui vient de la roideur de l’ame contre les obstacles, & de l’habitude à envisager les revers, est sans doute le plus ferme soutien de la vie ; mais le calme que donne l’espérance est trompeur comme elle, & aussi passagere que le vent qui le trouble. Il faut donc prévoir également les biens & les maux, pour préparer son ame à tous les événemens, & afin que la résolution suive de près le besoin pressant de l’occasion. Mais ceux qui s’endorment dans les bras d’un doux espoir, écartant de leurs yeux tout ce qui pourroit dissiper leurs songes enchanteurs, n’auront qu’une ame foible, inégale, errante & sans appui. C’est Bacon qui fait cette excellente réflexion. (D. J.)

PREUVE, s. f. (Logique.) une preuve est toute idée moyenne qui fait appercevoir à l’esprit la convenance ou disconvenance de quelqu’autre idée que l’on considere ; quand cette convenance ou disconvenance est montrée à l’entendement, de façon qu’il voit que la chose est ainsi, & non d’une autre maniere, c’est ce qu’on nomme preuve démonstrative, ou en un seul mot démonstration. Voyez Démonstration.

Preuve, (Art orat.) on appelle preuves les raisons ou moyens dont se sert l’orateur pour démontrer la vérité d’une chose.

L’orateur dans sa preuve a deux choses à faire ; l’une, d’établir sa proposition par tous les moyens que sa cause lui fournit ; l’autre de réfuter les moyens de son adversaire ; car il faut savoir bâtir & ruiner. Il n’y a point de regle fixe pour l’arrangement des preuves ; c’est au génie & à l’habileté de l’orateur à créer, & à suivre cet arrangement suivant les cas, les sujets & les circonstances. Tout se réduit à recommander la netteté & la précision. Une preuve trop étalée devient lâche. Si elle est trop serrée, elle n’a pas assez de portée. Les mots inutiles la surchargent, l’extreme briéveté l’obscurcit & affoiblit son coup.

On compare volontiers les orateurs dans leurs preuves à l’athlete qui court dans la carriere. Vous le voyez incliné vers le but où il tend, emporté par son propre poids, qui est de concert avec la tension de ses muscles & les mouvemens de ses piés : tout contribue en lui à augmenter la vîtesse. Démosthene, Cicéron, Bossuet & Bourdaloue, sont des modeles parfaits dans cette partie, comme dans les autres. On se jette avec eux dans la même carriere, on court comme eux. Nos pensées sont entraînées par la rapidité des leurs ; & quoique nous perdions de vue leurs preuves & leurs raisonnemens, nous jugeons de leur solidité par la conviction qui nous en reste. (D. J.)

Preuve, s. f. en terme d’Arihtmétique, signifie une opération par laquelle on examine, & on s’assure de la vérité & de la justesse d’un calcul.

Il y en a qui prétendent que la preuve naturelle d’une régle est toujours la regle contraire ; ainsi la soustraction, selon eux, est la preuve naturelle de l’addition ; réciproquement la multiplication est la preuve de la division. Voyez Addition, Soustraction.