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ou éboulemens des neiges, labinæ, y causent de grands dommages.

PRETURE, s. f. (Hist. rom.) charge du préteur chez les Romains, & la seconde dignité de la république, voyez Préteur.

L’an 386 de Rome, les patriciens obtinrent cette nouvelle dignité créée pour rendre la justice dans la ville, & considérée comme un supplément du consulat. Comme le dictateur avoit pour vice-gerent le général de la cavalerie, & les consuls leurs lieutenans, le préteur avoit aussi à ses ordres les questeurs qui dépendoient particulierement de lui, & sur lesquels il se reposoit d’une partie des affaires. L’an de Rome 675, Sylla étant dictateur, ordonna que personne ne seroit reçu à la charge de préteur, qu’il n’eût passé par celle de questeur, & qu’aucun citoyen ne pourroit parvenir au consulat, qu’après avoir exercé la préture ; & même qu’il ne pourroit obtenir la même dignité une seconde fois que dix ans après l’avoir exercée. Philon, plébéien, parvint à la préture, mais c’est le seul plébéien, de ma connoissance, qui l’ait obtenue du tems de la république. (D. J.)

PREVALOIR, v. act. (Gramm.) tirer un avantage injuste des circonstances, des talens, de l’esprit, du crédit, de la force. Il se prévaut à tout moment de la facilité qu’il a de parler pour m’embarrasser. Il se prévaut de la foiblesse de cette femme pour la maltraiter. Ne vous prévalez-pas d’un crédit que vous pouvez perdre d’un moment à l’autre, & dont la perte vous laissera exposé au mépris. Il n’y a peut-être pas un homme qui ne se soit quelquefois injustement prévalu de quelque avantage sur son semblable. Il faut, pour se garantir entierement de ce tort, une modération au-dessus de l’humanité. On fait à tout moment prévaloir la raison d’état, l’intérêt public, des considérations bien importantes. La protection a prévalu sur l’équité, cela n’arrive que trop souvent. L’intrigue qui se remue prévaut souvent sur le mérite inactif qui attend.

PREVARICATEUR, s. m. PREVARICATION, s. f. (Jurisprud.) est une malversation commise par un officier public dans l’exercice de ses fonctions.

Ainsi un juge prévarique lorsqu’il dénie de rendre la justice à quelqu’un, ou lorsque par argent, ou autre considération il favorise une partie au préjudice de l’autre.

Un greffier ou notaire prévarique lorsqu’il délivre des expéditions qui ne sont pas conformes à la minute. Un huissier prévarique lorsqu’il antidate un exploit, ou qu’il n’en laisse pas de copie au défendeur ; & ainsi des autres fonctions publiques.

Les peines qu’encourent les officiers publics qui prévariquent sont plus ou moins graves, selon les circonstances ; quelquefois la peine ne consiste qu’en dommages & intérêts ; quelquefois on interdit l’officier pour un tems, ou même pour toujours ; quelquefois enfin on le condamne à faire amende honorable, & aux galeres, & même à une peine capitale. Voyez le Bret, tr. de la souveraineté du roi, liv. II. c. ij. & iij. & le code pénal. (A)

PREVENIR, v. act. (Jurispr.) signifie devancer quelqu’un ou quelque chose.

En matiere bénéficiale, prévenir, de la part d’un impétrant, c’est requerir le premier. Le collateur supérieur prévient quand il confere avant l’inférieur. Voyez Prévention.

Prévenir les delais, c’est les abréger : c’est agir sans attendre l’échéance. Voyez Prévenu. (A)

PREVENTION, s. f. (Logiq.) la prévention est un acquiescement erroné de l’ame suscité par la force d’une ou de plusieurs sensations dominantes, sans les connoissances nécessaires pour nous déterminer régulierement.

La prévention differe du préjugé ; elle n’est qu’un acquiescement immédiat & purement passif de l’ame à l’impression que les sensations actuelles font sur elle : le préjugé est un faux jugement que l’ame porte après un exercice insuffisant des facultés intellectuelles.

Lorsque l’ame est tellement dominée par ses sensations, que les connoissances qui se présentent à elle de nouveau, ne peuvent la tirer de son erreur, la prévention dégénere en opiniâtreté.

Ses décisions vicieuses naissent d’une compréhension trop irréguliere, trop bornée, ou d’un défaut de connoissances qui seroient nécessaires pour éclairer l’ame.

La prévention se mêle souvent dans nos jugemens par l’autorité des maîtres, qui nous ont dit qu’il falloit croire telle chose ; par l’approbation des personnes estimées dans le monde ; par la coutume & l’éducation ; par manque d’examen ; enfin par quelque passion, ou par l’intérêt personnel qui nous prévient, & qui détermine nos sensations actuelles.

Un homme sujet à se laisser prévenir, dit la Bruyere, s’il ose remplir une dignité ecclésiastique ou séculiere, est un aveugle qui veut peindre, un muet qui s’est chargé d’une harangue, un sourd qui juge d’une symphonie. Foibles images. Il faut ajouter que la prévention est un mal incurable, qui fait déserter les égaux, les inférieurs, les amis, jusqu’au médecin : ils sont bien éloignés de le guérir, s’ils ne peuvent le faire convenir des remedes qui seroient d’écouter, de douter, de s’informer & de s’éclaircir. (D. J.)

Prévention, (Jurisprud.) est le droit qu’un juge a de connoître d’une affaire parce qu’il en a été saisi le premier, & qu’il a prévenu un autre juge à qui la connoissance de cette même affaire appartenoit naturellement, ou dont il pouvoit également prendre connoissance par prévention.

La prévention est ordinairement un droit qui est reservé au juge supérieur pour obliger celui qui lui est inférieur de remplir son ministere ; cependant elle est aussi accordée respectivement à certains juges égaux en pouvoir & indépendans les uns des autres, pour les exciter mutuellement à faire leur devoir, dans la crainte d’être dépouillés de l’affaire par un autre juge plus vigilant.

L’arrêt du 15 Novembre 1554, contenant la vérification de la déclaration du roi donnée à Laon le 17 Juin de la même année, donne aux baillifs & prevôts royaux la prévention sur les juges des seigneurs, quand ceux-ci ne revendiquent pas leurs justiciables ; à la charge que dans le cas de prévention, les baillifs & juges présidiaux ne connoîtront du différend que comme juges ordinaires, & non comme présidiaux ; ce qui a été confirmé par l’article 2. de la déclaration donnée sur l’édit de Crémieu.

Dans quelques coutumes la prévention du juge supérieur sur l’inférieur, a lieu tant au civil qu’au criminel, comme en Anjou, où la coutume, art. 65. dit que le roi, comme duc d’Anjou, a ressort & suzeraineté sur les sujets dudit pays, tant en cas d’appel, qu’autrement ; que les comtes, vicomtes, barons, châtelains & autres seigneurs de fief l’ont aussi chacun à leur égard ; qu’en outre ledit duc d’Anjou & lesdits comtes, vicomtes, barons, seigneurs, châtelains & autres de degré en degré, ont par prévention la connoissance de tous cas criminels & civils, en toutes actions civiles réelles & personnelles, sur leurs vassaux & les sujets de leurs vassaux, jusqu’à ce litiscontestation soit faite, pour laquelle les parties soient appointées en faits contraires & requêtes.

Il y a encore quelques autres coutumes qui ont des dispositions à-peu-près semblables.

Mais, suivant le droit commun, la prévention n’a lieu qu’en matiere criminelle ; elle a été établie pour