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commencement, un rapport général, avec abstraction de tout terme antécédent & conséquent ; l’autre exprime un rapport déterminé par la désignation du terme conséquent, mais avec abstraction du terme antécédent : c’est pourquoi toute locution qui renferme une préposition avec son complément, est appellée en Grammaire une phrase adverbiale ou équivalente à un adverbe. Il ne faut pourtant pas croire que les deux locutions soient absolument synonymes, & que la variété ne consiste que dans les sons : l’éloignement que toutes les Langues ont naturellement pour une synonymie entiere, qui n’enrichiroit un idiome que de sons inutiles à la justesse & à la clarté de l’expression ; cet éloignement, dis-je, donne lieu de présumer que la phrase adverbiale & l’adverbe doivent différer par quelques idées accessoires. Par exemple, je serois assez porté à croire que quand il s’agit de mettre un acte en opposition avec l’habitude, l’adverbe est plus propre à marquer l’habitude, & la phrase adverbiale à indiquer l’acte ; & je dirois : un homme qui se conduit sagement ne peut pas se promettre que toutes ses actions seront faites avec sagesse.

La plûpart de nos grammairiens distinguent deux sortes de prépositions par rapport à la forme : de simples, qui sont exprimées par un seul mot ; & de composées, qui comprennent plusieurs mots pour l’expression du rapport. Telle est à cet égard la doctrine de l’abbé Régnier (Gramm. fr. pag. 565. in-12. & pag. 595. in-4°.) ; celle de M. Restaut (ch. ix.) ; celle du pere Buffier (n°. 647-651.). Ainsi, dit-on, dans, avec, pour, après, sont des prépositions simples ; vis-à-vis de, à l’égard de, à la réserve de, sont des prépositions composées.

Mais ce que j’ai dit ailleurs des conjonctions prétendues composées (Voyez Mot, art. II. n. 2.), je le dis ici des prépositions : c’est une sorte de mot ; & chacun de ceux qui entrent dans la structure des phrases que l’on prend pour des prépositions, doit être rapporté à la classe qui lui est propre. Ainsi vis-à-vis, que l’on devroit, ce me semble, écrire visavis sans division, est un adverbe, & de qui le suit est la seule préposition qui exige un complément : dans à l’égard de il y a quatre mots ; à qui est préposition ; le, article ; égard, nom appellatif, qui est le complément grammatical de à, & le terme antécédent d’un autre rapport exprimé par de ; enfin de, autre préposition. C’est confondre les idées les plus claires & les plus fondamentales, que de prendre des phrases pour des sortes de mots ; & si l’on ne veut avancer que des principes qui se puissent justifier, on ne doit reconnoître que des prépositions simples.

Nous en avons en françois quarante-huit, que je vais rapporter dans l’ordre alphabétique, en y joignant quelques exemples qui en justifieront la nature.

A. A midi, à Paris, à l’office, à la maniere des Grecs, à nous, à nos amis, difficile à concevoir, destiné à être brûlé.

Après. Après le roi, après vous, après midi, après avoir pris conseil.

Attenant. L’église est attenant le château.

Attendu. On a differé le jugement attendu vos prétentions.

Avant. Avant le tems, avant trois heures, avant moi, avant l’examen. Quand un infinitif est complément de cette préposition, il faut mettre que de entre deux (Voyez Vaugelas, rem. 274. & l’art. Avant) : ainsi il faut dire, avant que de mourir, & non pas avant de mourir, comme quelques-uns se le permettent abusivement, & encore moins avant mourir, dont personne ne s’avise plus aujourd’hui. Quelquefois avant est un adverbe qui marque une suite considérable de progrès dans la durée, dans l’étendue, ou dans toute autre chose susceptible de progression : bien avant

dans la nuit, fort avant dans la terre, il a été assez avant dans la Géométrie.

Avec. Avec serment, avec les précautions requises, avec un bâton, avec lui, avec sa troupe.

Chez. Chez soi, chez vous, chez les Grecs, chez les Romains.

Concernant. J’ai lû plusieurs écrits concernant cette dispute.

Contre. Plaider contre quelqu’un, écrire contre les Philosophes, il est parti contre mon avis ; dans tous ces exemples, contre a un sens d’opposition : dans les suivans ce mot exprime un rapport de voisinage ; sa maison est contre la mienne, contre l’église ; cela est collé contre la muraille.

Dans. Dans trois jours, dans l’année, dans la ville, dans la chambre, dans nos affaires, dans les SS. Peres, dans l’Ecriture sainte.

De. De grand matin, de bonne heure, l’heure de midi, la ville de Paris, la riviere de Seine, loin de mot, parler de ce que l’on sait, l’obligation de se taire, la crainte d’avoir déplû.

De-ça. De çà la riviere. Dict. de l’acad.

Dedans. Ce mot est quelquefois nom, comme quand on dit, le dedans de la maison, les dedans d’un château, au-dedans de nous-mêmes. Il est préposition, quand il est suivi d’un complément immédiat qui est un nom ou un pronom ; & cela arrive en deux occurrences seulement : la premiere, est quand les deux prépositions contraires sont réunies par une conjonction copulative avec rapport à un même & unique complément, comme quand on dit, ni dedans ni dehors la ville, dedans & dehors l’enceinte du temple : la seconde, est quand cette préposition est immédiatement précédée d’une autre, comme, cette statue est pour dedans la grande cour, ils sortirent de dedans les retranchemens, ils passerent par dedans la ville. On se sert encore du mot dedans d’une maniere absolue, comme quand on dit, vous le croyez sorti de la maison, & il est dedans : la plûpart des grammairiens prétendent que dedans est alors adverbe ; & M. l’abbé Régnier (Gramm. fr. in-12. pag. 590. in-4°. pag. 622.) dit que c’est l’usage ordinaire depuis cinquante ans, & que l’usage est ou un maître ou un tyran auquel il faut toujours obéir en matiere de langue. Je crois que cette maxime n’est pas vraie sans restriction ; & s’il falloit s’y conformer sans appel, il faudroit continuer de dire que nos noms ont des cas, puisque c’étoit un usage de tems immémorial dans notre Grammaire. C’est que l’usage n’a véritablement autorité que sur le langage national, & que c’est à la raison éclairée de diriger le langage didactique : dès que l’on remarque qu’un terme technique présente une idée fausse ou obscure, on peut & on doit l’abandonner & en substituer un autre plus convenable. D’ailleurs il n’est pas ici question de nommer simplement, mais de décider la nature d’un mot ; ce qui est une affaire, non d’usage, mais de raisonnement. Au reste Th. Corneille (note sur la rem. 128. de Vaugelas), nous apprend que l’avis de M. Chapelain étoit que dedans, lorsqu’il terminoit une période & un sens, ainsi que dessous, dessus, dehors, demeurent toujours prépositions, & régissent tacitement la chose sous-entendue dont il a été parlé auparavant. Cet avis est assurément le plus sage, & il doit en être de ces mots en pareil cas, comme de devant & après, quand on dit, par exemple, partez devant, j’irai après : si quand il y a ellipse du complément on emploie plutôt dedans, dehors, dessous, dessus, que dans, hors, sous, sur, c’est que l’oreille a jugé que ces monosyllabes termineroient mal la période ou le sens.

Dehors. C’est la même chose de ce mot que du précédent. Il est nom dans ces phrases, le dehors ne répond pas au-dedans, les dehors de la place. Il est préposition dans les trois occurrences marquées ci-dessus :