L’Encyclopédie/1re édition/AVANT

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AVANT (Grammaire.) préposition qui marque préférence & priorité de tems ou d’ordre, & de rang : il est arrivé avant moi : il faut mettre le sujet de la proposition avant l’attribut : se faire payer avant l’échéance : n’appellez personne heureux avant la mort : nous devons servir Dieu, & l’aimer avant toutes choses : la probité & la justice doivent aller avant tout.

M. l’abbé Girard, dans son traité des Synonymes, observe qu’avant est pour l’ordre du tems, & que devant est pour l’ordre des places. Le plûtôt arrivé se place avant les autres ; le plus considérable se met devant eux. On est exposé à attendre devant la porte quand on s’y rend avant l’heure.

Devant marque aussi la présence : il a fait cela devant moi ; au lieu qu’il a fait cela avant moi, marqueroit le tems ; sa maison est devant la mienne, c’est-à-dire, qu’elle est placée vis-à-vis de la mienne ; au lieu que si je dis, sa maison est avant la mienne, cela voudra dire que celui à qui je parle arrivera à la maison de celui dont on parle, avant que d’arriver à la mienne.

Avant se prend aussi adverbialement, & alors il est précédé d’autres adverbes ; il a pénétré si avant, bien avant, trop avant, assez avant.

Il faut dire, avant que de partir ou avant que vous partiez. Je sai pourtant qu’il y a des auteurs qui veulent supprimer le que dans ces phrases, & dire avant de se mettre à table, &c. mais je crois que c’est une faute contre le bon usage ; car avant étant une préposition, doit avoir un complément ou régime immédiat ; or une autre préposition ne sauroit être ce complément : je crois qu’on ne peut pas plus dire avant de, qu’avant pour, avant par, avant sur : de ne se met après une préposition que quand il est partitif, parce qu’alors il y a ellipse ; au lieu que dans avant que, ce mot que, hoc quod, est le complément, ou, comme on dit, le régime de la préposition avant ; avant que de, c’est-à-dire, avant la chose de, &c.

Avant que de vous voir, tout flattoit mon envie, dit Quinault, & c’est ainsi qu’ont parlé tous les bons auteurs de son tems, excepté en un très-petit nombre d’occasions ou une syllabe de plus s’opposoit à la mesuré du vers : la poësie a des priviléges qui ne sont pas accordés à la prose.

D’ailleurs, comme on dit pendant que, après que, depuis que, parce que, l’analogie demande que l’on dise avant que.

Enfin, avant est aussi une préposition inséparable qui entre dans la composition de plusieurs mots. Par préposition inséparable, on entend une préposition qu’on ne peut-séparer du mot avec lequel elle fait un tout, sans changer la signification de ce mot ; ainsi on dit : avant-garde, avant-bras, avant-cour, avant-goût, avant-hier, avant-midi, avant main, avant-propos, avant-quart, avant-train, ce sont les deux roues qu’on ajoûte à celles de derriere ; ce mot est sur-tout en usage en Artillerie : on dit aussi en Architecture, avant-bec ; ce sont les pointes ou épérons qui avancent au-delà des piles des ponts de pierre, pour rompre l’effort de l’eau contre ces piles, & pour faciliter le passage des bateaux. (F)

Avant (aller en), terme de Pratique, usité singulierement dans les avenir qui se signifient de procureur à procureur : il signifie poursuivre le jugement d’une affaire. (H)

Avant, a différentes significations en Marine. L’avant du vaisseau ou la proue, c’est la partie du vaisseau qui s’avance la premiere à la mer.

On entend aussi par l’avant, toute la partie du vaisseau comprise entre le mât de misaine & la proue, le château d’avant, ou le gaillard d’avant. Voyez Chateau d’avant.

Vaisseau trop sur l’avant, c’est-à-dire qui a l’avant trop enfoncé dans l’eau.

Etre de l’avant, se mettre de l’avant, se dit d’un vaisseau qui marchant en compagnie, avance des premiers.

Etre de l’avant, se dit aussi lorsque l’on se trouve arrivé à la vûe d’une terre, quand par l’estime de ses routes, on croit en être encore éloigné. V. Estime.

Le vent se range de l’avant, c’est-à-dire qu’il prend par la proue & devient contraire à la route. (Z)