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rer l’autre, je ne pourrai aussi me donner celle-ci. Poussé vers l’amour par la force de la prémotion, je ne puis donc haïr ; je ne suis donc pas libre.

5°. Dieu même dans ce système seroit auteur du péché. Dans le péché on distingue deux choses, le matériel & le formel. Le matériel est tout ce qu’il y a de physique dans l’acte ; le formel est le défaut de conformité qui s’y trouve avec la loi. On ne peche que parce qu’on ne donne pas à son action toute l’intégrité qu’elle exige de sa nature ; & on ne donne pas à son action cette intégrité qui en fait la perfection, parce que la volonté cesse d’agir, & qu’elle s’arrête dans la créature ; au lieu de s’élever avec des aîles fortes jusqu’au créateur. Or pourquoi, je vous prie, la volonté cesse-t-elle d’agir ? n’est-ce pas parce que le souffle de la prémotion la laisse pour ainsi dire à moitié chemin ? Un peu plus de secours de la part de la prémotion, & elle eût été plus active, & elle se seroit élevée jusqu’à Dieu. La volonté ne peche donc que parce que la prémotion lui manque avant qu’elle ait donné à son action toute la perfection que la loi commande ; & cette prémotion lui manque sans qu’elle l’ait mérité. Ce n’est donc pas sa faute, mais celle du Dieu qui la prémeut, si elle tombe dans le péché. Dans ce système, Dieu seroit donc auteur du péché. Voyez Concours.

PREMUNIR, verb. act. & neut. (Gramm.) se munir d’avance soi-même, ou les autres. Il faut se prémunir contre le froid, contre le chaud, contre l’injustice, &c.

PRÉNANTHÈS, (Botan.) genre de plantes dont voici les caracteres dans le système de Linnæus. Le calice commun est de forme cylindrique évasé au sommet ; il est garni à la base de cinq écailles égales, & de trois inégales, qui sont plus petites. La fleur est composée d’un assemblage de fleurs hermaphrodites placées en cercle ; chaque fleur particuliere est formée d’un seul pétale, découpé & divisé sur les bords en cinq segmens ; les étamines sont des filets capillaires très-courts ; les antheres sont tubulaires & cylindriques ; le germe du pistil est petit, & placé sous la fleur. Le stile est très-délié, & plus court que les étamines ; le stigma est fendu en deux, & replié ; le calice après que la fleur est tombée, réunit légérement au sommet ses différens segmens ; ses graines sont uniques, faites en cœur, avec une aigrette à duvet ; le réceptacle est nud. Il n’y a qu’une espece de ce genre de plante dans laquelle l’aigrette ait un pédicule. Linnæi, gen. plant. p. 374. (D. J.)

PRENDRE, (se) s’en prendre, (Lang. franç.) on dit fort bien je m’en prendrai à vous, si l’affaire ne réussit pas ; les malheureux ont tort de s’en prendre aux astres. En doit toujours être mis avant prendre, quand on donne à ce verbe la signification d’imputer. Si je perds mon procès, je m’en prendrai à vous, c’est-à-dire je vous imputerai la perte de mon procès ; se prendre sans en, veut dire au figuré attaquer, & non pas imputer : par exemple, il ne faut pas se prendre à plus méchant que nous. Se prendre au propre signifie s’attacher ; les gens qui se noient se prennent à tout ce qu’ils trouvent.

Il y a d’autres phrases dans notre langue, où en est si nécessaire, que dès qu’on l’ôte, on change le sens ; on en étoit venu si avant, qu’il falloit vaincre ou mourir. Cela veut dire dans le style figuré, que les choses étoient si engagées, qu’il falloit vaincre ou mourir. Mais si on ôtoit en, & qu’on dît, on étoit venu si avant, cela s’entendroit dans le sens propre, & ne marqueroit que le lieu où l’on seroit arrivé.

Je n’en puis plus, a une toute autre signification que je ne puis plus ; il en est de même de je ne sai où j’en suis, qui signifie toute autre chose que je ne sai où je suis. Il en est de même de se tenir & s’en tenir, qui ont des significations bien différentes.

MM. de Port-royal ont dit dans leur traduction du nouveau Testament, cette femme voulant prendre Jesus-Christ par sa propre bouche, &c. on ne dit point prendre quelqu’un par sa bouche, mais par ses paroles. (D. J.)

Prendre, a une infinité d’acceptions différentes ; on dit prendre à témoin, d’assaut, à force, un criminel, un lievre au gîte, au collet, un bâton, un fusil, l’épée, un livre, la main, un présent, un repas, ses suretés, des mesures, pour son ami, pour sa maîtresse, pour sa femme, une médecine, un lavement, du tabac, un bouillon, la fievre, la peste, la vérole, &c. On dit se prendre pour se figer, ou se glacer. Prendre sur soi, &c.

Prendre parti, (Langue françoise.) prendre parti tout seul, signifie s’enrôler pour servir à la guerre ; il a pris parti ; il prendra parti dans notre régiment. Prendre parti signifie aussi s’attacher au service de quelqu’un ; mais alors on marque toujours avec qui on s’engage ; il a pris parti avec M. le duc. Prendre son parti, veut dire, se résoudre ; j’ai pris mon parti ; elle prit son parti sur le champ. Prendre le parti de quelqu’un, c’est se mettre de son côté, le défendre, il faut prendre le parti des malheureux, des gens qu’on opprime, qu’on calomnie, qu’on persécute ; c’est un devoir de l’humanité. (D. J.)

Prendre vent devant, (Marine.) c’est-à-dire que le vent se jette sur les voiles d’un vaisseau sans qu’on le veuille. Nous prenons vent devant.

Prendre un ris ; c’est racourcir la voile à une hauteur déterminée.

Prendre une bosse ; c’est attacher la bosse ou l’amarrer.

Prendre les amures de quelque bord, c’est-à-dire, amurer de ce bord-là.

Prendre chasse & échapper. Prendre chasse, voyez Chasse.

Prendre hauteur. Prendre hauteur par-devant, prendre hauteur par derriere. Voyez Hauteur.

Prendre terre. Voyez Terre.

Prendre le trot, le galop, (Maréchal.) se dit de l’homme, lorsqu’il excite le cheval à aller le trot ou le galop, aussi bien que du cheval qui s’y met de lui-même. Prendre ses dents, c’est à l’égard du cheval la même chose que mettre ses dents. Voyez Mettre. Prendre le mort aux dents, se dit communément des chevaux de carrosse, lorsque n’ayant plus aucune sensibilité dans la bouche, ils vont de toute leur vîtesse sans pouvoir être arrêtés. Prendre les aides des jambes. Voyez Jambe. Prendre son avantage. Voyez Avantage. On dit qu’un cheval prend quatre ou cinq ans, pour dire qu’il en approche.

Prendre chair, (Jardinage.) se dit d’un fruit qui commence à grossir.

Prendre, v. act. terme de Vénerie ; ce mot s’emploie fréquemment en vénerie. On dit prendre le vent quand on prend les devans, ou quand le chien va lasser le cerf au vent. Prendre les devans, c’est quand on a perdu le cerf, & qu’on fait un grand tour avec les chiens courans pour le retrouver en le requêtant. Prendre son buisson ; c’est en parlant du cerf, lorsqu’il choisit au printems une pointe de bois pour se retirer le jour, & aller aisément la nuit aux gagnages ou aux champs. (D. J.)

Prendre, au jeu de l’hombre ; c’est prendre du talon autant de cartes qu’on en a écarté. Jouer sans prendre, c’est jouer sans écarter.

Prendre sans prendre, au jeu de quadrille, signifie l’action de jouer sans aucune aide, ni roi appellé, mais avec son seul jeu. On gagne ordinairement la moitié de ce à quoi est fixée la vole ; ainsi ce sera cinq jettons qu’on payera à celui qui gagne, si l’on est convenu d’en payer dix pour la vole. Observez que le sans prendre & les matadors ne sont dûs