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noms bisarres ; mais pourquoi tâchent-ils de jetter un ridicule sur ces pouls ? C’est qu’ils ne peuvent pas en démontrer la fausseté, & qu’ils ne peuvent cependant pas les admettre, parce qu’ils ne s’accordent pas avec leur regle, qu’ils sont inexplicables dans leur théorie, & qu’ils choquent, embarrassent & arrêtent la marche de leurs calculs, qui exigent nécessairement une certaine uniformité : des pouls décrits par Galien, ils n’ont conservé que ceux qu’ils ont cru se plier commodément à leur système, dont les explications leur ont paru assez naturelles, & qui d’ailleurs pouvoient se calculer aisément. Tels sont les pouls forts & foibles, fréquens & rares, grands & petits, durs & mols, égaux & inégaux, & l’intermittent. Ces différences sont fort simples, faciles à observer, & paroissent au premier coup d’œil assez significatives. Dans les idées qu’ils attachent à ces pouls, ils ne different de Galien que dans ce qui regarde le pouls rare & fréquent, par lesquels ils pensent exprimer, non-seulement les pouls où les pulsations se succedent avec beaucoup ou peu de promptitude, mais encore ceux où les pulsations s’élevent & s’abaissent vîte ou lentement, de façon qu’ils confondent assez ordinairement la vîtesse & la fréquence, la rareté & la lenteur, croyant que l’une ne sauroit exister sans l’autre. « La vîtesse des pulsations, dit Sylvius de le Boe, peut aisément se concevoir, mais elle ne sauroit s’observer. L’espace de tems, ajoute Bellini, que l’artere emploie pour s’élever dans l’état naturel, est si court, qu’il n’est pas possible qu’on puisse le distinguer au tact ; il sera encore moins sensible dans l’état contre-nature. » (de pulsib. pag. 65.) Frédéric Hofman, & quelques autres, ont cru que le pouls fort n’étoit pas bien différent du vîte ; mais cette idée n’est pas juste & n’est pas suivie.

2°. Causes du pouls. Tous les Méchaniciens s’accordent à regarder le mouvement ou la circulation du sang, comme la vraie & premiere cause du pouls ; mais ils ne parlent que du pouls ou battement des arteres. Celui du cœur, qu’on appelle plus communément le mouvement du cœur, est produit par d’autres causes. Voyez Cœur, Circulation, Diastole, Systole. Ils supposent donc le cœur deja mis en jeu par un autre mobile, se contractant & se dilatant alternativement, tantôt envoyant le sang dans les arteres, & tantôt le recevant des veines ; cela posé, voici comme ils raisonnent : le sang poussé avec plus ou moins d’impétuosité par la contraction des ventricules dans les arteres, y trouve nécessairement de la résistance ; son mouvement devenant moindre, & étant empêché, suivant l’axe de l’artere, doit augmenter par les côtés, semblable à une riviere qui déborde, s’étend sur le rivage, & frappe les corps qu’elle rencontre sur les côtés, lorsqu’elle trouve quelque obstacle qui empêche la liberté de son cours. Le sang poussé dans les arteres, éprouve de la résistance de la part de celui qui précede, dont la vîtesse diminue toujours à mesure qu’il s’éloigne du cœur, à cause de la division des arteres, de la multiplication des branches qui fait augmenter les surfaces dans une plus grande proportion que les capacités, & rend par-là les frottemens beaucoup plus considérables. Qu’on se représente deux ou plusieurs cylindres d’argile molle, mus suivant la même direction, avec une vîtesse inégale, de façon que le second en ait plus que l’autre, lorsque ces deux cylindres s’atteindront, il y aura un choc qui sera à leurs extrémités voisines, un applatissement plus ou moins considérable suivant la force du choc ; le diametre augmentera, leur circonférence sera plus grande, & il se formera une espece de bourlet. Si ces deux cylindres étoient contenus dans un étui souple & flexible, ils se dilateroient dans cette partie, &

formeroient un renflement. Appliquons maintenant cela au sang, poussé à différentes reprises dans les arteres ; concevons-en deux jets envoyés par deux contractions différentes, le premier aura parcouru une certaine portion d’artere dans le tems que le second commence à y entrer ; mais sa vîtesse diminuant, il sera bien-tôt atteint par le second, auquel il opposera de la résistance. Il y aura un choc dont la force sera mesurée par le quarré de l’excès de vîtesse du second jet sur le premier ; par conséquent reflux vers les parois de l’artere, qui étant molles & dilatables, seront poussées en dehors, & feront le mouvement de diastole. On peut imaginer la même chose, le même méchanisme dans toutes les portions de l’artere, & on aura l’idée de la dilatation de l’artere, premiere partie & la plus sensible du pouls. Mais en même tems que les jets postérieurs choquent ceux qui les précedent, ils leur communiquent une partie de leur vîtesse, par conséquent les degrés sont moins inégaux, & ils doivent nécessairement diminuer, & se rapprocher davantage, à mesure que le sang fait du chemin, & qu’il parvient aux petites artérioles ; enfin les vîtesses doivent être égales. Alors plus de résistance, plus de choc, plus de reflux vers les côtés, & plus de dilatation. Il me paroît qu’on pourroit tirer de-là une explication assez satisfaisante dans ce système de la diminution dans la force & la grandeur du pouls, dans les petits rameaux artériels, & enfin du défaut total dans les arteres capillaires & dans les veines ; phénomene qui avoit jusqu’à présent paru inexplicable par les mauvaises raisons qu’on en a données. Voyez Arteres.

Lorsque les parois de l’artere ont été distendues à un certain point par l’effort du sang, cette cause venant à cesser avec la contraction du cœur qui fait place à sa dilatation, leur élasticité qui avoit augmenté par la tension, a son effet ; le sang s’écoule pour remplacer les vuides que fait celui qui se décharge des veines & des oreilletes dans les ventricules dilatés. Les parois ni repoussés, ni même soutenus, obéissent à son effort ; ils se rapprochent mutuellement, & paroissent s’enfoncer sous le doigt qui tâte : c’est ce qu’on appelle contraction ou systole. Voyez ce mot. Une nouvelle contraction du cœur donne naissance à une seconde dilatation des arteres, que suit bien-tôt après une autre contraction, pendant que le cœur se dilate de nouveau. Cette suite de dilatations & de contractions n’est autre chose que le pouls.

La même cause qui produit le pouls, le fait varier ; les changemens qui arrivent dans les contractions des ventricules, & en particulier du ventricule gauche, se manifestent par les dilatations des arteres. Le sang peut entrer plus ou moins abondamment dans les arteres, y être poussé fréquemment ou rarement, avec plus ou moins de force. Les contractions du cœur peuvent être uniformes ou variables, tantôt plus vives, tantôt plus foibles, plus lentes ou plus rapides, séparées par des intervalles égaux ou inégaux. D’ailleurs le tissu des arteres peut être plus ou moins dense, plus lâche, ou plus ferme ; les obstacles qui se présentent aux extrémités capillaires, ou dans le cœur, peuvent varier : enfin le sang peut être en plus ou moins grande quantité, plus ou moins aqueux, &c. Toutes ces causes peuvent apporter de grands changemens dans la grandeur la force, la vîtesse, l’uniformité, l’égalité, la dureté & la plénitude du pouls.

Les causes des contractions du cœur sont l’abord du sang & l’influx des esprits animaux dans les ventricules ; à quoi Bellini ajoute fort inutilement & mal-à-propos l’entrée du sang dans les arteres coronaires. Si la quantité & la qualité du sang & des esprits animaux sont légitimes, les contractions du