il faut mouiller & mêler ces ingrédiens, de maniere que dans la composition il ne paroisse aucune différence. Pour cet effet on coupe la masse & on l’examine, & si elle est bien uniforme, on la met en grain comme il est dit ci-dessus.
Au cas que la poudre soit absolument gâtée, tout ce qu’on peut faire, c’est d’en extraire le salpêtre avec de l’eau, en la faisant bouillir, filtrer, évaporer & crystalliser à l’ordinaire, & en la mêlant de nouveau avec du souffre & du charbon. Chambers.
Outre les observations qu’on vient de voir, qui servent à décider de la bonté de la poudre, on s’est servi de différentes machines propres à cet effet, appellées éprouvettes. Voyez Eprouvette. Comme ces instrumens ne servoient qu’à comparer les poudres les unes avec les autres, sans faire juger de leur force particuliere, on en a quitté l’usage, & l’on se sert aujourd’hui pour éprouver la poudre, d’un petit mortier qui porte un boulet de fonte de 60 livres, lorsque trois onces de poudre mises dans ce mortier, qui est toujours pointé à 45 degrés, chassent le boulet à 50 toises, c’est la vraie force de la poudre de guerre, à 45 toises, c’est celle de la poudre défectueuse que l’on a raccommodée. Mémoires d’Artillerie de S. Remy, troisieme édition. Voyez ce mortier & les autres especes d’éprouvettes, Pl. II. de fortification.
Cette derniere maniere d’éprouver la poudre paroit la moins fautive & la plus exacte ; cependant ses effets sont fort variables, mêmes avec la même poudre : car il arrive que la même quantité de poudre dans la même épreuve porte quelquefois à 55 toises, & ensuite à 30. Cette distance du jet varie aussi suivant les degrés de chaud ou de froid, de condensation & raréfaction de l’air. M. Belidor avoit fait cette observation dans ses expériences aux écoles d’artillerie de la Fere. Les épreuves des poudres faites à Essonne au mois de Juin 1744, ont donné la même chose, c’est-à-dire, que ces épreuves qui furent commencées à sept heures du matin, & qui durerent jusqu’à midi, donnerent des distances qui allerent toujours en diminuant ; ce qui est conforme aux épreuves de M. Belidor, qui avoit remarqué que les portées des pieces sont plus longues le matin où l’air est frais, que vers le milieu du jour où il est plus chaud.
Pour connoître la force ou l’extension de la poudre, « on a fait, dit M. Dulacq (théorie nouvelle sur le méchanisme & l’artillerie), plusieurs expériences en mettant de la poudre au centre de plusieurs circonférences concentriques, à-l’entour desquelles on a rangé de la poudre. On a vu que la poudre s’enflammoit circulairement, puisque toute une circonférence prenoit feu à-la-fois. On a vu aussi par l’éloignement des circonférences qui s’enflammoient l’une & l’autre, l’etendue de la dilatation de la poudre. Conséquemment à ces expériences & à quelques autres à-peu-près semblables, faites avec toutes les précautions nécessaires pour bien s’en assurer, on a fixé le volume du fluide (ou celui qui forme la poudre entierement enflammée) environ à 4000 fois le volume de la poudre en grains. Ensorte que si l’on prend quelque quantité de poudre que l’on voudra, la flamme de cette poudre formera un volume 4000 fois plus grand », c’est-à-dire, qu’une sphere de poudre étant enflammée librement au milieu de l’air, formeroit une autre sphere dont le diametre seroit seize fois plus grand ; car on sait que les spheres sont entr’elles comme les cubes des diametres, & par conséquent les diametres, comme les racines cubes des spheres, c’est-à-dire, dans cet exemple, comme la racine cube de 1, qui est 1, est à la racine cube de 4000, qui est à-peu-près 16.
« Pour m’assurer, dit le même M. Dulacq, de
l’extension de la poudre enflammée, j’ai fait mettre sur une grande table de noyer bien polie, dans une chambre bien fermée, un grain de poudre seul, & ensuite prenant huit fois le diametre de ce grain de poudre, j’ai rangé plusieurs autres grains seuls de cette poudre à cette distance, & donnant le feu à un seul de ces grains de poudre, la flamme s’étant étendue seize fois plus loin, a toujours communiqué le feu d’un grain à l’autre.
« J’ai ensuite pris environ une demi-amorce, & ayant pris huit fois le diametre de cette masse de poudre, que j’ai mis le plus régulierement qu’il m’a été possible sur la table, j’en ai rangé plusieurs autres de la même maniere à cette distance ; le feu d’une de ces amorces a toujours communiqué le feu d’amorce en amorce à toutes les autres. J’ai fait les mêmes épreuves en augmentant les quantités de la poudre, & les éloignant de leurs diametres, la chose m’a toujours réussi de même.
« Pour voir si la poudre s’étendoit circulairement étant sur un plan… j’ai tracé un quarré dont les côtés étoient divisés également en un nombre égal de parties, ce qui formoit dans ce grand quarré plusieurs petits quarrés, dont chaque côté étoit huit fois celui de l’axe de la poudre, qui étoit régulierement, & en égale quantité répandue sur chacun de leurs angles ; le feu d’un de ces tas de poudre a toujours successivement communiqué de l’un à l’autre, à ceux qui étoient dans chaque angle des petits quarrés, ce qui prouve que toutes les extensions étoient égales, &c.
« Pour m’assurer si cette extension ne pouvoit point excéder huit fois le diametre d’un tas à l’autre, j’ai recommencé mes expériences. Au-lieu de ranger les tas à des distances égales, j’ai rangé le deuxieme tas de poudre à huit diametres ; le troisieme à neuf, le quatrieme à dix, le cinquieme à onze, en augmentant toujours d’un diametre chaque fois, j’ai trouvé qu’ils alloient quelquefois jusqu’à dix diametres ; mais jamais ils ne l’ont pu surpasser. Si cela arrivoit toujours ainsi dans toutes les poudres, on voit que le globe enflammé seroit environ 8000 fois plus grand que le globe de poudre, puisque son axe seroit vingt fois plus grand. Ce plus ou moins d’extension dépend de la bonne ou mauvaise qualité de la poudre, de la nature de l’air qui environne la poudre, & du soufre & du salpêtre plus ou moins rafiné dont elle est composée ».
Toutes ces observations se rapportent assez à celles de M. Bigot de Moragues, officier d’artillerie dans la marine, d’un mérite distingué ; il dit dans son essai sur la poudre, qu’il en a trouvé qui augmentoit 5600 fois son volume étant enflammée, & d’autre qui ne l’augmentoit que 4000 fois ; mémoires d’artillerie de Saint Remy, troisieme édition. M. Belidor a aussi donné une théorie sur la poudre ; on la trouve dans son bombardier françois, & dans l’édition des mémoires qu’on vient de citer. (Q)
Poudre, (Artifice.) la poudre à canon s’emploie dans l’artifice ou grainée pour faire crever avec bruit le cartouche qui la renferme, ou réduite en poudre, qu’on nomme poussier, dont l’effet est de fuser lorsqu’il est comprimé dans un cartouche.
On en forme aussi une pâte (en la détrempant avec de l’eau) que l’on emploie à différens usages, & particulierement pour faire de l’amorce & de l’étoupille.
Pour la réduire en poussier, on la broie sur une table avec une mollette de bois, & on la passe au tamis de soie le plus fin ; on met à-part ce qui n’a pu passer pour s’en servir à faire les chasses des pots-à-feu ; c’est ce qu’on nomme relien : cette poudre à moitié écrasée est plus propre à cet usage que la poudre entiere, dont