Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les demons avoient des corps. 2°. S’ils leur ont donné quelque pouvoir sur les corps, c’étoit par leurs propres forces corporelles qu’ils leur faisoient exercer ce pouvoir ». Mais comme aujourd’hui ces deux suppositions sont démontrées fausses, il s’ensuit que les possessions qu’on fondoit sur ces hypothèses n’ont point été réelles.

Dom la Taste répond, « qu’il est vrai que quelques peres ont pensé que les démons ont de vrais corps, ne regardant néanmoins ce sentiment que comme une pure opinion, ainsi que St. Augustin, l’un d’entre eux, s’en est expliqué, lib. XXI. de civitate Dei ; mais que tous, ou presque tous les peres jusqu’aux derniers siecles, ayent eu la même idée, c’est ce qui est certainement faux. N’est-il pas constant que de ceux qui ont attribué des corps aux démons, plusieurs ne donnoient point au nom de corps le sens que nous y donnons, qu’ils opposoient corporel à immense, comme ont fait St. Jean Damascene, lib. II. de fid. orthod. & St. Grégoire le Grand, lib. II. moral. cap. iij. & que quelquefois ils les appelloient corps, comme une substance revêtue d’accidens ? N’est-il pas même certain que le plus grand nombre des Peres ont enseigné que les démons sont de purs esprits, conformément à la doctrine de l’Apôtre, Ephes. cap. vj » ? Ainsi la premiere objection porte à faux.

« La seconde, ajoute-t-il, n’est pas plus solide. On y soutient que si les Peres ont donné quelque pouvoir aux démons sur les corps, c’est parce qu’ils les supposoient revêtus de corps, & que ce n’est que par leurs forces corporelles qu’ils les faisoient agir. Erreur manifeste. Est-ce en les supposant corporels que ceux d’entre les peres qui les croyoient de purs esprits leur attribuoient ce pouvoir sur les corps ? Est-ce par leurs facultés corporelles que les faisoient opérer tant d’autres peres, qui n’osant assurer qu’ils aient un corps, assuroient pourtant qu’ils ont sur les corps un grand pouvoir ? Or il est indubitable que tous ou presque tous les peres sont compris dans ces deux classes. En un mot, beaucoup ont nié que le démon ait un corps, beaucoup en ont douté, & nul n’a nié son pouvoir sur les corps, nul n’en a douté. C’est donc indépendamment de l’idée sur la nature diabolique que les Peres ont reconnu le pouvoir du démon sur les corps, & par conséquent la réalité des possessions ».

Mais, ajoutoient les défenseurs des convulsions, les Peres étoient imbus du platonisme, c’est-là une des sources, & peut-être la principale de leur sentiment sur le pouvoir du démon, & après-tout c’étoit une pure opinion dont il est permis de s’écarter. A cela dom la Taste répond que ni Eusebe, ni St. Justin, ni Lactance, ni St. Augustin, ni Théodoret, ni St. Epiphane, ni les autres n’ont pas été puiser des principes dans une philosophie qu’ils ont rejettée, méprisée, déclarée fausse, &c. Mais il faut avouer que cette réponse générale ne détruit pas l’objection ; car il passe pour constant que si les Peres n’ont pas été servilement attachés aux idées du platonisme, on en trouve du-moins beaucoup de traces, &, s’il est permis de s’exprimer ainsi, d’assez fortes teintes dans leurs écrits ; mais c’étoit sur l’Ecriture qu’ils avoient formé leur langage. Ce qu’il ajoute est beaucoup plus solide, savoir que les Peres ont si peu regardé cette matiere comme une chose d’opinion, qu’ils l’ont crue liée à la foi. C’est ainsi du-moins qu’en parle St. Augustin : Addimus, dit-il, lib. XXI. de civitate Dei, cap. vj. per homines dæmonicarum artium & ipsorum per se ipsos dæmonum multa miracula, quæ si negare voluerimus, iidem ipsi cui credimus sacrarum litterarum adversabimur veritati. Lettres théologiques aux écrivains défenseurs des convulsions, lett. XXI. n°. 108. & suiv.

Josephe, Antiquités, liv. VII. c. xxv. a cru que les

possessions du démon étoient causées par l’ame des scélérats, qui craignant de se rendre au lieu de son supplice, s’empare du corps d’un homme, l’agite, le tourmente & fait ce qu’elle peut pour le faire périr. Ce sentiment paroît particulier à Josephe, car le commun des Juifs ne doutoit point que ce ne fussent des démons qui possédassent les énergumenes. L’Ecriture, dans Tobie, cap. vj. v. 19. & cap. viij. v. 2. & 3. nous apprend que le démon Asmodée fut mis en fuite par la fumée d’un foie de poisson. Josephe raconte que Salomon composa des exorcismes pour chasser les mauvais esprits des corps des possédés, & qu’un juif, nommé Eléazar, guérit, en présence de Vespasien, quelques possédés en leur appliquant un anneau dans lequel étoit enchâssée la racine d’une herbe enseignée par Salomon. En même tems qu’on prononçoit le nom de ce prince, & l’exorcisme dont on le disoit auteur, le malade tomboit par terre, & le démon ne le tourmentoit plus. Ils croyoient donc & que les démons agissoient sur les corps, & que les corps faisoient impression sur les démons. On peut consulter sur cette matiere la dissertation du pere Calmet imprimée dans le recueil de ses dissertations, à Paris en 1720.

POSSESSOIRE, adj. (Jurisprud.) est en général quelque chose relative à la possession.

On entend quelquefois par possessoire, la possession-même ou l’instance de complainte, comme quand on dit que l’on a jugé le possessoire.

Action possessoire, est celle qui ne tend qu’à être maintenu ou réintégré dans la possession. Voyez Possession. (A)

POSSESSOIREMENT, adv. (Jurisprud.) se dit de ce qui est fait relativement à la possession. Agir possessoirement, c’est former complainte, agir au possessoire.

POSSET, s. m. (Méd.) c’est une boisson d’usage en Angleterre dans les fievres & les maladies putrides, où elle convient fort. On la compose de lait bouillant deux pintes, qu’on jette sur une demi-pinte de vin blanc, & qu’on édulcore avec deux ou trois onces de sucre en poudre. On passe ce mélange par la chausse d’Hippocrate. La partie séreuse du lait qu’on en retire forme une liqueur diurétique, apéritive & contraire à la putréfaction. (D. J.)

POSSIBLE & POSSIBILITÉ, (Métaphysique.) c’est ce qui n’implique point contradiction. Toutes les fois qu’en assemblant deux idées nous appercevons clairement que l’une ne repugne point à l’autre, & qu’elles ne se détruisent pas réciproquement, nous regardons cette combinaison, & la proposition qui l’exprime, comme possibles. Il faut au reste bien distinguer entre possible & actuel. Tout ce qui n’implique pas contradiction est possible, mais il n’est pas actuel. Il est possible, par exemple, qu’une table, qui est quarrée, devienne ronde ; cependant cela n’arrivera peut-être jamais. Ainsi tout ce qui existe étant nécessairement possible, on peut conclure de l’existence à la possibilité, mais non pas de la possibilité à l’existence.

Nous sommes en droit de regarder comme possible, 1°. tout ce qui ne renferme rien de contradictoire à soi-même ; 2°. tout ce qui ne répugne point à quelqu’autre proposition déja reconnue pour vraie ; 3°. tout ce qui est supposé d’après l’expérience, suivant ce principe, tout ce qui est peut être ; 4°. toute combinaison d’attributs, dans laquelle l’un d’eux, ou quelques-uns déterminent tous les autres ; 5°. toute combinaison où l’on comprend que les attributs, quoiqu’ils ne se déterminent pas réciproquement, peuvent être associés ; 6°. tout ce qui suppose ce qui est déja démontré ; 7°. tout ce dont on peut faire voir la maniere dont il est produit, en donnant sa définition réelle, voyez Définition ; 8°. toute proposi-