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marteau : on voit par-là que le coup de marteau peut être assez violent sans que l’enclume parcoure plus d’une ligne : or la poitrine en s’applatissant & diminuant d’une ligne son petit diametre, ne souffrira pas beaucoup.

Pour trouver la cause de la force de la poitrine pour soutenir un poids aussi énorme que le poids d’une enclume, on n’a qu’à se souvenir qu’une vessie gonflée, & qui s’ouvre par un tuyau fort étroit, soutiendra un poids fort pesant, lorsqu’une force infiniment plus petite que la pesanteur du poids comprimera le tuyau. Les poumons doivent être regardés dans le cas dont il s’agit, comme une vessie gonflée d’air, & la glotte représente le petit tuyau. Une force très-petite qui resserrera la glotte, retiendra l’air dans les poumons, & l’air étant retenu dans la poitrine, elle pourra soutenir des corps très-pesans : de-là vient que ceux qui sont cette rude épreuve ne parlent point durant le tems qu’ils sont charges de l’enclume.

La capacité de la poitrine croit successivement dans le fœtus ; mais les poumons ne croissent pas proportionnellement, on les trouve à la partie postérieure du thorax, formant un volume très-resserré ; cet espace est donc occupé par le thymus. Heist. Anat. avec des essais. Voyez Thymus.

Poitrine, maladies de la, (Médec.) Les maladies qui attaquent différentes parties de la poitrine, exigent une cure particuliere. Les blessures qui ne pénetrent point, forment un sac qui se rompt intérieurement comme dans la contusion de cette partie ; celles au contraire qui sont pénétrantes, deviennent dangereuses à raison de l’effusion du sang, & de la lésion des organes intérieurs. La fistule de la poitrine est difficile à guérir ; pour y reussir, il faut empêcher l’air d’y entrer. La déformité alors plus fréquente tant dans les côtes que dans les vertebres & le sternum, se prévient & se guérit par le moyen des machines propres au rétablissement de ces parties. On trouve dans la Chirurgie ce qui concerne la luxation des os, & la fracture de cette partie.

L’amas de quelque humeur que ce soit dans la cavité de la poitrine, s’évacue plus difficilement que par-tout ailleurs. Son enflure extérieure, signe d’une hydropisie de poitrine ordinairement difficile à connoître, ou de l’empyéme, ne permet guere une compression extérieure, mais elle exige les diurétiques. On remédie à la fréquence de la respiration qu’on y remarque alors, par la suction de l’humeur amassée, & par une respiration artificielle ; ensuite il faut avoir soin de couvrir l’ouverture extérieure.

L’échymose & l’abscés dans les parties extérieures veulent être ouvertes plutôt qu’ailleurs. La métastase qui se fait à l’extérieur n’est point dangereuse, mais celle qui arrive intérieurement l’est extraordinairement. On connoît les crachats, le pus, & l’eau contenus dans l’intérieur par leurs signes propres & particuliers.

La matiere arthritique, catharreuse, rhumatique, podagrique, & toutes les douleurs qui attaquent les parties extérieures de la poitrine, rendent la maladie plus difficile que dans les extrémités, sans cependant qu’elle soit absolument dangereuse. Mais si la matiere vient une fois à se porter à l’intérieur, le danger augmente considérablement.

Il y a une très-grande sympathie entre la poitrine, les voies urinaires, & les extrémités inférieures ; c’est pourquoi la matiere morbifique de cette partie doit y être attirée. Les battemens de la poitrine prognostiquent quelquefois l’hæmophtysie : mais la palpitation se trouve souvent jointe aux maladies convulsives & à celles du cœur. L’inflammation & l’érésipelle extérieures suivent la cure générale. La sueur qui dans les maladies phtysiques, empyématiques,

& certaines autres aiguës, ne paroît que sur la poitrine, annonce du danger.

Les maladies aiguës de l’intérieur de la poitrine présentent contre l’ordinaire un pouls foible & mou : les chroniques plus que toutes les autres, rendent l’urine épaisse & trouble. (D. J.)

POITRINIERE, la, s. f. (Rubannier.) traverse qui passe d’un montant à l’autre à l’endroit où est la poitrine de l’ouvrier ; à cette poitriniere est attaché un rouleau, sur lequel passe l’ouvrage à mesure que l’on fait tourner l’ensouple de devant sur laquelle l’ouvrage s’enroule ; c’est aussi à cette poitriniere que sont attachées les bretelles par leurs bouts d’en-bas. Voyez Bretelles.

POIVRADE, s. f. (Cuisine.) sauce que les Cuisiniers font avec du vinaigre, du sel, de l’oignon ou des siboules, de l’écorce de citron ou d’orange, & du poivre ; le tout ensemble.

POIVRE, s. m. (Hist. des drog. exot.) espece d’aromate qui a toujours été recherché dans tous les siecles & dans tous les pays pour assaisonner les alimens. Il est aussi connu qu’employé par les anciens grecs, les arabes, & les modernes. Dioscoride, Galien, & d’autres auteurs, en distinguent trois sortes ; savoir, le noir, le blanc & le long, qu’ils croient être les mêmes fruits, mais seulement différens entr’eux par le degré de maturité : mais le poivre noir & le poivre long que nous connoissons sont des fruits de différentes plantes, que nous considérerons aussi séparément.

Les Grecs appellent cet aromate πέπερι, les Arabes fulfel, & nos botanistes latins piper. On en distingue différentes especes que nous décrirons séparément, en nous bornant ici à quelques remarques sur cet aromate en général. (D. J.)

Poivre noir, (Hist. des drog. exot.) Le poivre noir est le piper rotundum de C. B. P. 411. C’est un fruit, ou une graine desséchée, petite, de la grosseur d’un pois moyen, sphérique, & revêtue d’une écorce ridée, noire ou brune ; cette écorce étant ôtée, on voit une substance un peu dure & compacte, dont l’extérieur est d’un verd jaune & l’intérieur blanc. Elle laisse une fossette vuide à son milieu ; cette graine est âcre, vive, brûlant la bouche & le gosier. On nous l’apporte des parties des Indes orientales qui sont sous la domination des Hollandois. On choisit le plus gros, le plus pesant, & le moins ridé.

La plante sur laquelle ce fruit croît, s’appelle en françois poivrier ; par Pison, lada ; aliis, molanga sive piper aromaticum ; Pison. mant. arom. 180. molago-coddi : hort. malab. tom. VII. xxiij.

Sa racine est petite, fibreuse, flexible, noirâtre ; elle pousse des tiges sarmenteuses en grand nombre, souples, pliantes, grimpantes, vertes, ligneuses, qui se couchent sur la terre comme fait le houblon, lorsqu’elles ne sont pas soutenues par des échalas ; elles ont plusieurs nœuds, de l’entre-deux desquels sortent des racines qui entrent dans la terre, lorsqu’elles sont couchées dessus. De chaque nœud naissent des feuilles solitaires, disposées alternativement ; elles sont à cinq nervures, arrondies, larges de deux ou trois pouces, longues de quatre, terminées en pointe, épaisses, fermes, d’un verd clair en-dessus ; portées par des queues courtes, épaisses, vertes, & cannelées intérieurement.

Les fleurs viennent en grappes soutenues par un seul pédicule ; elles sont monopétales, partagées en trois à leur bord. Quand elles sont tombées, il leur succede des fruits, ou des grains tantôt plus gros, tantôt plus petits, sphériques, de la grosseur d’un pois moyen ; il y en a jusqu’à vingt, & même jusqu’à trente attachés sur un petit pédicule commun ; ils sont verds d’abord, rouges lorsqu’ils sont mûrs, unis à leur superficie, laquelle se ride & se noircit lorsqu’on les seche. Tantôt ces grappes viennent à l’extrémité