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préférence aux auteurs anciens, & d’observer des plantes, au lieu de feuilleter des livres. Quelles connoissances pouvoit-on tirer de ces ouvrages qui étoient devenus fautifs & incomplets par le laps des tems, & qui n’avoient jamais contenu que des noms de plantes ou des descriptions si imparfaites qu’il n’étoit pas possible d’y reconnoître la plûpart des plantes dont on y avoit fait mention ? Il auroit fallu parcourir, comme on l’a fait dans la suite, les pays que Theophraste, Dioscoride & les autres auteurs anciens avoient habités, & observer les plantes qui s’y trouvent, pour reconnoître celles qu’ils avoient eu pour objet dans leurs livres ; la tradition du pays pouvoit avoir conservé les anciens noms de quelques-unes de ces plantes, ou la connoissance de leurs propriétés anciennement connues. Mais n’y avoit-il pas en Europe un assez grand nombre de plantes pour occuper les botanistes, indépendamment de celles de l’Asie ? Au moins falloit-il commencer par connoître les caracteres distinctifs des plantes qui étoient sous leurs yeux, avant de rechercher celles dont les anciens ont fait mention. On prit ce parti sur la fin du seizieme siecle ; Dodonée, Césalpin, Clusius, Lobel, Colomna, Prosper Alpin, les deux Bauhins, &c. firent des recherches sur les plantes d’Europe, & leurs observations furent les vrais fondemens de la botanique.

Les matériaux s’accumulerent bientôt ; mais l’ordonnance manquoit à l’édifice. Après avoir décrit exactement un grand nombre de plantes, il falloit encore combiner leurs caracteres, pour trouver des signes distinctifs auxquels on pût les reconnoître aisément chacune en particulier ; ces signes devoient être établis sur des caracteres constans, & sur des différences invariables entre diverses especes de plantes, pour prévenir les erreurs que des variétés dans les individus d’une même espece auroient pû causer. Il y a plus de deux cens ans que Gesner donna la préférence aux caracteres pris sur les fruits, les semences & les fleurs ; Césalpin, environ vingt ans après Gesner, fut de la même opinion, en disant « que l’un avoit eu raison d’établir plusieurs genres de plantes sur la production & sur la structure des fruits, &c. » Voyez Genre, Methode, Botanique. Au commencement du dix-septieme siecle, Colomna pensa, comme Gesner & Césalpin « qu’il falloit juger des caracteres génériques par la fleur, par la capsule, ou pour mieux dire, par la semence même. » Mais ce plan de méthode pour la nomenclature des plantes fut négligé jusqu’à la fin du siecle dernier ; alors cette méthode fut renouvellée par Morison, & Rai l’a suivi dans son histoire des plantes ; il les distribua en vingt-huit genres. Comme ces divisions méthodiques des productions de la nature en différens genres sont toujours établies sur des conditions arbitraires, on peut faire grand nombre de ces méthodes sur les mêmes principes, c’est-à-dire, en tirant les parties génériques des mêmes parties des plantes ; aussi en a-t-on déja fait plusieurs sur les parties de la fructification. Les méthodes de M. de Tournefort & de M. Linnæus sont les plus célebres ; nous avons suivi celle de M. Tournefort dans ce Dictionnaire. Ce grand botaniste a été le premier qui ait distribué les genres des plantes en classes, comme on avoit déja avant lui distribué les especes en genres. Voyez les élémens de la Botanique 1694.

Nous allons donner quelqu’idée des principes & de la division générale de la méthode de M. Tournefort. « Une plante, selon cet auteur, est un corps organisé qui a essentiellement une racine, & peut-être une semence : & ce corps produit le plus souvent des feuilles, des tiges & des fleurs. » De ces cinq parties M. Tournefort préfere les fleurs & les fruits pour caractériser les genres, ainsi les plantes

dont les fleurs & les fruits ont la même figure & la même disposition, sont du même genre. On prend dans chaque genre pour especes distinctes celles qui different les unes des autres pour les racines, les tiges ou les feuilles. Voyez Racine, Tige, Feuille. Lorsque les fleurs & les fruits ne suffisent pas pour déterminer quelques genres, l’auteur emploie des caracteres pris non-seulement sur les racines, les tiges ou les fleurs, mais il admet aussi les propriétés de la plante, sa maniere de croître & son port. Les classes sont établies sur les différences des figures des fleurs. Voyez Fleur.

Ces classes sont au nombre de vingt-deux : la premiere comprend les herbes & tous arbrisseaux à fleur monopétale en forme de cloches & de rosettes.

La seconde, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs monopétales, en forme d’entonnoir ou de rosette.

La troisieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs monopétales anomales.

La quatrieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs monopétales labiées.

La cinquieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales, en forme de croix.

La sixieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales, en forme de rose.

La septieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales, en rose & en ombelles ou parasol.

La huitieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales, en forme d’œillet.

La neuvieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs, en forme de lis.

La dixieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales légumineuses.

La onzieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales anomales.

La douzieme, les herbes & sous-arbrisseaux dont les fleurs sont composées de fleurons.

La treizieme, les herbes & sous-arbrisseaux dont les fleurs sont composées de demi-fleurons.

La quatorzieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs radiées.

La quinzieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs, sans pétales ou à étamines.

La seizieme, les herbes & sous-arbrisseaux dont on ne connoit pas les fleurs, mais seulement les semences.

La dix-septieme, les herbes & les sous-arbrisseaux dont on ne connoit ni les fleurs ni les fruits.

La dix-huitieme, les arbres & les arbrisseaux dont les fleurs n’ont point de pétales.

La dix-neuvieme, les arbres & les arbrisseaux à fleurs à chatons, sans pétales.

La vingtieme, les arbres & les arbrisseaux à fleurs monopétales.

La vingt-unieme, les arbres & les arbrisseaux à fleurs en roses.

Enfin la vingt-deuxieme classe comprend les arbres & arbrisseaux à fleurs légumineuses.

Ces classes sont divisées en sections, & les sections en six cens soixante & treize genres. Elem. de bot. par M. Tournefort.

La méthode de M. Tournefort a été adoptée par plusieurs botanistes qui y ont rapporté grand nombre de genres nouveaux. Ces botanistes sont, le P. Plumier, minime, dans le livre intitulé, nova plantarum americanarum genera. in-fol. 1703, in-4o. Pontedera, professeur de botanique à Padoue, dans le livre qui a pour titre : Pontederæ anthologia, sive de floribus naturæ. Micheli, botaniste du grand duc de Toscane, dans le livre intitulé : nova plantarum genera, juxta Turnefortii methodum disposita, & c. in-fol. 1729.

On a fait des objections contre la méthode de M. Tournefort, & il y en aura toujours à faire contre les méthodes ; celle de M. Tournefort n’est pas uni-