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sistent aux corps qui s’y meuvent ; 8°. du mouvement des vaisseaux poussés par le vent ; 9°. du mouvement circulaire des fluides ; 10°. du mouvement de l’air dans la production du son ; 11°. du mouvement interne des fluides, duquel naît la chaleur. Chausepié, Dictionn. (D. J.)

PHOSPHORE, s. m. (Physiq.) corps qui a la propriété de donner de la lumiere dans l’obscurité ; il y a des phosphores naturels, c’est-à-dire, que la nature produit sans le secours de l’art, comme la pierre de Boulogne : il y en a d’artificiels, comme le phosphore de Kunckel, celui de M. Homberg ; il y en a qui ont besoin, pour donner de la lumiere, d’être frottés auparavant, comme le phosphore de Kunckel ; il y en a qui n’ont besoin que d’être exposés à l’air, comme le phosphore de M. Homberg & la pierre de Boulogne. La cause générale de la lumiere des phosphores, est que la matiere du feu ou celle de la lumiere se trouve en général plus abondante dans ce corps que dans d’autres, ensorte que le simple frottement peut le mettre en action, ou que la simple action des particules de feu ou de lumiere répandues dans l’air peut la reveiller. Les phénomenes des phosphores ont beaucoup de rapport aux phénomenes électriques. Voyez Feu, Feu électrique, Lumiere, Électricité, &c.

Phosphore, (Chimie.) le nom de phosphore ou porte-lumiere, a été donné à différens corps, dans lesquels l’élément du feu qu’ils contiennent devient apparent. Il est plusieurs de ces corps qui jouissent naturellement de la propriété phosphorique, & qui n’ont besoin pour être reconnus tels, que d’être examinés dans l’obscurité ; d’autres de quelques secours particuliers ; ceux-ci de quelques mélanges ; ceux-là sont les produits de différentes dissolutions, fermentations, & effervescences ; d’autres enfin, sont absolument formés par l’art.

Quoique nous n’ayons dessein que de parler du phosphore, qui est un produit de l’art, nous jugeons cependant à propos de présenter ici l’ordre particulier dans lequel les différentes especes de phosphores, doivent être rangés.

Premier ordre. En premier lieu, il est des corps qui sont rendus phosphores, par le fluide électrique qui les pénetre. Tels sont les vers luisans, le leucciola d’Italie, les mouches des Antilles, les moucherons de la gune de Venise, l’éguillon de la vipere irritée, les yeux de quelques animaux vivans, la chair de ceux qui sont nouvellement tués, certains poissons vivans, quelques coquillages, les poils des chats, des chiens, des chevaux, ceux des hommes, & leurs cheveux vivement frottés ; ces corps ne sont pas par eux-mêmes phosphores, mais le deviennent en ce qu’ils font dans ces occasions l’office de conducteur de la matiere électrique qui sort de ces animaux ; les conducteurs de l’electricité en rendent les effets plus apparens, selon qu’ils sont plus denses & figurés en pointe, comme sont les poils. On range dans ce même ordre tous les phosphores produits par l’électricité qui naît du frottement, comme le mercure agité dans un tube vuide d’air ; ce même tube sans mercure vivement frotté extérieurement ; le globe d’Hauxbée, &c. les phosphores électriques produits par communication de l’électricité. On peut même ajouter quelques météores lumineux, comme certains éclairs & le tonnerre. Voyez Electricité.

Second ordre. Nous comprenons dans ce second ordre les corps rendus phosphores par des chocs ou frottemens rudes qui mettent en jeu le feu contenu dans leurs intérieurs.

Les cailloux, les pierres naturelles, battues les unes contre les autres, ou frottées vivement ; celles que l’art imite, comme aussi l’union de quelques ter-

res avec certaines substances ; par exemple, le spat, ou le colchotar fondu avec l’argille, l’acier, & le fer, s’embrasent, s’ils sont vivement percutés par un caillou, un diamant, une agate, un marteau, une lime, ou tout autre corps dur, ainsi que l’alliage du fer à l’antimoine, & de plusieurs autres métaux entre eux, lorsqu’on les lime rudement.

Nous mettons ainsi dans cet ordre les bois durs & résineux vivement frottés, le sucre, la cadmie des fourneaux, le mélange de chaux & de sel ammoniac, qui rendent aussi de la lumiere dans l’endroit frappé.

Troisieme ordre. Nous y comprenons les corps qui exposés à la chaleur du soleil ou d’un feu violent, ont absorbé la lumiere lors de leur dilatation, & la retiennent ensuite pour ne la laisser échapper que peu-à-peu, ou seulement lorsqu’une douce chaleur les rapproche de l’état où ils étoient lorsqu’ils l’admirent. L’émanation lumineuse que donnent ces corps, diminue a proportion que la chaleur ou la lumiere qui les mettoit en mouvement, n’agit plus sur eux.

Tels sont la pierre de Boulogne, la topase de Saxe, & les pierres de ce genre ; les albatres, les marbres, le gyps, les belemnites, les pierres à chaux, les fossilles ; en un mot, toutes les substances qui sont ou qui fournissent des terres absorbantes, deviennent semblables à la pierre de Boulogne, lorsqu’elles sont calcinées à un feu violent ; & tous ces corps rendent la lumiere comme ils l’ont reçue ; je veux dire colorée, suivant la couleur que l’on a donnée au feu qui les a calcinées ; les substances, qui quoique de ce genre, ne deviennent pas phosphores par la calcination, le deviennent par art : le phosphore de Baudouin, qui est le plus connu, n’est qu’une dissolution de craie dans l’acide nitreux. Cette dissolution évaporée à siccité & calcinée, produit un phosphore, qui comme la pierre de Boulogne, devient lumineux dans l’obscurité dès qu’il a été exposé un moment au soleil ou simplement au jour.

M. Dusay observe, mémoire de l’académie 1730, que toutes les substances terreuses & pierreuses qui sont dissolubles dans l’acide nitreux, jouissent de la même propriété. Il est des substances sans nombre, qui selon les observations de M. Beccarri, consignées dans les mémoires de l’académie de Boulogne, n’ont besoin que de la simple exposition au soleil pour devenir lumineuses dans l’obscurité. Le vieux bois de chêne, les coquilles d’œufs & le papier, possedent la propriété phosphorique supérieurement. M. Beccarri remarque que le papier & sans doute plusieurs autres substances, deviennent phosphores par le contact d’un métal échauffé. Suivant les différentes recherches de MM. Boyle, Dufay, & Beccarri, il paroît qu’il n’est point de substance qui ne devienne phosphore, si toutesfois on en excepte les métaux, & les corps obscurs ; & celles qui ne le sont pas par la simple exposition au soleil, ou à la chaleur, le deviennent au moyen de l’ébullition dans l’eau, ou par la calcination simple, ou précédée de leur dissolution dans l’acide nitreux. Les linges & les étoffes de soie, chauffées auprès d’un feu de charbon, frottées ensuite vivement entre les mains selon leur longueur, rendent des étincelles de lumiere ; & nous avons éprouvé que ces étoffes comme le bois pourri, la pierre de Boulogne, & beaucoup d’autres substances, jettent une lumiere plus vive lorsqu’elles sont humides ou entierement mouillées. Il est naturel de penser qu’un fluide tel que l’eau, s’insinuant facilement dans ces corps, les comprime, & dispose la lumiere à s’échapper plus rapidement. Aussi observe-t-on que ces corps mouillés, lorsqu’ils sont rendus phosphores, gagnent sur la vîtesse de l’émanation, ce qu’ils perdent sur la durée.

Quatrieme ordre. Il comprend les phosphores pro-