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Perdrix du Sénégal, perdix Senegalensis, oiseau du genre des perdrix, il est un peu plus grand que notre perdrix rouge. Il a environ un pié deux pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité de la queue ; tout le corps est varié de roux, de brun & de blanc sale ; le dessus de la tête est roux & n’a point de taches ; les côtés sont d’un blanc sale, & ont de petites taches longues & brunes ; la gorge est aussi d’un blanc sale, mais elle n’a point de taches. Il y a sur les côtés de la tête trois petites bandes qui prennent leur origine à la racine du bec ; la bande du milieu est blanche, & les deux autres sont noires ; la supérieure s’étend jusques sur le derriere de la tête, & les deux autres seulement derriere les yeux ; le cou est roux & marqué de taches brunes & de blanc sale. Il y a à chaque pié deux ergots. On trouve cet oiseau au Sénégal. Ornith. de M. Brisson. Voyez Oiseau.

Perdrix, (Chasse.) on donne, comme on voit, le nom perdrix à plusieurs oiseaux de différens pays, tels que la perdrix de Grece, celle de Damas, celle de la Guadeloupe, &c. mais ce nom est particulierement attribué aux especes que nous appellons en Europe perdrix grise, perdrix rouge, & perdrix blanche : cette derniere espece ne se trouve communément qu’en Savoie & dans les Alpes. Voyez Arbenne.

La perdrix grise & la rouge qui sont communes en France, ont dans les mœurs aussi-bien que dans la forme & le plumage, des différences qui en font des especes très-séparées : aussi ne se mêlent-elles point ensemble, même dans les lieux où l’abondance des unes & des autres les met souvent en présence dans le tems de l’effervescence commune. Cependant lorsque le nombre des mâles perdrix rouges excede celui des femelles, on voit quelques-uns de ces mâles s’attacher à une paire de perdrix grises, la suivre constamment, & donner des marques d’empressement & d’amour. Mais on n’a jamais vu aucune perdrix rouge en venir avec une grise jusqu’à l’accouplement. Cet amour étranger n’a d’effets que la jalousie. Il trouble seulement le ménage ; & ces soins assidus ne produisent qu’une importunité sans fruit. La maniere dont les deux especes se nourrissent est à-peu-près la même. Elles vivent de grain, de semences, d’œufs de fourmis, de petites araignées & d’autres insectes qui se trouvent dans les campagnes & dans les bois.

Les perdrix grises s’apparient dès la fin de Février, ou au commencement de Mars, lorsque les grandes gelées sont passées. Il y a pendant les premiers jours beaucoup de combats entre les mâles, & même entre les femelles, jusqu’à ce que le choix mutuel soit fait d’une maniere fixe, & que la pariade soit décidée. Le tems doux avance ce moment ; & à mesure que la chaleur augmente, la fermentation de l’amour devient plus forte dans ces oiseaux. Les mâles sont plus empressés, & les femelles plus dociles. Ils s’accouplent vers le commencement d’Avril, & les femelles pondent à la fin de ce mois, ou au commencement de Mai. Le nombre des œufs varie ordinairement selon l’âge de la perdrix. A deux & trois ans la ponte est souvent de dix-huit œufs. Elle diminue ensuite, & cesse presqu’entierement à six ans. Alors la perdrix est déja vieille, & il ne lui reste plus guere qu’une année à vivre. Elle dépose ses œufs dans un nid fait presque sans apprêt. Ce n’est qu’une fente au fond de laquelle sont arrangées quelques brins de paille ou d’herbe seche, & quelques feuilles. Les jeunes perdrix ne choisissent pas même avec beaucoup de soin le lieu où elles placent ce nid. Mais celles que l’âge & l’expérience ont instruites y apportent beaucoup d’attention. Elles choisissent un endroit élevé, à l’abri de l’inondation, & environné de brossailles qui le dérobent à la vue & en défendent l’en-

trée. De plus lorsqu’elles quittent leurs œufs, pour

aller manger, elles ont soin de les couvrir avec des feuilles. Voyez Instinct.

Le tems de l’incubation est de vingt-deux jours. Pendant ce tems le mâle reste aux environs du nid, & accompagne sa femelle lorsqu’elle releve pour chercher à vivre. Les petits étant éclos, le pere & la mere prennent soin en commun de les conduire. Ils les promenent dans les prés, aux bords des bois, découvrent pour eux les fourmilieres, les appellent presque continuellement, & leur indiquent les insectes & les graines qui sont propres à leur nourriture. La perdrix grise donne à ses petits des soins plus empressés & plus actifs qu’aucune autre espece. Leur tendresse va jusqu’à une jalousie cruelle à l’égard des perdreaux qui ne sont pas de leur compagnie. Dans les pays fort peuplés de gibier, on voit communément les vieilles perdrix poursuivre avec fureur les petits les unes des autres, & les assommer à coups de bec. Lorsque quelque péril vient à menacer la famille, le pere & la mere, pour l’en détourner, s’y présentent eux-mêmes avec un courage qui étonne dans des animaux aussi foibles. Si c’est un chasseur, ou un chien qui les menace, ils se montrent d’abord, fuient ensuite en traînant l’aîle, laissent aux poursuivans l’espérance de les joindre ; & quand ils les ont suffisamment éloignés, ils revolent à leurs petits.

Les perdrix grises vivent réunies en familles, qu’on nomme compagnies, jusqu’au tems où l’amour les sépare & les apparie. Celles même qui n’ont point pondu, ou dont les œufs ont été détruits par quelque accident, se remettent en compagnies dans le mois de Juillet, & y restent jusqu’au tems de la pariade.

Les perdrix rouges différent en cela des grises, quant aux mœurs. Elles ne sont pas, à beaucoup près aussi étroitement liées par compagnies. Les petits même qui ont été élevés ensemble, & qui sont de la même famille, se tiennent toujours à quelque distance l’un de l’autre ; ils ne partent pas ensemble, & ne vont pas tous du même côté. Les perdrix grises, lorsqu’elles ont été forcées de se séparer, se rappellent aussi-tôt avec beaucoup de vivacité & d’inquiétude. Cela n’arrive guere parmi les perdrix rouges qu’entre le mâle & la femelle dans le tems de l’amour. Les perdrix rouges s’apparient ainsi que les grises ; mais aussi-tôt que la femelle couve, le mâle la quitte, & la laisse seule chargée du soin de ses petits. La perdrix grise s’apprivoise aisément ; elle se familiarise avec les passans le long des chemins ; & en lui donnant à manger pendant l’hiver, on l’engage aisément à pénétrer jusque dans les maisons. La perdrix rouge conserve toujours un caractere plus farouche, & l’éducation domestique en est plus difficile. Voyez Faisanderie.

Les perdrix grises habitent volontiers les plaines fertiles ; elles se plaisent sur-tout dans celles qui sont fécondées par des engrais chauds, tels que la marne, &c. Elles ne sont tranquilles, qu’autant qu’elles ont des remises à portée d’elles ; mais en général elles ne se jettent dans le bois que pour éviter la poursuite des oiseaux ou des chasseurs, & elles en sortent dès que le péril est passé. Les perdrix rouges cherchent naturellement les montagnes fourrées de bruyeres & de jeunes bois. Si elles relevent dans les plaines, c’est pour aller vivre, & les bois sont leur habitation propre. Voyez Gibier.

Tout le monde sait quelle ressource on tire des perdrix, soit pour l’agrément de la table, soit pour le plaisir de la chasse. C’est pour réunir ces deux objets qu’on prend tant de soins pour la conservation de ces oiseaux. La maniere de les chasser la plus ordinaire, est avec des chiens couchans qui les arrêtent, & indiquent au chasseur le lieu où elles sont. Le chasseur doit alors les tourner, chercher à les ap-