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autres, & que l’on bat ensuite à force de bras ; ce que l’on continue de faire jusqu’à ce qu’elle soit seche à un certain point.

Pate, (Commerce de lingots.) dans l’Amérique espagnole, on nomme pâte, les barres d’argent qui n’ont point été quintées, c’est-à-dire, qui n’ayant point été portées aux bureaux du roi pour y payer le droit de quint, n’ont point la marque qui en doit justifier le payement.

Les pâtes ou barres non quintées, sont du nombre des contrebandes ; il s’en fait cependant un grand commerce, à cause du gain certain qu’on y trouve ; mais elles sont sujettes à beaucoup de friponneries, les essayeurs en Espagne n’ayant pas toute la bonne foi possible, & d’ailleurs étant très-mal-habiles : ce qui doit obliger les étrangers de s’en charger avec beaucoup de précaution. Savary. (D. J.)

Pate, en Confiserie, c’est un terme dont on se sert pour exprimer une préparation de quelque fruit, faite en en broyant la chair avec quelque fluide, ou autre mixtion, jusqu’à ce qu’elle ait quelque consistance, l’étendant ensuite sur un plat, & la séchant avec du sucre en poudre, jusqu’à ce qu’elle soit aussi maniable que de la pâte ordinaire. Voyez Confiture. Ainsi l’on fait des pâtes d’amandes, des pâtes de pommes, d’abricots, de cerises, de raisins, de prunes, de pêches, de poires, &c.

Pate, terme de Cordonnier, ils appellent pâte, la colle de farine de seigle dont ils se servent pour coller les cuirs des patons avec l’empeigne de leurs souliers & autres ouvrages de cordonnerie.

Pate de verre, (Gravure en pierres fines.) les Artistes emploient le mot de pâte, qui est le terme dont se servent les Italiens, pour exprimer ces empreintes de verre, nommées par les anciens obsidianum vitrum. La langue françoise ne fournit pas d’autre terme propre ; & celui de pâte est déja consacré. Quelques-uns néanmoins les appellent des compositions de pierres gravées factices.

Les pâtes de verre, à la matiere près, ont de quoi satisfaire les curieux autant que les originaux ; puisqu’étant moulées dessus, elles en sont des copies très-fideles. Ceux qui ont crû que c’étoit une invention moderne, sont dans l’erreur : les anciens ont eu le secret de teindre le verre, & de lui faire imiter les différentes couleurs des pierres précieuses. L’on montre tous les jours de ces verres antiques coloriés, sur lesquels il y a des gravûres en creux ; & l’on en voit aussi qui rendent parfaitement l’effet des plus singulieres camées. Je ne mets point en doute que quelques-uns de ces verres n’ayent été travaillés à l’outil, comme les pierres fines ; ce qui me le persuade, c’est ce que dit Pline, que l’on gravoit le verre en le faisant passer sur le tour ; mais je n’en suis pas moins convaincu, que les anciens ayant su mettre le verre en fusion, ils ont dû mouler des pierres gravées avec le verre, à-peu-près comme on le fait aujourd’hui ; & que c’est ainsi qu’ont été formées cette grande quantité de pâtes antiques qui se conservent dans les cabinets.

Cette pratique qui peut-être avoit été interrompue, fut remise en vogue sur la fin du quinzieme siecle. On trouva pour lors à Milan un peintre en miniature, nommé François Vicecomité, qui possédoit le secret des plus beaux émaux, & qui contrefaisoit à s’y tromper, les pierres gravées par le moyen des pâtes de verre. Il s’en est toujours fait depuis en Italie ; mais on est redevable à S. A. R. monsieur le duc d’Orléans régent, de la découverte d’une maniere d’y procéder, & plus expéditive, & plus parfaite. Ces pâtes ont le transparent & l’éclat des pierres fines ; elles en imitent jusqu’aux couleurs ; & quand elles ont été bien moulées, & que la superficie est d’un beau poli, elles sont quelquefois capa-

bles d’en imposer au premier aspect, & de faire prendre

ces pierres factices pour de véritables pierres gravées. Entrons dans les détails d’après Me Mariette.

Comme l’extrème rareté des pierres précieuses, & le vif empressement avec lequel on les recherchoit dans l’antiquité, ne permettoient qu’aux personnes riches d’en avoir & de s’en parer, il fallut emprunter les secours de l’art, pour satisfaire ceux qui manquant de facultés, n’en étoient pas moins possédés du désir de paroître. Le verre, matiere utile & belle, mais qui étant commune, n’est pas autant considérée qu’elle le devroit être, offrit un moyen tout-à-fait propre à remplir ces vûes. On n’eut pas beaucoup de peine à lui faire imiter la blancheur & le diaphane du crystal, & bien-tôt en lui alliant divers métaux, en le travaillant, & en le faisant passer par différens degrés de feu, il n’y eût presque aucune pierre précieuse, dont on ne lui fit prendre la couleur & la forme. L’artifice sut même quelquefois se déguiser avec tant d’adresse, que ce n’étoit qu’après un sérieux examen, que d’habiles jouailliers parvenoient à discerner le faux d’avec le vrai. L’appât du gain rendoit les faussaires encore plus attentifs, & accéléroit leurs progrès ; aucune profession n’étoit aussi lucrative que la leur.

Pour en imposer avec plus de hardiesse, & plus sûrement, ils avoient trouvé le secret de métamorphoser des matieres précieuses, en des matieres encore plus précieuses. Ils teignoient le crystal dans toutes les couleurs, & sur-tout dans un très-beau verd d’émeraude : jusques dans les Indes on imitoit le béril avec le crystal. D’autres fois on produisoit de fausses améthystes, dont le velouté pouvoit en imposer, même à des connoisseurs : ce n’étoit cependant que de l’ambre teint en violet.

Le verre ainsi colorié ne pouvoit manquer d’être employé dans la gravûre ; il y tint en plus d’une occasion la place des pierres fines, & il multiplia considérablement l’usage des cachets. J’ai déja dit que les anciens avoient non-seulement gravé sur le verre, mais qu’ils avoient aussi contrefait les pierres gravées en les moulant, & en imprimant ensuite sur ces moules du verre mis en fusion. J’ai remarqué que dès le quinzieme siecle, les Italiens étoient rentrés en possession de faire de ces pâtes ou pierres factices ; j’ajoute ici que les ouvriers qui y furent employés dans les derniers tems, n’ayant pas eu apparemment assez d’occasions de s’exercer, ne nous avoient rien donné de bien parfait. Peut-être ne connoissoient-ils pas assez la valeur des matieres qu’ils employoient. Le verre qui doit être moulé, la terre qui doit servir à faire le moule, sont des matieres analogues, toujours prêtes à se confondre, & à s’unir inséparablement, lorsqu’on les expose à un grand feu. Cette opération peu considérable en apparence, pouvoit donc devenir l’objet des recherches d’un excellent chimiste, & M. Homberg ayant été chargé par S. A. R. monsieur le duc d’Orléans, de travailler à la perfectionner, il ne crut pas qu’il fût au-dessous de lui de s’y appliquer.

Après différens essais, après avoir répété plusieurs expériences, auxquelles le prince voulut bien assister, il parvint enfin à faire de ces pâtes avec tant d’élégance, que les connoisseurs mêmes pouvoient y être trompés, & prendre quelquefois les copies pour les originaux. En exposant ici la façon de procéder de M. Homberg, je ne fais presque que transcrire le mémoire de cet habile physicien, qui est inséré parmi ceux de l’académie royale des Sciences de l’année 1712.

Le point essentiel étoit de trouver une terre fine qui ne contînt aucun sel, ou du-moins fort peu, & avec laquelle il fût possible de faire un moule qui pût aller au feu sans se vitrifier, ni sans se confondre