ne sont pas moins partagés. Il n’y a presqu’aucune partie du monde, dit dom Calmet, où l’on ne l’ait été chercher, dans l’Asie, dans l’Afrique, dans l’Europe, dans l’Amérique, sur les bords du Gange, dans les Indes, dans la Chine, dans l’île de Ceylan, dans l’Ethiopie où sont les montagnes de la lune, &c.
Le sentiment le plus probable, quant à la désignation générale du paradis terrestre, est qu’il étoit situé en Asie ; mais dès qu’il s’agit de déterminer en quelle partie de l’Asie, nouveau partage d’opinions.
Quelques-uns, comme le P. Hardouin, le placent dans la Palestine, aux environs du lac de Genesareth ; un auteur silésien, nommé Herbinius, qui a écrit sur cette matiere en 1688, adopte en partie ce sentiment. M. le Clerc, dans son commentaire sur la Genese, le met aux environs des montagnes du Liban, de l’Anti-Liban, & de Damas vers les sources de l’Oronte & du Chrysorrhoas : mais dans l’une ni dans l’autre de ces deux positions on ne découvre aucun vestige des fleuves qui, selon la description de Moïse, arrosoient le paradis terrestre.
Hopkinson, M. Huet & Bochart placent le paradis terrestre entre le confluent de l’Euphrate & du Tigre, & à l’endroit de leur séparation ; parce que, selon le récit de Moïse, ces deux fleuves sont du nombre de ceux qui arrosient le jardin d’Eden ; le Phison, ajoutent-ils, étoit le canal occidental du Tigre, & le Gihon le canal occidental du même fleuve qui se décharge dans le golfe persique. Selon eux, l’Ethiopie, une des contrées qu’arrosoient les fleuves, selon Moïse, étoit incontestablement l’Arabie déserte, puisque le même auteur donne le nom d’Ethiopienne à sa femme, qui étoit de ce pays ; & Hévilah, l’autre contrée, doit être le Chusistan, province de Perse, où l’on trouvoit autrefois l’or, le bdellium & l’onyx, dont parle Moïse. La grande difficulté de ce système est que Moïse parle bien distinctement de quatre fleuves, dont chacun avoit sa source dans le jardin d’Eden, & qu’ici l’on ne trouve que deux fleuves qui forment à la vérité quatre branches, mais dont le cours est peu différent, & n’est pas opposé comme l’insinue le texte de la Genèse.
Le P. Calmet & quelques autres critiques fort habiles ont placé le paradis terrestre dans l’Arménie aux sources du Tigre, de l’Euphrate, de l’Araxe & du Phani, qu’ils croient être les quatre fleuves désignés par Moïse. L’Euphrate est bien nettement exprimé dans la Genèse. Le Chidkel est le Tigre nommé encore aujourd’hui Diglito. Le Gehon est l’Araxe, ἀράξης, en grec signifie impétueux, de même que Gehon en hébreu, & l’on reconnoît ce fleuve à ce qu’en a dit Virgile, pontemque indignatus Araxes. Le canton d’Eden étoit dans ce pays-là autant qu’on en peut juger par quelques vestiges qui en sont restés dans les livres saints. Le pays de Chus est l’ancienne Scithie, située sur l’Araxe, & Hévilah ou Chevilah, célebre par son or, paroît avoir donné son nom à la Colchide, aussi renommée chez les anciens par ce même métal que le Phase rouloit dans ses eaux. L’objection la plus spécieuse qu’on fasse contre ce sentiment ; c’est que, selon Chardin, le Phison, aujourd’hui le Phazzo, prend sa source dans les montagnes du Caucase, du côté de la partie septentrionale du royaume d’Imiret & assez loin du mont Ararat ; mais comme il faut donner nécessairement une certaine étendue au canton d’Eden pour que quatre grands fleuves puissent y prendre leur source, cette difficulté ne paroît pas fondée. Voyez le comment. de dom Calmet sur la Bible, & sa dissert. particuliere sur le paradis terrestre.
Il y a encore différentes autres opinions sur ce point. Postel prétend que le paradis terrestre étoit placé sous le pole septentrional. Il fonde cette idée sur
une ancienne tradition des Egyptiens & des Babyloniens, qui portoit que l’écliptique ou la route du soleil coupoit d’abord l’équateur à angles droits, & par conséquent passoit sur le pole septentrional : d’autres au contraire pensent qu’il n’étoit limité à aucune place particuliere, qu’il s’étendoit sur toute la face de la terre qui n’étoit, disent-ils, alors qu’une scène continuelle & variée de voluptés jusqu’à ce qu’elle fût changée par le péché d’Adam. Mais ces deux sentimens sont également incompatibles avec le texte de la Genèse.
Les Orientaux croient que le paradis terrestre étoit dans l’île de Serendib ou de Ceylan, & qu’Adam ayant été chassé du paradis, fut relégué dans la montagne de Rahonn, située dans la même île, à deux ou trois journées de la mer. Les Portugais nomment cette montagne pico de Adam, ou montagne d’Adam, parce qu’on croit que le premier homme a été enterré sous cette montagne, après avoir fait une pénitence de cent trente ans. Outre ce paradis terrestre, les Musulmans en comptent encore trois autres, un vers Obollah en Chaldée, le second vers le désert de Naoubendigian en Perse, & le troisieme vers Damas en Syrie. D’Herbelot, Biblioth. oriental. p. 378 & 708. Calmet, Diction. de la Bible.
Paradis, (Critiq. sacrée.) ce mot dont son origine signifie un verger, & non un jardin : il ne veut pas dire un jardin de fleurs ou de légumes & d’herbes, mais un enclos planté d’arbres fruitiers, & autres. Ce nom se trouve en trois endroits du texte hébreu. 1° Au second livre d’Esdras, ij. 8. où Néhémie prie le roi Artaxerxe de lui faire donner des lettres adressées à Asaph, gardien du verger du roi, afin qu’il lui fasse donner le bois nécessaire pour les bâtimens qu’il alloit entreprendre. Dans cet endroit, paradis est mis pour un lieu rempli d’arbres propres à bâtir. 2° Salomon, dans l’Ecclésiaste, ij. 5. dit qu’il s’est fait des jardins & des paradis, c’est-à-dire des vergers. 3° Dans le Cantique des Cantiques, iv. 13. il dit que les plants de l’épouse sont comme un verger rempli de grenadiers. Les Grecs, non-seulement les septante, mais même Xénophon & les autres auteurs païens se servent souvent de ce même terme en ce sens-là.
Les septante se sont servi du mot παράδεισος en parlant du jardin d’Eden, παράδεισος ἐν Ἐδέν ; l’hébreu l’explique par le mot gan. Jamais lieu n’a tant excité la curiosité des hommes que celui-là, je crois qu’il est par-tout où les hommes se font du bien. (D. J.)
Paradis, (Hist. ecclés.) chez les anciens écrivains ecclésiastiques se dit d’une cour quarrée devant les cathédrales, environnée de places ou de portiques soutenus par des piliers, & sous lesquels on peut se promener. Voyez Portique. Matthieu Paris l’appelle parvisus, pervis. Voyez Parvis.
Paradis, Bassin, (Marine.) c’est la partie d’un port où les vaisseaux sont le plus en sûreté. Voyez Bassin & Chambre. (Z)
Paradis, oiseau du, (Ornithol.) c’est, selon Linnæus, un genre particulier d’oiseaux de l’ordre des pies ; leurs caracteres distinctifs consistent à avoir deux plumes particulieres & extrèmement longues, lesquelles ne sont insérées ni aux aîles, ni au croupion.
PARADISUS, (Géog. anc.) ville de Syrie. Diodore de Sicile, l. XVIII. c. xxxix. nomme cette ville Triparadisus, & la met dans la haute Syrie. Il y avoit aussi en Syrie un fleuve de ce nom, selon Martianus Capella. Pline, l. V. c. xxvij. en met un autre en Cilicie. (D. J.)
PARADOXE, s. m. en Philosophie, c’est une proposition absurde en apparence, à cause qu’elle est contraire aux opinions reçues, & qui néanmoins est