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en premiere instance des causes concernant la foi & la discipline. Il faut observer les degrés de jurisdiction : on appelle de l’évêque au métropolitain, de celui-ci au primat, & du primat au pape.

Il y a seulement certains cas dont la connoissance lui est attribuée directement par un ancien usage : tels que le droit d’accorder certaines dispenses, la collation des bénéfices par prévention, &c. Hors ces cas, & quelques autres semblables qui sont remarqués en leur lieu, si le pape entreprenoit quelque chose sur la jurisdiction volontaire ou contentieuse des évêques, ce qu’il feroit seroit déclaré abusif.

Les papes ont des officiers ecclésiastiques qu’on appelle légats du saint siege, qu’ils envoient dans les différens pays catholiques, lorsque le cas le réquiert, pour les représenter, & exercer leur jurisdiction dans les lieux où ils ne peuvent se trouver. Ces légats sont de trois sortes ; savoir, des légats à latere, qui sont des cardinaux : le pouvoir de ceux-ci est le plus étendu, ils ont d’autres légats qui ne sont pas à latere ni cardinaux, & qu’on appelle legati missi ; & enfin il y a des légats nés.

Dès que le légat prend connoissance d’une affaire, le pape ne peut plus en connoître. Voyez Légat.

Outre les légats, les papes ont des nonces & des internonces, qui dans quelques pays exercent aussi une certaine jurisdiction ; mais en France ils ne sont considerés que comme les ambassadeurs des autres princes souverains. Voyez Nonce & Internonce.

Ce que l’on appelle consistoire est le conseil du pape : il est composé de tous les cardinaux, le pape y préside en personne. C’est dans ce conseil qu’il nomme les cardinaux, & qu’il confere les évêchés & autres bénéfices qu’on appelle consistoriaux. Nous reconnoissons en France l’autorité du consistoire, mais seulement pour ce qui regarde la collation des bénéfices consistoriaux. Voyez Consistoire.

Les lettres patentes des papes qu’on appelle bulles, sont expédiées dans leur chancellerie qui est composée de divers officiers.

Le pape a encore d’autres officiers pour la daterie, & pour les lettres qui s’accordent à la pénitencerie.

Les brefs des papes sont des lettres moins solemnelles que les bulles, par lesquelles ils accordent les graces ordinaires & peu importantes ; telles que les dispenses des interstices pour les ordres sacrés, &c. Voyez Bref.

Pouvoir du pape. Le pape a incontestablement le droit de décider sur les questions de foi : les decrets qu’il fait sur ce sujet regardent toutes les églises ; mais comme ce n’est point au pape, mais au corps des pasteurs que J. C. a promis l’infaillibilité, ils ne font regles de foi que quand ils sont confirmés par le consentement de l’Eglise. Telle est la teneur de la iv. proposition du clergé, en 1682.

En qualité de chef de l’Eglise le pape préside aux conciles écuméniques, & il est seul en possession de les convoquer, depuis la division de l’empire romain entre différens souverains.

Le pape est soumis aux décisions du concile écuménique, non seulement pour ce qui regarde la foi, mais encore pour tout ce qui regarde le schisme & la réformation générale de l’Eglise. C’est encore un des quatre articles de 1682 : ce qui est conforme aux conciles de Constance & de Basle.

Le pouvoir des papes n’a pas toujours été aussi étendu qu’il l’est présentement.

Les papes doivent à la piété de nos rois de la seconde race les grands domaines qu’ils tiennent en toute souveraineté, ce qui doit les engager à donner de leur part à nos rois, des marques de reconnoissance, & à avoir des considérations particulieres pour l’église gallicane.

Les papes n’avoient au commencement aucun droit

sur la disposition des bénéfices, autres que ceux de leur diocese. Ce ne fut que depuis le xij. siecle qu’ils commencerent à se réserver la collation de certains bénéfices. D’abord, ils prioient les ordinaires par leurs lettres monitoires de ne pas conférer ces bénéfices ; plus souvent ils recommandoient de les conférer à certaines personnes. Ils envoyerent ensuite des lettres préceptoriales pour obliger les ordinaires, sous quelque peine, à obéir ; & comme cela ne suffisoit pas encore pour annuler la collation des ordinaires, ils renvoyoient des lettres exécutoires pour punir la contumace de l’ordinaire, & annuler sa collation. Les lettres compulsoires étoient à même fin.

L’usage a enfin prévalu, & en vertu de cet usage qui est aujourd’hui fort ancien, le pape jouit de plusieurs prérogatives pour la disposition des bénéfices : c’est ainsi qu’il confere les bénéfices vacans en cour de Rome ; qu’il admet les résignations en faveur ; qu’il pré vient les collateurs ordinaires ; qu’il confere pendant 8 mois dans les pays d’obédience, suivant la regle des mois établie dans la chancellerie romaine ; qu’il admet seul les réserves des pensions sur les bénéfices.

Les fausses décrétales, composées par Isidore de Séville, contribuerent aussi beaucoup à augmenter le pouvoir du pape sur le spirituel.

Suivant le concordat, le pape confere sur la nomination du roi, les archevêchés & évêchés de France, les abbayes & autres bénéfices qui étoient auparavant électifs par les chapitres séculiers ou réguliers : le pape doit accorder des bulles à celui qui est nommé par le roi, quand le présenté a les qualités réquises pour posséder le bénéfice.

Le roi doit nommer au pape un sujet dans les 6 mois de la vacance ; & si celui qu’il a nommé n’a pas les qualités réquises, il doit dans les 3 mois du refus des bulles en nommer un autre ; si dans ces 3 mois le roi ne nomme pas une personne capable, le pape peut y pourvoir de plein droit, sans attendre la nomination royale. Mais comme en ce cas il tient la place du chapitre dont l’élu étoit obligé d’obtenir l’agrément du roi, il faut qu’il fasse part au roi de la personne qu’il veut nommer, & qu’il obtienne son agrément.

Le concordat attribue aussi au pape le droit de pouvoir conférer, sans attendre la nomination du roi, les bénéfices consistoriaux qui vaquent par le décès des titulaires en cour de Rome ; plusieurs personnes ont prétendu que cette réserve qui n’avoit point lieu autrefois pour les bénéfices électifs, avoit été inserée par inadvertance dans le concordat, & qu’elle ne faisoit point une loi. Néanmoins Louis XIII. s’y est soumis, & il est à présumer que ses successeurs s’y soumettront : bien entendu que les papes en usent comme Urbain VIII. lequel ne conféra l’archevêché de Lyon qui étoit vacant en cour de Rome, qu’après avoir sçu de Louis XIII. que M. Miron qu’il en vouloit pourvoir, lui étoit agréable.

Pour prévenir les difficultés auxquelles les vacances en cour de Rome pourroient donner lieu, le pape accorde des indults, quand ceux qui ont des bénéfices consistoriaux vont résider à Rome. Il déclare par ces indults qu’il n’usera pas du droit de la vacance in curiâ, au cas que les bénéficiers décédent à Rome.

Lorsque le pape refuse sans cause légitime des bulles à celui qui est nommé par le roi, le nominataire peut se pourvoir devant les juges séculiers, qui commettent l’évêque diocésain pour donner des provisions, lesquelles ont en ce cas la même force que des bulles. Ou bien celui qui est nommé obtient un arrêt, en vertu duquel il jouit du revenu, & confere les bénéfices dépendans de la prélature. Cette derniere voie est la seule qui soit usitée depuis plusieurs années : on