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brasse l’un de l’autre ; ensuite ils ramassent le filet dans le creux de la fosse, & le recouvrent du sable ou de la vase sur laquelle la tente du palet est placée : d’espace en espace on frappe sur la tête de la tente, qui reste libre & posée en-dedans des perches, sept à huit petites lignes que l’on arrête sur le haut d’autant de pieux. Tout ce travail se fait avant que la marée ait commencé à monter dans la tente du palet : à mesure qu’elle monte, elle recouvre ou plutôt efface le sillon qui a été fait, en sorte que le poisson qui est accoutumé d’y venir, ne trouve aucun obstacle pour y entrer, ni aucun changement sur les fonds qui le puisse effaroucher. Pendant que la marée monte, & amene avec elle le poisson, les pinasses des pêcheurs restent un peu éloignées du palet ; & d’abord qu’on a jugé que le poisson a monté, & qu’il est prêt à retourner, ce qui arrive immédiatement au plein de la marée ; autant de pinasse ou de tillolles qu’on a amarré de lignes à la tête du rets, viennent le relever & arrêter le filet de la tente en-haut de toutes les perches, ce qui ferme exactement toute l’enceinte, dont aucun poisson ne peut plus sortir, excepté les petits qui s’échappent au travers des mailles. Pendant que la marée se retire, le poisson se tient dans le fond du palet, où il y a plus d’eau qu’aux côtés qui sont élevés, jusqu’à ce qu’elle soit entierement écoulée : pour lors les pêcheurs ramassent tous les poissons qui se trouvent dans l’enceinte du palet.

Cette pêche est quelquefois si abondante, qu’on a vu prendre d’une seule tente de palet, jusqu’à cent charges de cheval de poisson de diverses especes : on y pêche des bars, des loubines, des sardines, des mulets & de toutes les autres especes de poissons, tant plats que ronds, qui viennent terrer à la côte, surtout durant l’été, & même jusqu’à des marsuoins.

Avec des rets ayant les mailles de deux pouces en quarré, comme l’ordonnance l’a déterminé pour les bas-parcs, ces pêcheurs n’en feront pas moins une bonne pêche, & ne détruiront point le frai, ni les petits poissons, comme il arrive souvent.

Il y a au-tour du bassin d’Arcasson six tentes de palet, où l’on fait la pêche de la même maniere. Trois de ces tentes appartiennent aux pêcheurs de la tête, & sont placées au pié des dunes qui sont vers le cap Feret, & à la bande du nord de la baie ; les trois autres sont au Pila à l’ouest du Feret. Ceux qui veulent fournir des filets pour la tente, le peuvent faire, & y sont reçus à part : ces pêcheries sont libres & non exclusives. Il faut un tems calme pour faire cette pêche avec succès, parce qu’alors le poisson de tous genres monte en abondance & en troupe à la côte.

Avec ces rets à larges mailles, cette tente, comme nous venons de l’observer, ne peut être que très-lucrative & avantageuse à ces pêcheurs, parce que les fonds de cette baie sont excellens, ainsi que la qualité des poissons qui s’y prennent.

Palet, à la longue paume, ce sont des battoirs qui ont la queue plus courte que les autres, dont les tiers se servent pour mieux rabattre la bale. Voyez Tiers.

Palet, jeu du, s. m. ce jeu se joue à plusieurs personnes : on ne s’associe point ensemble ordinairement, quoique cela se puisse à la rigueur ; mais chacun est pour soi. On a chacun une pierre assez grande, platte, & ronde, ou un morceau de fer. Quand on a vu à qui joueroit le premier, ce qui se fait ou en jettant une piece de monnoie vers une brique, ou son palet même, le plus près de cette brique est le preu ; les autres selon qu’ils en sont plus près, ont leur rang qu’ils observent toute la partie. Le plus loin d’elle est le der & met le but. Quand cela est fait, chacun met la même piece de monnoie sur une autre pierre, qu’on appelle brique dans de certains pays, peut-être parce qu’étant de brique elle est

plus commode, & dreu dans d’autres, & chacun joue à son tour. Il faut pour gagner renverser la brique avec son palet, & les liards ou autres pieces qui sont plus près du palet du joueur, ou de ceux qui ont été joués devant lui, que de la brique, appartiennent aux joueurs à qui sont ces palets. Quand tout ce qui n’est point à la brique est ramassé, les choses restent en cet état, & le suivant va jouer son coup ; s’il place son palet plus près des pieces qu’elles ne le sont de la brique, il les gagne ; & s’il en a envoyé quelqu’une vers les autres palets, les maîtres du palet de qui elle est la plus proche, les ramassent, & on rejoue jusqu’à ce que toutes les pieces soient gagnées de cette sorte. Si elles n’ont pas été renversées toutes ensemble de la brique, on y remet celles qui l’ont été. Si le vent, ou l’ébranlement de la terre les en avoient fait tomber, & non le palet, on les y remet encore. Si étant tombées elles touchent la brique toutes ou en partie, on ne peut gagner celles qui y sont appuyées qu’en la chassant. Un palet soutenu par la brique ne peut rien gagner, quand il couvriroit toutes les pieces. Quand deux palets se touchent, ce qu’on appelle vulgairement brûler, ils ne valent plus, & on les releve. Quand l’un de ces deux palets tient à la brique, on ne les releve point ; mais si le joueur dont le palet touche à la brique est à jouer devant l’autre, celui-ci avance son palet à la place du premier. Si les pieces sont l’une sur l’autre, la premiere qui est du côté des palets est plus près d’eux que de la brique, on la ramasse, & toutes celles qui sont trop loin de la brique ; les autres restent. On perd son coup lorsqu’on le joue devant son tour, parce que cela est de conséquence, le jeu pouvant être découvert alors, & les pieces sont plus aisées à gagner.

Le jeu du petit palet se joue avec des écus ou des morceaux de plomb ou de fer applatis, de leur grandeur. Il y a diverses manieres de jouer le jeu du petit palet : à but fixe, quand les joueurs ne changent point ce but de place : à but courant, quand on est convenu de le changer ; au clou, sur bord d’une table, &c. Le but courant est d’autant plus amusant, qu’on semble ne faire que se promener ; il est même d’un avantage plus égal pour les joueurs ; puisque chacun ayant un jeu différent & une certaine portée où il joue mieux qu’à une distance plus ou moins grande, il peut jetter le but dans cette portée quand il a gagné le coup. Et d’ailleurs, ce but qu’il a jetté peut lui servir de regle pour mesurer son coup, qu’il joue tout de suite : au lieu qu’il est moins aisé de se regler au but fixe, où il y a toujours beaucoup d’intervalles entre les coups, & où l’on ne peut guere se ressouvenir du degré de force qu’on a donné à son palet le coup précédent ; l’habitude & le juste mouvement du bras dépendant moins d’une action fréquente & mécanique, que d’une considération réfléchie de l’effet qu’a produit cette action, il est clair que plus cet effet est éloigné de sa cause, plus il doit être difficile à connoître.

Au clou. Cette maniere est difficile, & demande beaucoup d’adresse : on plante un clou, ou quelque chose semblable, sur une table, sur un coffre, &c. celui qui en approche le plus près avec son palet gagne le coup.

Sur le bord d’une table. C’est sans contredit la maniere de jouer au petit palet la plus difficile ; puisqu’il faut toujours tâcher à mettre le plus près du bord qu’il est possible, & qu’on jette souvent son petit palet à bas.

Dans toutes ces manieres de jouer au petit palet, on peut être plusieurs : il n’y a guere de regles que celles qu’on établit sur les circonstances ; les rangs se prennent quelquefois au gré des joueurs, & quelquefois ils sont déterminés par le plus ou le moins