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seigneurs de son tems, étoient nobles enfans, qui par-tout suivoient leurs maîtres pour apprendre la vertu & les armes. Le chevalier d’Accily, qui ne vivoit pas de ce tems-là, a dit au contraire :

S’il est beau le fils de Climene,
Quoiqu’elle ait un homme assez laid,
Cela n’a rien qui me surprenne ;
Son page est un garçon bien fait.

Loiseau remarque, dans son traité des Ordres, qu’anciennement les jeunes gentilshommes étoient pages des seigneurs, & les jeunes demoiselles étoient filles-de-chambre des dames ; car, comme nous enseigne fort bien Ragueau, les pages sont pædagogia, sive pædagogiani pueri.

On distinguoit alors deux sortes de pages, savoir les pages d’honneur, & les communs. Les pages d’honneur n’étoient que chez les princes & les souverains, & étoient ordinairement fils de barons ou chevaliers, desquels la fonction est, pour ainsi dire, décrite par Quinte-Curce, l. VIII. hæc cohors veluti seminarium ducum præfectorum est ; en effet, quand ils étoient hors de pages, ils devenoient bacheliers ou damoiseaux. Bachelier signifie prétendant à chevalerie : damoiseau est le diminutif de dant, qui signifie seigneur, jusqu’à ce qu’étant devenus chefs de maison, ils soient qualifiés seigneurs tout-à-fait. Les pages communs sont issus de simple noblesse, & servent les chevaliers ou seigneurs ; car un simple gentilhomme ne doit point avoir pages, mais seulement laquais qui sont roturiers.

Lancelot dérive le mot page du grec παῖς, qui veut dire un enfant. Ménage & Caseneuve le tirent de pædagogium. Cujas & Jacques Godefroi témoignent que les enfans d’honneur étoient nommés chez les Européens pædagogiani pueri. Dans la suite on appella pages & enfans de cuisine, les petits officiers servant à la cuisine du roi. Le président Fauchet dit, que jusqu’au regne des rois Charles IV. & Charles VII. on nommoit pages de simples valets-le-pié ; & que de son tems les Tuilliers appelloient pages certains valets qui portoient sur des palettes les tuiles vertes pour les faire sécher : il ajoute, que c’étoit seulement depuis quelque tems qu’on avoit distingué les pages nobles des pages vilains servant-à-pié, qui ont été nommés naquets ou laquais.

Il est vrai que les pages du tems de l’ancienne chevalerie, se nommoient autrement varlets ou damoiseaux, & qu’ils remplissoient alors l’emploi de domestiques auprès de la personne de leurs maîtres ou de leurs maîtresses ; ils les accompagnoient à la chasse, dans leurs voyages, dans leurs visites ou promenades, faisoient leurs messages, & même les servoient à table : le célebre chevalier Bayard avoit versé à boire & fait les autres fonctions de page auprès de l’évêque de Grenoble.

C’étoit ordinairement les dames qui se chargeoient de leur apprendre leur catéchisme & la galanterie, l’amour de Dieu & des dames ; car l’un ne pouvoit aller sans l’autre, & l’amant qui entendoit à loyaument servir une dame, étoit sauvé, suivant la doctrine de la dame des belles cousines.

On prenoit grand soin de les instruire aux exercices des écuyers & chevaliers, qui étoient les grades auxquels ils devoient aspirer. Ils ne quittoient point l’état de page sans passer par une cérémonie religieuse. Le gentilhomme mis hors de page étoit présenté à l’autel par son pere & sa mere, qui chacun un cierge à la main alloient à l’offrande : le prêtre célébrant prenoit de dessus l’autel une épée & une ceinture qu’il attachoit au côté du jeune gentilhomme, après les avoir bénis. Voyez l’Histoire de la chevalerie, par M. de Saint-Palaye. (D. J.)

Pages-Mousses, Garçons, (Marine.) ce sont

les jeunes gens de l’équipage, apprentis matelots, ou éleves de la navigation. Voyez Mousses.

Page de la chambre du capitaine, c’est le garçon qui sert le capitaine.

PAGÉENS, (Géog. anc.) peuple dont les guerres avec les Géraniens ont donné lieu, selon quelques-uns, à la fable des Pygmées. Un savant allemand, nommé Wonderart, en expliquant cette fable, dit qu’Homere fait allusion à l’histoire des guerres des Pagéens avec les Géraniens, en la représentant sous le symbole des grues & des Pygmées, se fondant en cela sur la ressemblance des noms. Les Poëtes, pour donner le change à leurs lecteurs, se servoient souvent de semblables figures, & l’artifice de la Poésie consistoit alors à transporter l’histoire des peuples connus dans des pays éloignés : on ne doit cependant pas faire beaucoup de fond sur cette opinion de Wonderart, parce qu’il n’apporte pas de preuves pour l’établir. (D. J.)

PAGEL, s. m. (Hist. nat. Icthiol.) rubellio erythrinus, poisson de mer, que l’on confond souvent avec le pagre ; on le nomme à Rome phragolino, c’est-à-dire petit pagre. Le pagel se retire en hiver dans la haute mer, & il reste sur le bord des côtes pendant l’été ; on en prend rarement quand il fait froid. Ce poisson est d’une couleur rousse tirant sur le rouge ; il a deux taches de couleur d’or & le ventre blanc, les yeux sont grands, l’ouverture de la bouche est petite, & les dents sont rondes, pointues & fort petites ; il ressemble au pagre par la forme du corps, par le nombre & la position des nageoires ; mais il en differe en ce qu’il a le museau plus pointu & plus étroit. Il change de couleur avec l’âge : il devient gris. La chair du pagel est nourrissante & d’assez bon goût ; elle se digere aisément & elle n’est pas visqueuse, comme quelques-uns l’ont dit. Rondelet, Hist. nat. des poissons, premiere part. liv. V. chap. xvij. Voyez Poisson. (I)

PAGESIE, s. f. (Jurisprud.) quasi tenementum paganorum, est une espece de tenure solidaire, en vertu de laquelle le seigneur peut s’adresser à celui des co-détenteurs qu’il juge à propos, & le contraindre au payement de la totalité des cens & rentes. Cette espece de tenure se trouve spécifiée dans les terriers de plusieurs seigneuries dans le Velay, le Forès, le Bourbonnois, & l’Auvergne ; c’est la même chose que ce qu’on appelle tenir en fraresche dans les pays d’Anjou, Touraine, & Maine, ou que les masures en Normandies. Voyez Henrys. (A)

PAGIAVELLE, s. m. (Comm.) certain compte de pieces de marchandise, dont on se sert en quelques lieux des Indes orientales, lorsque l’on vend en gros, ce qui est à proportion comme ce que nous appellons une grosse. Voyez Grosse. Au Pégu les toiles se vendent au pagiavelle de quatre pieces. Diction. de Commerce.

PAGLION, (Géog. mod.) riviere de Savoie, dans le comté de Nice. Elle a sa source dans les Alpes, & se jette dans la Méditerranée, à l’orient de la ville de Nice. (D. J.)

PAGNA, s. m. (Hist. nat. Botan.) arbre des Indes orientales. Il est fort élevé, & produit une espece de coton renfermé dans une écorce fort dure, longue d’une palme, & large d’un doigt : ce coton ne se file point, mais on s’en sert pour remplir des coussins & des matelas.

PAGNE, terme de Rélation, c’est un morceau de toile de coton dont les peuples de la côte de Guinée s’enveloppent le corps depuis les aisselles jusqu’aux genoux, & quelquefois jusqu’au milieu des jambes, & dont les Caraïbes à leur imitation se servent aujourd’hui. La pagne fait ordinairement deux tours, & sert également aux hommes & aux femmes ; c’est un habillement de cérémonie, car les