Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/694

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maître du gouvernement de la république, avec plus d’autorité qu’auparavant ; mais il ne jouit pas long-tems de l’avantage qu’il avoit remporté sur son émule ; il devint à son tour l’objet de l’envie publique ; & malgré ses victoires & les grands services qu’il avoit rendus à l’état, il fut condamné au ban de l’ostracisme.

Il est certain que la liberté n’avoit pas de plus dangereux écueil à craindre, que la réunion de l’autorité dans la main d’un seul homme ; & c’est cependant ce que produisit l’ostracisme, en augmentant le crédit & la puissance d’un citoyen, par l’éloignement de ses concurrens. Périclès en sut tirer avantage contre Cimon & Thucydide, les deux seuls rivaux de gloire qui lui restoient à éloigner, pour tenir le timon de l’état.

Sentant qu’il ne pouvoit élever sa puissance que sur les débris de celle de Cimon qui étoit en crédit auprès des grands, il excita l’envie du peuple contre ce rival, & le fit bannir par la loi de l’ostracisme, comme ennemi de la démocratie, & fauteur de Lacédémone. En vain Thucydide forma un puissant parti pour l’opposer à celui de Périclès ; tous ses efforts hâterent sa propre ruine. Le peuple tint l’assemblée de l’ostracisme, pour reléguer l’un de ces deux chefs. Thucydide fut banni, & laissa Périclès tyran désarmé, comme un ancien écrivain l’appelle, en possession de gouverner la république avec une autorité absolue, qu’il conserva jusqu’à la fin de sa vie. Il trouva le moyen par son habileté de subjuguer ce peuple envieux & jaloux, ennemi plus redoutable à celui qui le gouvernoit, que les Perses & les Lacédémoniens.

Il faut pourtant convenir, que ce même peuple très-éclairé sur les inconvéniens de l’ostracisme, sentit plus d’une fois le tort que son abus avoit fait à la république ; le rappel d’Aristide & de Cimon, avant que le terme des dix ans fût expiré, en est une preuve éclatante. Mais quelques raisons que les Athéniens eussent de rejetter une loi, qui avoit causé plusieurs fois un grand préjudice à l’état, ce ne furent pas ces motifs qui les déterminerent à l’abolir ; ce fut une raison toute opposée, & qui est vraiment singuliere : nous en devons la connoissance à Plutarque.

Il s’étoit élevé, dit cet auteur, un grand différend entre Alcibiade & Nicias ; leur mésintelligence croissoit de jour en jour, & le peuple eut recours à l’ostracisme : il n’étoit pas douteux que le sort ne dût tomber sur un ou l’autre de ces chefs. On détestoit les mœurs dissolues d’Alcibiade, & l’on craignoit sa hardiesse ; on envioit à Nicias les grandes richesses qu’il possédoit, & on n’aimoit point son humeur austere. Les jeunes gens qui desiroient la guerre, vouloient faire tomber le sort de l’ostracisme sur Nicias ; les vieillards qui aimoient la paix, sollicitoient contre Alcibiade. Le peuple étant ainsi partagé, Hyperbolus, homme bas & méprisable, mais ambitieux & entreprenant, crut que cette division étoit pour lui une occasion favorable de parvenir aux premiers honneurs. Cet homme avoit acquis parmi le peuple une espece d’autorité ; mais il ne la devoit qu’à son impudence. Il n’avoit pas lieu de croire que l’ostracisme pût le regarder ; il sentoit bien que la bassesse de son extraction le rendoit indigne de cet honneur ; mais il espéroit que si Alcibiade ou Nicias étoit banni, il pourroit devenir le concurrent de celui qui resteroit en place. Flatté de cette espérance, il témoignoit publiquement la joie qu’il avoit de les voir en discorde, & il animoit le peuple contre eux. Les partisans d’Alcibiade & de Nicias ayant remarqué l’insolence & la lâcheté de cet homme, se donnerent le mot secrettement, se réunirent, & firent en sorte que le sort de l’ostracisme tomba sur Hyperbolus.

Le peuple ne fit d’abord que rire de cet événement ; mais il en eut bien-tôt après tant de honte & de dépit, qu’il abolit la loi de l’ostracisme, la regardant comme deshonorée par la condamnation d’un homme si méprisable. Par l’abolition de cette loi, les Athéniens voulurent marquer le repentir qu’ils avoient d’avoir confondu un vil délateur, & de condition servile, avec les Aristides, les Cimons, & les Thucydides : ce qui a fait dire à Platon le comique, parlant d’Hyperbolus, que ce méchant avoit bien mérité d’être puni à cause de ses mauvaises mœurs ; mais que le genre de supplice étoit trop honorable pour lui, & trop au dessus de sa basse extraction, & que l’ostracisme n’avoit point été établi pour les gens de sa sorte.

Finissons par quelques courtes réfléxions : je remarque d’abord que l’ostracisme ne fut point particulier à Athènes, mais que toutes les villes où le gouvernement étoit démocratique, l’adopterent ; c’est Aristote qui le dit ; on sait qu’à l’imitation des Athéniens, la ville de Syracuse établit le Pétalisme. Voyez Pétalisme.

Le bill appellé d’atteinder en Angleterre, se rapporte beaucoup à l’ostracisme ; il viole la liberté contre un seul, pour la garder à tous. L’ostracisme conservoit la liberté ; mais il eût été à souhaiter qu’elle se fût maintenue par quelque autre moyen. Quoiqu’il en soit, si les Athéniens ont mal pourvu au soutien de leur liberté, cela ne peut préjudicier aux droits de toutes les autres nations du monde. Le pis qu’on puisse dire, c’est que par leur loi de l’ostracisme, ils n’ont fait du mal qu’à eux-mêmes, en se privant pour un tems des bénéfices qu’ils pouvoient se promettre des vertus éclatantes des personnes qu’ils condamnoient pour dix ans à cette espece d’exil. (Le Chevalier de Jaucourt.)

OSTRACITES, (Hist. nat. Minéral.) c’est ainsi que les Naturalistes ont nommé les différentes especes d’huitres qui se trouvent dans le sein de la terre. Les ostracites, ainsi que les autres coquilles, se trouvent ou parfaitement conservées & dans leur état naturel, ou elles sont pétrifiées, c’est à dire, qu’il est venu se joindre des particules terreuses & lapidifiques à celles qui constituoient l’huitre ; & par-là elles ont augmenté son poids & son volume ; ou bien on les trouve dans un état de destruction & de décomposition, & quelquefois percées de trous & comme vermoulues. Les ostracites varient pour la grandeur & pour la forme, ainsi que les huitres naturelles ; il y en a quelques-unes que l’on trouve dans le sein de la terre, & dont on ne connoît point les analogues vivans ; telles sont sur tout certaines ostracites d’une grandeur prodigieuse que l’on rencontre en quelques endroits de la terre, comme dans le duché de Wirtemberg, dans le canton de Berne, &c. Voyez Huitre.

Boece de Boot, & quelques autres naturalistes, ont donné le nom d’ostracite à la pierre ollaire, ou pierre dont on fait des pots. Voyez Ollaire pierre.

Quelques auteurs ont aussi donné le nom d’ostracite à une espece d’enduit ou de suie par écailles, qui s’attache aux parois intérieurs de certains fourneaux où l’on traite des mines qui contiennent du zinc. Voyez Cadmir. (—)

OSTREOPECTINITES, (Hist. nat.) c’est le nom donné à une coquille fossile appellée aussi anomie, conchæ anomiæ ; en françois poulettes. Ces coquilles sont ou plates ou arrondies, ou alongées, ou en trois parties, trilobi, ou sillonnées. On les nomme aussi térébratulites. Ce qui les caracterise, c’est qu’elles ont toutes comme une espece de bec recourbé, formé ainsi, parce qu’une des valves de la coquille excede l’autre.

On a appellé cette coquille anomie, parce que