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pû calciner : on écume ensuite le métal fondu, en sorte qu’il ne reste plus de scories ; & lorsqu’il est refroidi au point qu’un papier ne s’y emflamme plus, on le puise avec une cuillere, & on le verse dans le rable, dont on a couvert le fond d’une feuille de papier pour garantir le coutil. Pendant cette opération, un ouvrier appuie sur le rable pour empêcher que la pesanteur du métal ne le fasse couler avant qu’il en soit suffisamment rempli.

On connoît qu’il est tems de tirer la table d’étain, lorsqu’on s’apperçoit qu’il commence à grener, c’est-à-dire lorsqu’il se forme de petits grains à sa surface, comme lorsqu’il commence à se figer ; au contraire, le plomb doit être tiré le plus chaud qu’il est possible, sans cependant qu’il puisse enflammer un rouleau de papier que l’on y plongeroit.

Pour tirer la table d’étain ou de plomb, on conduit le rable, rempli de métal fondu, le long de la table couverte de coutil, soit en le tirant en marchant à-reculons, ou en le poussant en marchant devant soi, & en appuyant sur le rable. Lorsqu’il est arrivé au bas de la table, on laisse tomber par terre ou dans une auge, qui est placée vis à-vis, le reste du métal.

Par cette opération le métal fondu que le rable contient, s’attache à la table, & y forme une feuille plus ou moins épaisse, selon que l’on a tiré le rable plus ou moins vîte, ou que la table est moins ou plus inclinée.

Les tables ainsi tirées, on les laisse refroidir. On ébarbe ensuite celles d’étain, dont les bords sont entourés d’un grand nombre d’aiguilles, qui blesseroient les ouvriers sans cette précaution : on les roule pour s’en servir, ainsi qu’il sera dit ci après On continue de même jusqu’à ce que la fonte soit épuisée.

Les plus grandes tables que l’on fasse de cette maniere sont de 16 piés de long, sur 3 piés de large, ou seulement de 18 pouces. Si les tuyaux sont de deux pieces, ainsi que cela se pratique ordinairement, lorsque les tuyaux ont une certaine grandeur ; on conçoit bien par conséquent que la table & le rable doivent être d’une grandeur proportionnée.

Lorsque le coutil dont la table est couverte est neuf, les tables qui sont coulées dessus sont ordinairement défectueuses, soit parce que l’humidité du coutil cause de petits bouillons, ou parce que les petits poils qui les rendent velues font le même effet, on est obligé de couper les tables, & de les remettre à la fonte.

Après que les tables ont été coulées, ainsi qu’il a été dit, on les forge, on plane sur un tas avec le marteau, représenté fig 62. Ce marteau est rond, plan par une de ses extrémités pour planer, & un peu convexe par l’autre pour forger. L’effet de ces deux opérations est d’écrouir le métal, & par conséquent en le rendant plus roide, le rendre plus propre à soutenir la forme que l’on lui donne dans l’emploi qu’on en fait. On saura aussi que l’étain est très dur à forger, au lieu que le plomb est très-doux.

Après que les tables sont forgées & planées, on les étend sur un établi qui doit être bien uni, en les frappant avec une batte. Voyez Batte, & la fig. 65. Les tables de plomb ainsi étendues sont brunies avec le brunissoir d’acier, fig. 64. voyez Brunissoir. Après cette opération elles sont entierement achevées : celles d’étain au contraire demandent un peu plus de travail. Après qu’elles sont étendues sur l’établi avec la batte, on les rabotte avec la galere, voyez Galere, & la fig. 63. qui la représente. Cette galere est un rabot dont la semelle est de fer, & dont le fer est presque à-plomb. La raison de cette disposition est que si le fer étoit oblique, il mordroit trop, & emporteroit la piece ; au lieu qu’il faut qu’il ne

fasse que racler un peu fort, & emporter des copeaux légers. Par cette opération on égalise les tables d’épaisseur, ce qui s’acheve avec le racloir des ébénistes. Voyez Racloir. Cette opération se fait des deux côtés de la table d’étain ; car pour celles de plomb, on ne les rabote que quand elles sont plus épaisses à un endroit qu’à l’autre ; & le côté raboté des tables de plomb se met toujours en dedans du tuyau.

On doit observer aussi que pour raboter l’étain, on doit graisser un peu la semelle de la galere ; & que pour le plomb on doit le mouiller avec de l’eau, & en remettre souvent ; car plus le plomb est mouillé, plus la galere emporte de forts copeaux.

Après toutes ces opérations, on polit les tables d’étain en cette maniere. On prend de l’eau & du savon ; on met de l’eau sur la table, & on la frotte avec le savon : on brunit ensuite avec le brunissoir, qui doit être très-poli : on enduit pour cela une planche de sapin de potée & d’huile ; on frotte le brunissoir dessus jusqu’à ce qu’il soit bien poli ; on l’essuie avec un morceau de serge, & on brunit ensuite la table d’étain en la frottant dans toute son étendue avec le brunissoir.

Lorsque la table est bien également brunie, on écrase du blanc-d’Espagne que l’on seme dessus ; on frotte ensuite avec un morceau de serge jusqu’à ce que la table soit bien éclaircie : alors elle est entierement achevée de polir. On se doute bien qu’on ne polit ainsi que le côté qui doit se trouver en-dehors du tuyau ; car polir le dedans seroit un travail superflu, & même on ne polit que l’étain qui doit servir à faire les tuyaux de montre, c’est-à-dire ceux qui paroissent au-dehors.

Le cuivre dont on se sert dans la fabrique des orgues, est du laiton réduit en table de différentes épaisseurs, & en fil.

Le fer sert à faire les pattes des rouleaux d’abrégé, & à divers autres usages que nous expliquerons ci-après, en spécifiant de quelles matieres sont les différentes parties de l’orgue.

Après avoir parlé des matieres dont un orgue est composé, & avoir expliqué leur apprêt, nous allons traiter de l’emploi qu’on en fait, en expliquant les différentes parties qui composent un orgue.

Le fût d’orgue ou buffet, est un ouvrage de menuiserie fait de bois de vauge ou d’Hollande, si l’on veut, divisé en plusieurs parties. Les parties saillantes arrondies I N, fig. I. Pl. d’orgue, s’appellent tourelles ; les parties KLMN plates, entre les tourelles, s’appellent plates-faces ; leur forme & grandeur sont arbitraires : en effet, elles sont autant variées qu’il y a d’orgues dans le monde ; on observe cependant que le nombre des tourelles soir impair, & on en place une dans le milieu, & deux aux extrémités. On enrichit ce buffet d’autant d’ornemens de sculpture que l’on veut, comme par exemple, de figures, de termes, ou de cariatides qui soutiennent les tourelles sur leurs épaules ou leur tête ; de différens grouppes d’enfans placés au dessus des tourelles, qui tiennent divers instrumens de musique dont ils paroissent jouer ; enfin de tous les différens ornemens que l’imagination peut fournir, & qui sont compatibles avec le lieu où l’orgue doit être placé. Celui qui est représenté dans la premiere Planche est un des plus simples que l’on puisse faire ; mais nous avons préferé de le faire de la sorte, à le charger d’ornemens, parce qu’il s’est trouvé plus convenable pour nos explications ; c’est même la raison pour laquelle nous l’avons représenté comme coupé en deux, afin qu’on pût voir quelques-unes des parties intérieures de l’orgue.

Dans les grandes orgues d’églises, il y a ordinairement au-devant du buffet de l’orgue, un autre petit