L’Encyclopédie/1re édition/BRUNISSOIR
* BRUNISSOIR, s. m. (Art méchan. en métaux.) outil à l’usage de presque tous les ouvriers qui employent le fer, l’or, l’acier, l’argent, l’étain ; ils s’en servent pour donner de l’éclat à leurs ouvrages après qu’ils sont achevés. Le brunissoir passé fortement sur les endroits de la surface de l’ouvrage qu’on veut rendre plus brillans que les autres, produit cet effet en achevant d’enlever les petites inégalités qui restent du travail précédent. D’où l’on voit que, de quelque matiere que l’on fasse le brunissoir, cet outil n’emporte rien de la piece, & doit être plus dur qu’elle.
Le brunissoir de l’Argenteur est un morceau d’acier fin, trempé & fort poli, monté sur un manche de bois. Voyez figure de l’Argenteur, Planche VII.
Le brunissoir des Couteliers est d’acier fin, trempé & bien poli ; il varie selon les ouvrages. Il y en a à main, & il y en a à étaux. Les brunissoirs à main n’ont rien de particulier ; ceux à étaux sont montés par un bout sur un long morceau de bois qu’on serre dans l’étau : on pose la piece à brunir sur ce morceau de bois, & l’on appuye sur elle fortement le brunissoir, qu’on tient par le manche qui est à l’autre bout. Le brunissoir fait levier. Quant à sa forme, on lui donne celle de deux petits cones opposés au sommet pour l’intérieur des pieces concaves. Il faut donc imaginer ces deux petits cones bien polis, montés sur un pié, & ce pié élevé perpendiculairement sur le milieu d’un arbre un peu concave dont il fait partie, de façon que les deux petits cones, tenus à quelque distance de l’arbre par le pié, soient dans une direction parallele à l’arbre. Cet arbre a une de ses extrémités faite en crochet ; ce crochet recourbé en-dessus, se place dans un piton fixé sur un morceau de bois étroit, mais de la longueur de l’arbre ; son autre extrémité est emmanchée. On place le bois dans l’étau, & on passe l’un ou l’autre des cones dans l’anneau ou sur la surface de la piece à brunir, & on applique ce cone fortement sur elle, à l’aide du piton qui retient un des bouts du brunissoir, & du manche qui sert à appuyer à l’autre bout. L’arbre du brunissoir, quand l’ouvrier s’en sert, est parallele au bois pris dans l’étau, & perpendiculaire à la piece à brunir.
Le brunissoir dont les Doreurs se servent, est fait ordinairement d’une dent de loup, de chien, ou de la pierre sanguine. On met ces dents ou cette pierre au bout d’un manche de fer ou de bois. Il y a aussi des brunissoirs d’acier communs à plusieurs ouvriers. Voyez la figure 38. Planche II. du Doreur.
Le brunissoir du Doreur sur cuir, est un caillou dur & poli emmanché, dont ces ouvriers se servent pour lisser les cuirs dont ils font les tapisseries. Voyez les figures 6. & 7. Planche du Doreur sur cuir ; & la figure 3. de la Vignette, qui représente un ouvrier qui lisse une peau sur une pierre posée sur un établi.
Le brunissoir ordinaire des Graveurs, est une lame d’acier de 6 ou 7 pouces de long & 3 ou 4 lignes d’épaisseur, courbée en S par les deux bouts, qui sont amenuisés pour entrer dans les manches ou poignées AB (fig. 20. Planche de la Gravure) qui servent à le tenir. La partie du milieu cd, qui est plate, est arrondie du côté convexe, & est aussi un peu courbe ; l’arrondissement doit être bien poli, & tout l’outil trempé dur.
On se sert du brunissoir, pour donner le dernier poli aux planches de cuivre en les frottant avec, & ayant soin de mettre de l’huile d’olive pour les lubrifier. Les autres brunissoirs consistent en un bâton, pour servir de manche, & en une piece d’acier arrondie sur la convexité, ainsi que la figure 21. de la même Planche le représente. Il y en a de différentes formes & grandeurs.
Les Horlogers en ont de différentes figures, de formés en lime à feuille de sauge, comme dans la figure 27. no 2. Planche XIV. de l’Horlog. d’autres comme des limes ordinaires. Ils sont tous d’acier trempé & bien polis : les premiers servent ordinairement à brunir des vis, des pieces de cuivre ; les autres servent pour des pieces plates : ils en ont de petits de cette derniere espece pour brunir les pivots, & ils les appellent brunissoirs à pivots. Voyez Brunir. (T)
Le brunissoir des Orfévres en grosserie, est un instrument d’acier très-poli, ou une pierre sanguine, ou même une pierre plus fine, montée sur un manche. C’est en l’appuyant également sur tous les endroits du champ d’une piece qu’on lui donne ce beau poli, cet éclat que les yeux ont quelquefois peine à soûtenir.
Les brunissoirs dont les Facteurs d’orgues se servent pour brunir les tables d’étain qu’ils employent à faire les tuyaux de montre ou d’anches, sont des morceaux d’acier arrondis & très-polis, avec lesquels en frottant sur les tables d’étain, ils les rendent unies & luisantes ; la fig. 64. Planche d’Orgue, en représente deux. A, le manche ; B, le brunissoir, que l’on applique par le côté convexe sur la table que l’on veut brunir ; CD, un autre brunissoir qui sert au même usage ; C, la poignée de bois dans laquelle le fer D entre au moyen d’une entaille qui y est pratiquée. V. l’art. Orgue, où le travail de l’étain & du plomb est expliqué.
Le brunissoir du Potier d’étain lui sert après que son ouvrage a été tourné ou reparé au gratoir : il en a de différentes formes ; les uns pour brunir la vaisselle, les autres la poterie & menuiserie, & les autres ce qui est reparé à la main. Ces outils sont d’acier pur, trempé bien dur, ensuite bien polis & frottés de tems en tems sur la potée d’étain : lorsqu’on s’en sert, il faut mettre de l’eau de savon sur les pieces d’ouvrage avant de les brunir. Voyez la Planche du Potier d’étain.