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plantes labiées ; celle de plusieurs substances exotiques, comme canelle, gérofle, sassafras, &c.

Les gouttes jaunes du général la Mothe, que sa veuve remariée à un gentilhomme italien, appellé Calsabigi, vend encore aujourd’hui à Paris, ne sont autre chose qu’une teinture semblable, à la préparation de laquelle on a employé l’éther de Frobenius, qui est la plus subtile & vraissemblablement la plus précieuse de toutes les huiles essentielles pour l’usage médicinal. M. Pot a découvert par l’examen chimique, & publié la composition de ces gouttes ; & il ne faut qu’avoir vu & flairé l’éther pour le reconnoître dans ces gouttes, & par l’inspection la plus superficielle. Nous pouvons assurer de cette teinture, comme nous avons avancé de celle de Mademoiselle Grimaldi, que l’or qu’elle contient n’ajoute rien aux qualités médicamenteuses propres de l’éther. Voyez Éther de Frobenius.

On emploie dans les boutiques des Apothicaires des feuilles d’or aussi-bien que des feuilles d’argent à recouvrir des pilules, soit dans la vue de les orner, de leur procurer de l’élégance, soit principalement pour masquer le mauvais goût de quelques-unes, en les défendant du contact de la salive qui pourroit en extraire des matieres âcres, ameres, &c. comme cela arriveroit si on prenoit des pilules savonneuses, aloëtiques, &c. sans cet enduit. C’est à cet usage que doit son origine l’expression proverbiale dorer la pilule, dont tout le monde connoît le sens figuré.

Au reste, les pilules se dorent par une manœuvre très-simple exposée au mot pilule, voyez Pilule, Pharmacie. (b)

Or, terre d’(Hist. nat.) on a donné ce nom assez mal-à-propos à plusieurs especes de terres qui ne contiennent point de l’or. C’est ainsi que quelques naturalistes allemands ont appellé une terre martiale & pyriteuse qui se trouve dans le pays de Hesse, terra solaris hassiaca : voyez Solaire, terre.

Les Italiens appellent terra vergine d’oro une terre calcaire, très-blanche & très-fine, qui est tantôt en poudre, tantôt en pierre, & qui se trouve dans le voisinage de Modene, & que l’on a appellée terre d’or, à cause des grandes vertus qu’on lui attribue dans la fievre, la dissenterie, l’hypocondriaque & contre les poisons. (—)

Or, (Arts & Métiers.) c’est le plus précieux des métaux, qui réduit en feuilles & appliqué sur plusieurs couches de couleur, sert à décorer ou enrichir les dedans & les dehors des bâtimens. On appelle or mat, l’or qui étant mis en œuvre, n’est pas poli ; or bruni, celui qui est poli avec la dent-de-loup, pour détacher les ornemens de leur fond ; or sculpté, celui dont le blanc a été gravé de rinceaux & d’ornemens de sculpture ; or réparé, celui qu’on est obligé de repasser avec du vermeil au pinceau, dans les creux de sculpture, ou pour cacher les défauts de l’or, ou encore pour lui donner un plus bel œil ; or bretelé, celui dont le blanc a été haché de petites bretelures ; or de mosaïque, celui qui dans un panneau est partagé par petits carreaux ou losanges, ombrés en partie de brun, pour paroître de relief ; & or rougeâtre ou verdâtre, celui qui est glacé de rouge ou de verd, pour distinguer les bas-reliefs & ornemens de leur fond.

Il y a encore de l’or à l’huile, qui est de l’or en feuilles appliqué sur de l’or couleur, aux ouvrages de dehors pour mieux résister aux injures du tems, & qui demeure mat ; de l’or moulu, dont on dore au feu le bronze, & de l’or en coquille, qui est une poudre d’or détrempée avec de la gomme, & dont on ne fait usage que pour les desseins. Voyez les principes d’Architecture, de Sculpture, &c. par M. Felibien, liv. I. ch. xxij. (D. J.)

Or fin, se dit de l’or qui est au titre de 24 karats ; mais comme il est difficile &, pour ainsi dire,

impossible de rencontrer de l’or au titre de 24 karats, soit parce que dans les dissolutions les plus parfaites, ou les affinages les mieux exécutés, la chaux d’or, ou le régule restent toujours chargés de quelque légere partie d’argent, soit qu’avec les précautions les plus exactes, il est difficile d’empécher que le morceau destiné à l’essai ne contracte quelque légere impureté, il suffit que le cornet rapporte 23 k de karat pour être réputé fin ; car alors le poids qui s’en manque étant la 128e partie du grain de poids de marc, eu égard au poids d’essai dont on se sert en France, il est sensible qu’une si légere diminution est presqu’inévitable, ne peut nuire à la finesse du titre, & ne fait que constater combien on doit apporter de soin aux affinages, & combien il est difficile de dégager entierement les métaux des parties hétérogenes qu’ils renferment dans leur sein.

Il en est de même de l’argent fin, qui doit être au titre de douze deniers, & que l’on trouve rarement à ce titre, parce que dans les affinages les plus complets, & les dissolutions les mieux faites & les plus soigneusement décantées, il est impossible que l’argent ne retienne quelques parties de plomb ou de cuivre ; celui qui se trouve au titre de 11 deniers 23 grains, est réputé fin ; quelquefois on en a trouvé à 11 deniers 23 grains , mais cela est très-rare. Nous remarquons ici en passant, que les essais d’argent demandent beaucoup plus de soin & d’attention que les essais d’or, que leur sûreté dépend d’un nombre de conditions accumulées, & que leur certitude physique est bien moins constante que celle des essais d’or : car comme cette opération se fait au fourneau de reverbere, il est important de veiller à ce que le feu ait par-tout une égale activité ; autrement le feu étant plus vif dans une partie du fourneau que dans l’autre, le plomb entre plutôt en action dans une coupelle que dans l’autre, & la torréfaction étant plus vive, il peut ronger & emporter avec lui quelque parcelle d’argent, tandis que les autres boutons d’essais sur lesquels le plomb n’aura eu qu’une action lente par défaut d’activité du feu, pourront retenir dans leur sein des parcelles de plomb ; ce qui avantage les uns & fait perdre aux autres : il faut en outre bien prendre garde qu’il ne se fasse des cheminées, & les boucher à l’instant qu’on s’en apperçoit : autrement l’air frappant sur le bouton, peut le faire pétiller, & écarter quelques grains. Il faut d’ailleurs garder son plomb à raison du titre de l’argent qu’on veut essayer, autrement on pourroit faire de grandes erreurs. Voyez Essai.

Or au titre, se dit de l’or qui est au titre de 20 karats, qui est celui prescrit par les ordonnances pour les bijoux d’or.

Or bas, se dit de l’or qui est au titre de 10, 12, jusqu’à 19 karats ; au-dessous du titre de 10 karats, ce n’est plus proprement qu’un billon d’or.

Or bruni, c’est de l’or que l’on a lissé & poli avec un instrument de fer qu’on appelle brunissoir, si c’est de l’or ouvré, ou de la dorure sur métal ; & avec une dent-de-loup, si c’est de la dorure sur détrempe.

Or en chaux, se dit de l’or réduit en poudre par quelques dissolutions quelconques ; l’or en chaux est réputé le plus fin, & c’est celui dont se servent les doreurs ; mais il est toujours prudent d’en faire l’essai avant de l’employer, & de ne pas s’en rapporter à la foi des affineurs ou départeurs, attendu qu’ils peuvent aisément vous tromper : il leur est facile, en versant quelques gouttes de vitriol dans leurs dissolutions, d’y précipiter un peu d’argent, sans altérer la couleur de leurs chaux, & moyennant cela, sans qu’on s’en apperçoive à l’inspection.

Or aigre, se dit de tout or qui éprouve des fractures ou gersures dans son emploi, sous l’effort du marteau ou celui du laminage : si on n’employoit que