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ailleurs. L’autre espece est le baume de la Mecque & de Constantinople, qui est encore précieux, & qui parvient rarement jusqu’à nous, si ce n’est par le moyen des grands qui en font des présens. Voici comment on le retire. On remplit une chaudiere de feuilles & de rameau du baumier, & l’on verse de l’eau par-dessus jusqu’à ce qu’elle les surpasse. Lorsqu’elle commence à bouillir, il nage au-dessus une huile limpide que l’on recueille avec soin, & que l’on reserve pour l’usage des dames ; car elles s’en servent pour se polir le visage & pour en oindre leurs cheveux. Tandis que l’ébullition continue, il s’éleve à la superficie de l’eau une huile un peu plus épaisse & moins odorante, que l’on envoie comme moins précieuse, par des caravanes, au Kaire & aux autres pays ; c’est le plus commun en Europe.

Comme les vertus de l’opobalsamum dépendent de son huile subtile & volatile, il est certain que celui qui est récent a plus de vertu que celui qui est vieux. On l’emploie dans l’asthme & dans la phthisie avec quelque succès, pour rétablir le ton des poumons, adoucir l’acrimonie de la lymphe qui se répand dans leurs cavités, & en inciser les humeurs visqueuses. On abuse souvent de ce remede, en le prescrivant dans les ulceres des reins & de la vessie ; car comme ces arbres sont d’ordinaire érésipélateux, tous les balsamiques & les résineux y nuisent beaucoup, en augmentant l’inflammation, & en arrêtant l’excrétion du pus.

Ce baume est encore célebre pour guérir les plaies, étant appliqué extérieurement. Il est vrai qu’il convient très-bien aux plaies simples, ou à celles qui consistent dans une simple solution de continuité, soit pour couvrir la plaie, & pour empêcher le contact de l’air, soit pour procurer plutôt la réunion des levres ; car alors ces plaies qui se guériroient facilement par elles-mêmes, se cicatrisent bien plus promptement : mais s’il y a quelque contusion, ou quelque froissement des fibres charnues, ou autres qui entraînent toujours la suppuration, ce seroit en vain que l’on employeroit les balsamiques pour en faire la réunion ; car ces parties qui se pourrissent, & dont on empêche la séparation, étant retenues trop longtems, irritent & enflamment par leur acrimonie la partie malade : c’est ce qui fait que la guérison de telle plaie est plus longue, & souvent très-difficile.

Les dames de Constantinople, & celles d’Asie & d’Egypte, font usage de l’opobalsamum pour se rendre la peau douce & polie. Voici la maniere dont en usent les Egyptiennes. Elles se tiennent dans un bain jusqu’à ce qu’elles ayent bien chaud ; alors elles se frottent la peau du visage & de la gorge avec ce baume à différentes fois, & sans l’épargner ; ensuite elles demeurent une heure & davantage dans ce bain chaud, jusqu’à ce que la peau soit imbibée de ce baume & bien seche ; alors elles en sortent : elles demeurent ainsi pendant trois jours le visage & la gorge imbibées de baume ; le troisieme jour elles se remettent au bain, & se frottent encore comme on vient de le dire, avec le même baume. Elles recommencent l’opération plusieurs fois, ce qui dure au moins trente jours, pendant lesquels elles ne s’essuient point la peau. Enfin lorsque le baume est bien sec, elles se frottent d’un peu d’huile d’amandes ameres, & ensuite elles se lavent pendant plusieurs jours dans l’eau de feves distillée.

Les dames qui se servent de ce baume parmi nous, en qualité de cosmétique, en font par art le lait virginal, qui est avec raison fort estimé pour l’embellissement de la peau. Il ne se fait aucune précipitation dans ce lait, & le baume ne se sépare point. Voyez-en la composition au mot Lait virginal.

L’opobalsamum est, comme on sait, nommé dans les ordonnances des Médecins, sous le nom de baume

blanc de Constantinople, baume de Judée, d’Egypte, du grand Kaire & de la Mecque. Chez les Apothicaires, on le nomme aussi baume de Galaad, balsamum galaldense ou gileadense, parce qu’on s’est imaginé que le baume de Galaad de l’Ecriture étoit la même chose que celui qui nous vient aujourd’hui de la Mecque directement par la mer Rouge, ou autrement.

Mais le mot hébreu que nous avons rendu baume, est zori, qui, suivant la remarque des rabbins, signifie toutes sortes de gommes résineuses. Dans Jérémie, viij. 22. & xlvj. 2. il en est parlé comme d’une drogue que les Médecins employoient ; & dans la Génese, xxxvij. 25. & xliij. comme d’une des choses les plus précieuses que produit le pays de Canaan ; & dans l’un & dans l’autre endroit il est marqué qu’il venoit de Galaad. Si le zori du texte signifie du baume, tel que celui de la Mecque, il faut qu’il y en ait eu en Galaad long tems avant qu’on eût planté l’arbre dans les jardins de Jérico, & avant que la reine de Saba eût apporté à Salomon la plante dont parle Joseph : car c’étoit une des marchandises que les Ismaélites portoient de Galaad en Egypte, quand Joseph leur fut vendu par ses freres ; Jacob en envoya en présent à Joseph en Egypte, comme une chose qui croissoit dans le pays de Canaan, quand il dépêcha ses autres fils pour acheter du blé dans ce pays-là. Pour moi je croirois que ce zori de Galaad, que nous rendons baume dans nos traductions modernes, n’étoit pas la même chose que le baume de la Mecque, & que ce n’étoit qu’une espece d’excellente térébenthine dont on se servoit alors pour les blessures & pour quelques autres maux.

Le mot opobalsamum veut dire suc ou gomme de baume ; car proprement balsamum signifie l’arbre, & opobalsamum, le suc qui est distillé ; ὀπός en grec signifie le suc, la gomme, ou la liqueur qui distille de quelqu’arbre que ce soit, ou même de plusieurs autres choses.

L’opobalsamum entre dans la thériaque & le mithridate, de nom sans doute plus qu’en réalité, comme on en peut juger par la quantité de ces deux compositions qui se fait chaque année dans toute l’Europe, & en même-tems par la rareté du vrai baume d’Arabie, dont le prix sur les lieux vaut environ une pistole l’once. (D. J.)

OPOCARPASUM, ou Opocalpasum, s. m. (Hist. des drog. anc.) suc végétal qui ressembloit à la meilleure myrrhe liquide, que l’on mêloit souvent avec elle par l’amour du gain, & dont on ne pouvoit facilement la distinguer. Ce suc causoit l’assoupissement & une espece d’étranglement subit. Galien rapporte qu’il a vu plusieurs personnes mourir pour avoir pris de la myrrhe dans laquelle il y avoit de l’opocarpasum, sans qu’ils le sussent. Aucun des anciens n’a pu nous apprendre de quelle plante, de quel arbre, ou de quelle herbe étoit tiré le suc que l’on appelloit opocarpasum ; & aucun auteur moderne ne le sait encore aujourd’hui.

OPODELTOCH, s. m. (Pharmacie.) emplâtre opodeltoch ; cet emplâtre est composé de quelques ingrédiens précieux, d’un baume naturel, d’un grand nombre de résines & de gomme résine, de toutes les matieres minérales regardées comme éminemment astringentes & dessicatives, telles que le safran de mars, les chaux de zinc, la litharge, le colcotar, &c. & enfin du suc de toutes les plantes qu’on a regardées comme éminemment détersives, vulnéraires, cicatrisantes, telles que l’aloës, le suc de grande consoude, de sanicle, de tabac, & même de feuilles de chêne, substance assurément fort peu succulente.

On peut voir, au mot Emplatre, combien est frivole l’espoir de l’inventeur, qui a prétendu faire